Dans le souci de rompre avec l’immobilisme politique et administratif hérité du passé, la constitution de février 1992 avait recommandé la décentralisation administrative créant des communes rurales et urbaines ayant à leur tête des citoyens élus au suffrage universel.
De cette manière, des élections furent régulièrement organisées par le régime démocratique, donnant l’occasion à toute une pléiade de gens de se porter candidats pour les postes électifs. Même au niveau des élections présidentielle et législatives, le même engouement se remarqua chez les mêmes individus férus de politique pour la cause, disaient-ils, du peuple. Mais les élections communales organisées en 1997 portèrent au pouvoir une bande d’individus dont on peut dire tout sauf qu’ils étaient d’honnêtes citoyens soucieux du bien-être de leurs concitoyens et de l’avenir de leur localité.
Les enseignants à la retraite ou en activité, les anciens militaires et les anciens combattants, les diplômés sans emploi enlevèrent la plupart des sièges et devinrent ainsi les chefs des mairies rurales et urbaines.
La terre à cette époque, la concession rurale, ne demandait que 10 noix de colas et la modique somme de 10 000 F CFA que prenait avec réticence le chef de village. Mais depuis, les choses ont négativement évolué au grand plaisir des élus communaux qui virent en cette situation la route de la Lybie ou comme le disait le maire sortant de la Commune rurale du Méguétan, leur (mine d’or) de proximité. La création de l’ACI 2000 et les nouveaux textes sur le foncier donnèrent du champ à la spéculation foncière et désormais le simple champ de brousse se chiffre à plusieurs millions de FCFA.
Depuis cette période, les élus locaux voient le midi à leur porte et se portent acquéreurs de belles villas appartenant à des fonctionnaires désargentés, de voitures de luxe et la poitrine opulente des plus belles femmes de leur localité. Pour autant les édiles ne sont pas plus performants ; dans les mairies on dort plus qu’on y travaille et le moindre service d’aller faire pipi dans les toilettes est payant. En réalité, s’enrichir dans une mairie et passer de locataire à propriétaire est d’une banalité écœurante chez nous. Si on n’est pas né pour être à la traine une vie durant, après 3 ans comme conseiller dans une mairie, on doit être capable de se construire un beau bâtiment et de se taper une grande concession rurale où des bœufs, des chèvres et des moutons seraient gardés.
Tout cela à la douleur des paysans, ceux-là même qui ont voté pour le futur conseiller et maire qui ensuite se retourne contre eux pour les déposséder sauvagement. Il est d’ailleurs symptomatique de constater que la plupart des maires sont des étrangers de leur commune et non des autochtones et cela explique que ces métèques se soucient peu du sort de leurs électeurs.
Les scandales financiers et fonciers se multiplient et s’amplifient dans les mairies mais les élus communaux sous le couvert de l’immunité que leur confère le suffrage universel n’en ont cure. Les électeurs ont l’impression d’avoir voté pour des prédateurs fonciers ou pour des gangsters de la terre et ne se montrent plus pressés d’aller aux élections.
Les ¾ des terres des environs de Bamako et de la plupart des capitales régionales furent entre 1996 et maintenant morcelées à la demande des chefs traditionnels mais les maires et leurs conseillers s’y sont taillé la part du lion. On comprend alors mieux l’engagement de certaines femmes novices en politique mais qui suivent docilement et servilement les candidats aux postes électifs. Dans ce jeu de l’amour et du hasard, tout est fait pour gagner aux côtés du mâle, y compris la mise à disposition des fesses.
Si l’on y prend garde, la prochaine révolution sociale viendra à coup sûr de l’affairisme sans scrupules des maires car comme disait Fénelon, « les grands évènements sont souvent causés par les causes les plus méprisables».
Facoh Donki Diarra,
écrivain Konibabougou