Sous l’Empire du Mali, ils étaient dédiés à la production du fer et à sa transformation en divers objets nécessaires à la survie et à la puissance de l’Empire, comme l’antique daba, sans laquelle il n’y avait pas d’agriculture, les fusils, les lances, les flèches, les munitions, les marmites… Les femmes forgeronnes s’occupaient, elles, essentiellement de la poterie.
Les forgerons étaient aussi les dépositaires de savoirs ancestraux, englobant les plantes médicinales, la médecine traditionnelle et la protection occulte des guerriers, car ils étaient aussi détenteurs des pouvoirs magiques les plus insoupçonnés.
Mais, au fil du temps, ces valeureux serviteurs des Peuhls, pour ne pas dire esclaves, au contact des Blancs, et peut être sous l’effet de leur whisky – qui a fini par remplacer le «tchimi-tchama» – ont progressivement abandonné les traces de leurs dignes ancêtres.
Dans le meilleur des cas, certains sont devenus des batteurs de tam-tam, d’autres des chauffeurs de taxi, d’autres des fonctionnaires dans des bureaux feutrés. Dans tous les cas, loin de la forge qui faisait jadis la fierté de leurs très respectables ascendants.
Nous avons l’habitude de dire, via des plaisanteries de cousinage, le fameux «Sinankounya», à ces héritiers de Soumangourou Kanté que, s’ils n’avaient pas abandonné les traces de leurs ancêtres au profit de la facilité, les Maliens seraient à même, aujourd’hui, de fabriquer des voitures.
Dans un sursaut d’orgueil, les forgerons viennent de réparer leurs erreurs. En effet, il y a quelques années, regroupés au sein de l’Association des forgerons pour le développement de la forge de Bélédougou «Noumouna Boulonba», ils ont renoué avec le «Gwantougou», autrement dit la fabrication du fer à travers le «Gwanso», un haut fourneau traditionnel qui n’a rien à envier aux fourneaux des Blancs.
C’est un événement annuel tournant entre les différents terroirs des forgerons du Mali. Cette année, c’est Kati qui a eu l’insigne honneur d’abriter l’événement. La cérémonie de lancement s’est déroulée le jeudi 4 juin à Malibougou Hérèmakono non loin des rails.
Elle a été rehaussée par la présence d’une belle brochette de personnalités, à l’image du 2ème adjoint au maire de Kati, Makan Koné, qui représentait le maire Hamalla Haïdara empêché, du Commissaire de police Mamadou Diakité, de deux des députés du Cercle de Kati, les Honorables Soïba Coulibaly et Diassé Coulibaly, du député de Kolokani, l’Honorable Yaya Konaré, et du représentant du chef du Cantonnement forestier de Kati, le Lieutenant Mamadou Sidibé.
Un beau monde qui a fait la joie de Sékouba Fané, Président de l’Association «Noumouna Blonba», non moins cCef suprême des serviteurs des Peulhs devant l’Eternel. La cérémonie s’est déroulée dans une atmosphère de fête populaire, rythmée par le riche folklore des forgerons à l’état pur, venu du fond des âges, qui a véritablement transporté l’assistance.
Les personnalités présentes n’ont pas manqué de saluer, à tour de rôle, l’initiative, qui participe de la sauvegarde de nos traditions dans leurs aspects les plus positifs. Pour culturel qu’il soit, l’événement n’en avait pas moins une dimension économique. A en croire des responsables de l’Association, s’ils on leur donnait des moules appropriés, les forgerons du Mali seraient capables de produire des rails sur la distance Koulikoro – Dakar, sans compter les fers de construction ou autres articles métalliques.
Pour cela, ils ont besoin de l’assistance de l’Etat et de toutes les bonnes volontés. D’autant que le minerai est disponible en quantité industrielle à N’Gara, localité située à une vingtaine de km de Kati. On peut améliorer aussi le processus de production, en remplaçant à terme, pourquoi pas, le charbon de bois par l’énergie solaire. Et créer ainsi de l’emploi et de la richesse à partir de nos propres traditions
Place au clou de la cérémonie, la mise à feu du haut fourneau, en commençant par les tuyères, après les rituels ancestraux d’usage. Détail de taille, le feu ne peut être allumé que par les forgeons pur sang. Le fer sortira des entrailles du haut fourneau, trois à sept jours après la mise à feu.
Place à la fête! Devant des forgerons déchaînés, revigorés par un «tchimi-tchama» fort dosé, nous n’avons eu d’autre choix que de prendre nos jambes à notre cou. Suivi en cela par le prince héritier, Boubacar Sidibé dit Junior, et son cousin Diakaridia Sidibé, qui nous ont heureusement aidés à transporter stylo, dictaphone, calepin et appareil photo numérique.
Yaya Sidibé