La Constitution malienne a été suspendue en 2020 pour faire place à un texte dont la légitimité et la légalité sont toujours contestées par certains acteurs politiques. Une valeur supérieure a été conférée à ce texte puisqu’en cas de contrariété avec les dispositions de la Constitution, c’est la Charte qui prévaut. Les constitutionnalistes nous ont laissé sur notre faim en s’abstenant de nous éclairer sur le sujet. Aujourd’hui, suite à l’annonce du projet de loi portant révision de la charte, les mêmes interrogations reviennent. Une Charte bis peut-elle valider les réformes institutionnelles en perspective ? Quelles seraient les fondements juridiques d’une telle réforme ? Et les institutions issues de cette réforme, fût-elles ovationnées sur le boulevard de l’indépendance, seront-elles légitimes et légales pour autant ?
Si l’on se fie aux anciennes déclarations du PM, elles seront « illégales et illégitimes », quel que soient l’habillage juridique choisi. Mais les données du problème, suite aux ANR et aux témoignages du soutien indéfectible des maliens à la transition, semblent avoir évolué. S’agissant particulièrement de la légitimité, les ANR ont prouvé que la Transition était bien plébiscitée. Les maliens reconnaissent légitimement l’ex-junte comme « autorité dépositaire des prérogatives de puissances publiques ».
Si elles ne souffrent plus de ce manque de légitimité, décriée par une majorité de la classe politique, les autorités de la Transition ne peuvent, pour autant, se réclamer d’une légalité constitutionnelle. Donc la question de la légalité demeure. Et, du point du juriste, c’est la plus importante. Tant que la loi fondamentale n’aura pas été amendée pour reconnaître le coup de force comme mode d’accession au pouvoir, on ne pourra répondre à la question de la légalité que par la négative. Et une Charte, ni même une consultation populaire, aux allures d’un référendum, n’y changera rien.
Mais dans l’intérêt supérieur de la nation, les autorités de la Transition, ayant fait preuve d’un patriotisme jamais égalé depuis l’avènement de la démocratie, il est recommandé d’orienter la réflexion. Le droit ne peut pas ignorer les faits et lorsqu’ils sont l’œuvre du peuple souverain, le droit doit s’adapter.
Le mandat usurpé a donc été, par la suite et de façon rétroactive, validé par le peuple malien. La Charte bis va reprendre à son compte une situation de fait qui, bien que contraire au droit, correspond aux aspirations du peuple souverain. On est donc contraint de l’accepter parce que le peuple malien souverain l’a décidé. On peut être scandalisé par la concentration des pouvoirs, le CNT n’étant en réalité qu’un organe inféodé au pouvoir en place, mais force est de constater que la Transition a su séduire (par ses actions) un peuple longtemps désabusé par une classe politique corrompue.
En conclusion, la transition malienne est illégale mais légitime et correspond au choix du souverain. La CEDEAO et la Communauté internationale devront se faire une raison. Et au risque de faire souffrir inutilement un peuple apparemment déterminé à soutenir ses autorités, nos partenaires devraient revoir leur posture.
On ne peut, toutefois, qu’exhorter les autorités de la Transition à plus de prudence. Un mandat usurpé, quoique légitimé ultérieurement, demeure une situation précaire et par nature transitoire. Vouloir proroger le transitoire, c’est construire un château de carte en plein air en période de forte tempête. La démocratie malienne et tous ses corollaires ont été acquis au prix du sang du peuple. Et il n’est pas prêt d’y renoncer. Et par ailleurs, le pays ne saurait faire un bras de fer avec ses partenaires les plus impliqués dans la recherche de solutions pour la sauvegarde de son intégrité.
On est donc face à un dilemme ! Mais Dieu veuille !
Dr DOUGOUNÉ Moussa