Les coups de la vie ‘’Elle retrouve son fils, 27 ans après’’…

0

“Tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir». Pour moi, les chances de revoir mon fils étaient quasiment nulles, mais par la grâce de Dieu, 27 ans après, je suis la maman la plus heureuse du monde. Je vous raconte mon histoire. Mon fils et ma sœur interviendront au cours du récit. Je m’appelle Adjafin, j’ai 62 ans aujourd’hui. Je n’ai jamais été mariée. Il y a près de 45 ans, j’ai fait la connaissance d’un commerçant gabonais du nom de Yann. La première fois que l’ai vu, ça a été le coup de foudre. Je l’ai tout de suite aimé et c’était réciproque. Yann était venu en formation à Abidjan pour un mois.

Ce mois-là, nous l’avons vécu intensément. En partant, Yann a promis de revenir en Côte d’Ivoire pour moi. Quand il est  parti, j’ai réalisé que j’avais fait une grosse bêtise. J’étais enceinte de lui. J’allais encore à l’école chez un oncle très sévère. Lorsqu’il a su pour ma grossesse, il m’a ramenée auprès de mes parents à Korhogo. A l’époque, c’était un scandale pour une fille musulmane sans mari de tomber enceinte. C’était une honte pour la famille. Quand je suis retournée au village, il a fallu que je me cache chez une tante pour éviter que mon père ne me frappe. Malgré mes problèmes, je pensais très fort au père de mon enfant. J’ai accouché dans des conditions difficiles. Mon père ne voulait pas me voir et ma mère m’insultait tout le temps. Les années ont passé et mon fils Abdoul, a eu l’âge d’aller à l’école. Je n’avais plus  les nouvelles de Yann. Pour scolariser mon fils, j’ai commencé à vendre des choses et j’ai préféré aller vivre avec Sita, ma grande sœur .J’ai appris par des amis, que Yann était revenu plusieurs fois à Abidjan. Mon oncle avait toujours refusé de lui donner de mes nouvelles sous prétexte qu’il était un “Kafri“ (un non musulman). Lorsque mon fils a eu 16 ans, un ami est venu me voir à Korhogo avec Yann, il a été  très honnête avec moi. Il m’a dit qu’il venait chercher son fils et qu’il était déjà marié. En partant avec lui, il m’a remis 300 000 franc pour que je me débrouille. A l’époque, c’était beaucoup d’argent. Ma grande sœur Sita voulait que je lui donne la moitié de cette somme parce que je vivais sous son toit. J’ai refusé parce que j’avais aussi des projets. Je lui ai finalement remis 50 000 francs.

 

SITA : J’hébergeais ma sœur et son fils. Sous prétexte qu’elle avait des problèmes, Adjafin a refusé de me donner la moitié de son argent. J’avoue que je n’ai pas pu supporter cela. Elle n’arrêtait pas de me dire que son fils réussirait un jour. Qu’il ferait d’elle une reine parce qu’il allait aux Etats-Unis pour ses études .Je me sentais narguée. Avec les 250 000 francs qui lui restaient, elle voyageait. Elle achetait des vêtements à Abidjan qu’elle revendait à Korhogo. Ce commerce marchait bien au point qu’elle a loué une maison. Je l’ai trouvée très ingrate. A chaque fois qu’elle revenait d’Abidjan, elle me racontait qu’elle avait eu son fils au téléphone. J’avoue que j’en étais jalouse. Je ne voulais pas qu’elle me “dépasse dans la vie’’. C’est donc pour cela que je me suis “inscrite “dans la confrérie des sorciers. J’ai acheté un bœuf que j’ai vu naitre et grandir dans le village. J’ai “introduit l’âme“ d’Abdoul, mon neveu, dans ce bœuf et je l’ai chassé du village. Ce, pour ne plus qu’il revienne là où il est né et pour qu’il oublie sa mère. A ma sœur, j’ai lancé un sort au pied droit pour l’empêcher de voyager. Après tout cela, j’étais satisfaite de la voir souffrir. Elle pleurait parce qu’elle n’avait plus de nouvelles de son fils. Pendant toutes ces années, elle a vraiment souffert. Aujourd’hui, je m’en veux terriblement.

