La famille des magistrats a tenu à s’exprimer sur l’actualité nationale et les réalités de leur corps au cours d’une conférence de presse tenue samedi matin, le 1er Mars, à la maison de la Presse. Les conférenciers étaient trois : Adama Yoro Sidibé, Issa Traoré et Adia Djumessi, respectivement prési- dents du Syndicat libre de la magistrature (Sylamy), du Syndicat autonome de la magistrature (Sam) et du Syndicat national des greffiers et secrétaires de greffe (Synag).
Me Sidibé, le premier à prendre la parole, fustige «ceux qui parlent pour plaire ou se faire remarquer (allusion faite au ministre de tutelle). Il faut, précise-t-il, parler avec honnêteté et sincérité pour placer les choses dans leur contexte. Il n’a pas manqué d’insister sur «l’immixtion intempestive du Garde des Sceaux, ministre Batchily, dans les procédures judicaires, les actions immédiates du corps des magistrats et son refus de dialoguer». Le ministre de la Justice refuse-t-il de prendre en compte le cahier de doléances des magistrats, déposé sur la table du gouvernement bien avant la crise de 2012 ? A titre d’exemple, le conférencier revient sur «le plan de carrière, la remise en cause des autorités chargées de la notation, les primes et indemnités a revaloriser et la mise en œuvre de la sécurité sociale des magistrats». Ce dernier point fut la principale cause de la grève des magistrats d»clenchée en 2005. Du fait que le gouvernement de l’époque estimait le corps très gourmand. Concernant le bras de fer opposant les magistrats à Me Mohamed Batchily, dont le nom n’a pas été mentionné, il considère les agissement du ministre «peu orthodoxe». Ses apparitions dans la presse, selon lui, ne sont pas du goût des hommes en robe noire, avant d’ajouter, qu’il n’est «pas d’accord avec les mandats de dépôts qui tombent ça et là».
Quant à Me Adama Yoro Sidibé, il recommande à tout le monde de revisiter les articles 122 et 123, du Code pénal malien, relatifs au mandat de dépôt. «Ainsi, poursuit-il, le Garde des Sceaux ne respecte pas la présomption d’innocence des accusés». Il déplore ensuite le report de la première session de la Cour d’assises prévue le 24 Février dernier avaec seulement 120 affaires à juger.
Sous l’égide de l’ancien ministre Malick Coulibaly, pendant la transition, il y avait 6 sessions avec 500 accusés à Bamako. A Kayes et Mopti avec une bonne dizaine de dossiers tous traités. Espérant que les motifs du report seront recevables, il informe l’opinion que le Sylma condamne les propos «va t’en guerre» du ministre diffusé par un journal de la place via l’affaire du maire Adama Sangaré. Cependant, il dit «oui ! A l’assainissement mais non aux règlements de comptes et halte à la gestapo» du fait d’être supervisés par la SE (Sécurité d’Etat).
Il faut noter par ailleurs que la récente visite du ministre Batchily à Bruxelles est restée plantée comme une épine dans la gorge des acteurs de la justice malienne. «Parler de l’arrestation de magistrats devant les partenaires étrangers, c’est créer le trouble». Comme quoi, l’indépendance de la justice est bafouée. Est-ce une condition pour tout partenaire d’aider une nation qui vient de loin.
Adia Djumessi du Synag a pour sa part magnifié l’unité des syndicats des magistrats. Il qualifie sans détour de première cette mutualisation des efforts de la famille judiciaire avant d’évoquer une doléance importante : «La Passerelle». Il s’agit de l’obtention du statut de magistrat tant recherché depuis 2007. Pour lui, si un greffier décroche un diplôme lui permettant d’arborer le grade de magistrat, il ne peut pas faire valoir ce droit. Entre autres doléances ignorées par le ministre de la justice, il cite pêle-mêle : l’indemnité de participation à la judicature qui, depuis 2009, n’est pas encore satisfaite, la formation continue obligatoire négligée, les séminaires insuffisants et l’inexistence d’allocation d’indemnités spéciales pour les greffiers en chef auprès des différentes cours de justice.
Avant de conclure, les intervenants invitent le Garde des Sceaux à dialoguer et d’avoir une meilleure écoute, une oreille attentive. Ils lui signalent que le corps des magistrats est unifié et il est différent de celui de 2009.
Sur ce, Me Adama Yoro Sidibé mit fin à la rencontre sur cette note : «Mes compagnons et moi ne demandent rien de nouveau. La loi a déjà octroyée leurs dus à ceux qui ont des doléances».
La réaction du ministre est fortement attendue. Heureusement qu’il survit encore faute de remaniement.
Idrissa IDRISSA