Les coups de la vie : le prix de la confiance et de la reconnaissance…

1

Avec l’aide de son frère Moussa, papa a tout fait pour nous jusqu’à ce que nous soyons des hommes. J’ai toujours eu une très grande passion pour l’art plastique. Papa ne m’a pas vraiment soutenu dans cette optique.

Tonton Moussa était plus compréhensif. J’adorais dessiner et faire des portraits. Il m’arrivait de faire des sculptures. Le chouchou de papa, c’était Madou. Il avait de toute évidence, de bonnes raisons de l’aimer. Avec Madou, c’étaient les bonnes notes, les tableaux d’honneur et les diplômes. Quant à moi, j’ai carrément arrêté l’école pour me consacrer à mon art. Une année après le départ de Madou, papa est décédé d’un cancer. Madou en a beaucoup souffert, puisqu’il n’avait pas pu assister aux obsèques de papa, faute de papiers. Madou était mon seul frère. Pourtant nous n’étions pas les meilleurs amis du monde. Tout comme papa, il n’appréciait pas mon choix. Pourtant, je l’aimais beaucoup. Le fait que notre père le préférait à moi a beaucoup joué sur nos rapports.

Après la mort de papa, il m’appelait régulièrement. Son nouveau papa, c’était tonton Moussa. Tonton méritait cette considération. Il avait été aux cotés de papa. Surtout qu’ils travaillaient ensemble. Il nous côtoyait plus que ses enfants. Tous petits, c’est lui qui nous faisait à manger. C’était aussi l’homme de confiance de papa. C’est donc tout naturellement que nous le traitions comme papa. En affaires, tonton est moins agressif. Papa était le pilier de l’entreprise. Depuis son décès, les choses marchaient au ralenti. Madou lui apportait son aide de temps en temps. Mais tonton vivait au dessus de ses moyens. C’était compliqué. Devant une belle femme, l’argent n’avait pas longue vie dans ses mains. En plus de sa femme et de ses cinq enfants, il avait deux maitresses qu’il entretenait sans oublier ses copines. Du vivant de papa, il lui reprochait tout le temps son goût trop prononcé pour les femmes. Il lui disait que cela le ruinerait s’il n’y prenait garde. Papa n’étant plus, personne n’avait le courage de lui interdire quoi que ce soit. C’était donc la belle vie et donc tout l’argent de l’entreprise y passait. Les employés ne percevaient même plus leur salaire.

Un jour, au cours d’une causerie avec tonton, j’ai appris que Madou s’était marié avec une Américaine. Il avait enfin eu ses papiers. J’étais content pour lui mais un peu frustré qu’il ne m’ait rien dit à moi son unique frère. Je savais que sa situation s’était nettement améliorée et qu’il projetait de construire un immeuble ici. Mais pourquoi m’a-t-il caché son mariage ? J’avoue que j’étais un peu fâché et il le savait. Je ne l’appelais plus. C’est tonton qui me donnait souvent de ses nouvelles. Je savais qu’il était maintenant plein aux as. Les travaux pour son immeuble avaient commencé. Tonton était au-devant de tout. Cela se sentait. Son train de vie avait considérablement changé. Nouvelle voiture, nouvelle maison. Sa nouvelle maitresse avait une voiture aussi. Je savais que l’argent de Madou servait à tout ça mais tonton disait que les travaux sur le chantier étaient très avancés. Un soir, j’ai reçu un coup de fil d’Amérique. C’était la femme de Madou. Elle me suppliait de faire la paix avec mon frère. Elle s’appelait Lucie et était d’origine camerounaise. Elle avait l’air de l’aimer profondément. J’ai accepté car j’avoue que je souffrais moi aussi de cette séparation. Lucie, ma belle-sœur m’appelait régulièrement. Madou aussi. Nous nous sommes rapprochés l’un de l’autre comme jamais nous ne l’avions été grâce à cette formidable épouse. Presque tous les soirs, Madou et moi, nous nous parlions. Il me disait que son immeuble était terminé. Je devrais trouver des gens pour louer les maisons de l’immeuble. Il m’en parlait avec enthousiasme. Il avait vu les photos de l’immeuble. Il n’arrêtait pas de dire que tonton avait fait du bon boulot et qu’il lui confierait la construction d’un second immeuble.