 

ABDOUL : J’ai toujours su que ma tante était jalouse de ma mère. Même lorsque nous vivions chez elle, elle ne supportait pas de voir ma mère heureuse. Elle me répétait tout le temps que je n’avais pas de père. Quand mes résultats scolaires étaient bons, ma mère chantait de joie. Ma tante s’énervait. Le jour de mon départ, elle n’avait  d’yeux que pour l’argent de ma mère. Je me suis donc promis de revenir pour ma mère. Mon père est malheureusement décédé quatre mois après notre arrivée aux USA. Après sa mort, je n’avais aucune envie de voir ou d’entendre ma mère. Je ne pensais même plus au pays. Etait-ce à cause des sorts jetés par ma tante ? Je l’ignore. Les choses sont allées très vite pour moi. J’ai rencontré un richissime entrepreneur dans le restaurant ou j’étais vacataire. Je me suis tellement bien occupé de lui, qu’en partant il a cherché à me voir pour me donner un “pourboir’’. C’est là qu’il m’a surpris en train d’étudier. Il m’a posé des questions sur mes études et mes origines. Nous avons longtemps échangé. Depuis lors, je suis devenu son bras droit au sein de son entreprise. J’ai très vite évolué. Je gagnais beaucoup d’argent, mais je ne songeais jamais à ma mère, encore moins à mon pays. Je me suis marié comme par hasard à une Ivoirienne d’Adzopé qui étudiait aussi aux Etats-Unis. Je l’aimais de tout mon cœur. Mais à chaque fois qu’elle me parlait de revenir au pays, je la boudais pendant des semaines. Elle et moi avions eu deux enfants qui ont eu la nationale américaine. J’avais acquis la nationalité avant leur naissance. En plus de mon boulot, j’avais beaucoup de petites affaires dont une société de taxis et deux hôtels. Je ne voulais plus entendre parler de mes origines africaines. Mon épouse en était malheureuse.

ADJAFIN : Pendant toutes ces années, j’ai souffert le martyre. Je quémandais à manger. J’ai fini par me dire que mon fils était mort à l’aventure car tel que je le connaissais, il avait trop d’amour pour moi pour m’abandonner de la sorte. Avec mes douleurs au pied, je ne pouvais que rester à la maison alors que je n’avais personne pour veiller sur moi. Mais je n’ai pas perdu  la foi. Je priais tous  les jours pour moi-même et le repos de l’âme de mon unique fils. Il m’arrivait de souhaiter que la mort m’emporte puisque je ne guérissais toujours pas. Sita ne s’en préoccupait point.

 

SITA : Mes mauvais plans se sont gâchés lorsqu’un imam m’a démasquée. Un soir, après la prière, il m’a fait appel et m’a dit sans détour de libérer ma sœur. Sans quoi je finirais plus malheureuse qu’elle. Cela m’a donné à réfléchir mais je ne savais plus quoi faire. J’ai commencé à regretter mes actes. Mais où trouver le bœuf que j’avais chassé du village ? Et que faire du canari que j’avais enterré pour rendre ma propre sœur invalide ? J’avais beaucoup de remords. Je suis revenue voir l’imam pour qu’il  m’aide à réparer mes erreurs. Il m’a recommandé une série de jeûnes.

 

ABDOUL : Mon épouse m’a présenté un homme affaires sénégalais. Il faisait la navette entre le Sénégal et les Etats-Unis. Il importait des objets d’art. J’ai voulu m’associer à lui parce que cela marchait très bien là-bas. En très peu de temps, Diouf est devenu comme un frère pour moi. Lorsqu’il arrivait aux Etats-Unis, je l’hébergeais. Il voulait que je vienne au Sénégal pour voir son entreprise, mais je refusais à chaque fois. Vu que je ne parlais jamais de mon pays, il m’a posé des questions sur ma famille. Dès que je lui ai dit que je n’avais pas de nouvelles de mère, Diouf est parti de chez moi furieux. Ce jour-là, il m’a crié dessus comme si j’étais un gosse. Il m’a traité d’inconscient .Pour lui, un Africain ne va à l’aventure que pour soutenir sa famille. Dès que je lui ai dit que je n’avais pas de nouvelles de ma mère, Diouf est parti de chez moi furieux. Ce jour-là, il m’a crié dessus comme si j’étais un gosse. Il m’a traité d’inconscient. Pour lui, un Africain ne va à l’aventure que pour soutenir sa famille. J’avoue qu’après ses remontrances, j’ai beaucoup réfléchi. J’ai pensé à ces 27 ans passés loin de ma mère. Je me demandais même si elle était encore en vie. Je me suis mis à repenser à mon enfance. A tout ce qu’elle avait supporté à cause de moi. Je commençais à avoir beaucoup de remords. J’ai demandé à Diouf de m’accompagner en Côte d’Ivoire pour renouer les liens avec ma famille. Du moins, c’est la condition qu’il avait lui-même posée pour qu’on continue d’être associés et amis. Au fond de moi, je savais qu’il avait raison. La plus heureuse, c’était mon épouse. Lorsqu’elle a su que je retournais au pays avec Diouf, elle a coulé des larmes de joie.

