Les transitions politiques au Mali deviennent récurrentes et il faudrait bien arriver un jour à les bannir de nos mœurs politiques. On a même oublié que ce régime politique initié d’abord au Bénin dans la foulée de la conférence de la Baule de 1989 n’est plus pratiqué par ce pays depuis belle lurette.
La transition, pour le peuple, représente un régime politique provisoire mis en place pour combler le vide constitutionnel occasionné par le départ du chef de l’Etat ou par sa démission le plus souvent par suite d’un coup de force. Au Mali, la constitution de 1992 avait tout simplement prévu la vacance du pouvoir en cas de décès du chef de l’Etat et non la transition que nul n’avait vue venir. Dans ce cas, le président de l’Assemblée nationale prenait le relais jusqu’à l’élection d’un nouveau Président de la République. On croyait alors la démocratie bien partie et les militaires sous contrôle après leur avoir octroyé des avantages économiques et financiers considérables.
Mais le régime démocratique fut si mal géré par ses dirigeants avec ses nouveaux milliardaires et leurs amis européens et américains des casinos que l’armée crut devoir sortir de son trou pour remettre les choses politiques à l’endroit. A vrai dire la transition politique chez nous ne date pas de nos jours puisque après le coup d’Etat de novembre 1968, les militaires mirent en place un comité militaire de libération nationale décrit à l’époque comme un régime d’exception sans doute parce qu’à l’époque le terme transition n’était pas encore entré dans le vocabulaire politique, mais qui avait beaucoup de ressemblance avec nos transitions politiques actuelles.
Un régime bizarroïde gouverna alors le pays de 1968 à 1974 avec un président du CMLN, un chef du gouvernement et bien sûr des ministres tirés sur le volet pour éviter toute contestation de l’autorité militaire. La situation de 1968 demeura dans l’esprit des Maliens de cette époque comme la pire sottise politique conçue par des militaires qui prétendaient être venus pour corriger les erreurs du passé et faire prévoir l’avenir sous de meilleurs auspices. On connaît la suite de ce drame digne des chevauchées meurtrières du Far West mais qui traina néanmoins jusqu’en 1974 où une constitution fut adoptée qui instaura le régime à parti unique constitutionnel qui gouverna par la terreur et la barbarie en dépit de mauvaises performances dans tous les domaines.
Chez nous, la vraie transition politique imitée de celle du Bénin commença en 1991 après la chute de Moussa Traoré et de son UDPM. Un Comité de Transition pour le Salut du peuple (CTSP), sans doute une contrefaçon du Comité pour le Salut du peuple du gouvernement révolutionnaire de Robespierre et de Saint-Just en France lors de la révolution française de 1789, vit alors le jour avec à sa tête le Lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (ATT) et comme Premier ministre Zoumana Sacko. Cet attelage contraire à la raison entre un universitaire made in America et un soldat formé à l’Emia, conduisit pourtant le Mali aux élections présidentielles de 1992 qui consacrèrent la victoire d’Alpha Oumar Konaré au détriment de ses outsiders immédiats. 10 ans de démocratie tantôt parlementaire, tantôt participative s’écoulèrent ainsi pour passer ensuite le témoin à l’ancien président du CTSP, ATT.
Notons que cette transition fut plus bouclée qu’achevée en raison de problèmes multiples en son sein comme dans la société civile.
Le militaire devenu homme politique eut la malheureuse idée de laisser sa marque personnelle dans le champ politique en minimisant les grands partis politiques et en s’appuyant sur un mouvement bidon appelé consensus. Si des hommes politiques y adhérèrent, ce fut plus pour en profiter que pour rendre service à la nation. Puis vint en 2012 une transition politique amenée par le capitaine Amadou Aya Sanogo et dont le seul bénéfice fut pour un seul homme : Ibrahim Boubacar Kéita. Celui-ci de mauvaise gouvernance en achats d’avions personnels, tomba le 18-août 2020 sous les coups d’une poignée de militaires aux ordres du colonel Assimi Goïta. Depuis, la Cédéao fait des mains et des pieds pour imposer au Mali une transition soi-disant apaisée alors que les ¾ de la population en ont marre des hommes politiques et de leurs médiocrités cachées sous de faux diplômes. Comme dirait l’autre proche de J.J. Rousseau, tout cela est la faute à Voltaire car avant lui le monde était calme par le manque d’idées subversives.
Facoh Donki Diarra,
(écrivain Konibabougou).