J’étais très content de la nouvelle ambiance qui régnait entre nous. Mon frère avait confiance en moi au point de me confier la gestion de ses affaires. J’étais très ému. J’ai donc décidé de contacter tonton afin de voir l’immeuble dont Madou parlait tant. J’avais hâte de commencer mon nouveau boulot d’agent immobilier. Et tout ça grâce à Lucie. J’ai fait part de la nouvelle à tonton. Il a mal réagi. Apparemment, la nouvelle de notre réconciliation ne l’enchantait pas. Plusieurs fois, j’ai voulu voir l’immeuble, mais il avait toujours un prétexte pour m’éviter. Je me suis donc renseigné auprès des employés qui m’ont dit qu’aucun immeuble n’avait été construit par tonton depuis la mort de papa. C’est-à-dire depuis six ans. J’ai donc compris que tonton avait utilisé l’argent de Madou à des fins personnelles. J’ai raconté à Madou ce que j’avais appris après avoir mené mes investigations. Très en colère, il a appelé l’oncle et l’a informé de son intention de revenir au pays pour voir son immeuble. Cette nouvelle n’a pas été du goût de tonton. Il ne m’adressait plus la parole. Il ne voulait plus me voir, car persuadé que j’avais monté Madou contre lui. Une semaine avant l’arrivée de Madou, tard dans la nuit, j’ai été réveillé par un de ses collègues de travail. Il m’a annoncé que Madou venait de mourir. Froidement assassiné par Lucie, sa femme. Je n’en croyais pas un mot. Comment Lucie pouvait-elle assassiner Madou qu’elle a aimé plus que tout ? Le collègue de Madou m’a juste dit que c’était par jalousie. Je me suis dit qu’elle avait peut-être surpris Madou avec une autre femme. Quel gâchis ? J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. A seulement une semaine de son arrivée ! Je lui en voulais d’avoir tué mon unique frère. Elle qui s’était montrée si gentille. Le collègue de Madou avait aussi ajouté qu’elle s’était rendue elle-même à la police après son forfait. Le corps de Madou a été transféré par ses amis au pays. Jamais, je n’ai été aussi malheureux. Je me suis rendu compte que j’aimais Madou plus que tout. Car même la mort de notre père ne m’avait pas autant affecté. Tonton était au devant de tout. Madou fut enterré près de la tombe de papa. Désormais, j’étais seul face à mon destin. Papa n’avait pas vraiment tort. Car jusqu’à présent, je n’avais pas encore connu de succès dans l’art. Mes tableaux et mes sculptures moisissaient dans un coin de la maison. J’arrivais à peine à me nourrir et à prendre soin de ma famille. L’idée de gérer les biens de mon frère m’avait donné tellement d’espoir. Hélas…

Désormais, mes rapports avec tonton étaient très tendus. On ne s’adressait pratiquement plus la parole. Puis un jour, je reçois un coup de fil de Lucie. Elle était sortie de prison. Elle avait fait huit mois. Huit mois seulement pour un meurtre. Elle voulait que je lui pardonne. Elle m’a dit qu’elle aimait encore mon frère de toute son âme. Mais que ce dernier avait osé la trahir en voulant épouser une autre en Afrique. J’ai été surpris par cette révélation de Lucie. Madou ne m’en avait pas parlé. J’ai donc demandé à Lucie d’où elle tenait cette information.

C’est en ce moment-là qu’elle m’a avoué que c’est tonton qui était sa source. Une semaine avant que Madou ne décide de venir au pays, tonton lui a dit qu’il venait se marier avec une fille qu’il entretenait depuis longtemps au pays. Et qu’il faillait qu’elle l’empêche de venir si elle voulait sauver son foyer. La douleur et la rage d’avoir été trahie l’ont donc conduite à lui tirer une balle dans le tibia pour le convaincre de ne pas voyager. Malheureusement, Madou a cherché à se défendre. Un autre coup de feu est parti cette fois pour l’atteindre à la poitrine. Lucie, en racontant cette histoire, pleurait à chaudes larmes. Son intention n’était pas de tuer son homme. Je comprenais maintenant pourquoi elle avait agi de la sorte. Je savais qu’elle était une femme bien. J’ai informé la famille pour l’immeuble de Madou et des conditions de sa mort. Tous savaient maintenant que tonton était à la base de la mort de mon frère. Je lui en voulais terriblement. Connaissant mes difficultés, Lucie essayait de me convaincre de venir vivre aux Etats-Unis avec ma fiancée et mon fils. Elle m’aiderait. Elle veut ainsi se faire pardonner. C’est peut-être dur ici, mais je réfléchis encore. Quoi qu’il en soit, c’est elle qui a tiré sur mon unique frère.

La Rédaction

Commentaires via Facebook :

Comments are closed.