 

ADJAFIN : Un matin après la prière, j’étais en train d’égrainer le chapelet, lorsqu’un homme d’une quarantaine d’années s’est introduit dans la maison. Il m’a lancé : “Bonjour maman’’. Je l’ai regardé sans le reconnaitre. Il m’a dit : “Maman, c’est Abdoul, ton fils. Tu ne me reconnais pas ‘’ ? J’ai regardé cet homme si élégant et richement habillé m’expliquer qu’il était mon Abdoul que je croyais mort depuis longtemps. Imaginez vous-mêmes…

 

ABDOUL : Ma mère a tellement pleuré que j’ai eu honte de moi. J’ai pleuré avec elle. Diouf était très ému. C’est comme si on me réveillait d’un profond cauchemar. Ma mère était maigrichonne, on la sentait malade. Elle voyait à peine. Comment moi, un riche entrepreneur, j’ai pu laisser ma mère souffrir de la sorte ? Dans une maison sans plafond ni électricité ? Lorsqu’elle s’est  levée de sa natte de prière, elle pouvait à peine marcher. Ses vêtements étaient délavés. Je me demandais bien ce qui m’était arrivé. Pourtant, je suis plutôt généreux de nature. Pendant que ma mère m’expliquait qu’elle me croyait mort, ma tante arrivée. Elle s’est effondrée en me voyant.

 

SITA : Je me suis confessée. C’était dur et humiliant de tout raconter, mais je me suis sentie mieux après. Ma sœur et mon neveu m’ont pardonnée.

 

ABDOUL : A quoi cela aurait servi de lui en vouloir ? J’étais heureux d’avoir retrouvé ma mère en vie et c’était le plus important. La première des choses que j’ai faite, c’était de la conduire dans une clinique pour qu’elle suive des traitements et ensuite lui acheter une maison. Je lui ai demandé ce qu’elle voulait que je fasse pour elle. Elle voulait seulement remercier Dieu.

 

ADJAFIN : Je voulais faire le pèlerinage à la Mecque avec Sita puisqu’après tout, elle demeure ma sœur…

 

ABDOUL : C’est vrai que j’avais accepté de pardonner à ma tante, mais je n’étais pas d’accord pour payer le pèlerinage à la Mecque à cette sorcière. Je considérais qu’elle ne méritait pas le lieu saint malgré sa repentance. Elle m’avait chassé mystiquement pendant 27 ans juste pour voir ma mère souffrir…

 

ADJAFIN : Ce que je voulais qu’Abdoul comprenne, c’est que Dieu nous pardonne et nos péchés. Et ce pèlerinage, je voulais absolument le faire avec Sita qui n’avait pas d’enfant pour le lui offrir.

 

ABDOUL : Il a fallu l’intervention de Diouf pour que j’accepte de les faire partir toutes les deux. Je doutais toujours de la sincérité de ma tante. Une nouvelle vie allait commencer pour ma mère. Nous avons décidé qu’après le pèlerinage, elle viendrait avec moi aux Etats-Unis pour un long séjour. Elle reprendrait des forces. Je lui ai acheté deux maisons. Une à Abidjan et l’autre à Korhogo. Mais je la préfère à Abidjan. Du moins jusqu’à ce que la situation du pays s’améliore.

 

SITA : J’ai honte de moi. Mon vœu le plus cher est que Dieu me pardonne. Je souhaite que mon fils Abdoul et ma sœur m’acceptent définitivement.

Commentaires via Facebook :