Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a désormais du pain sur la planche. Contrarié par une Cedeao déterminée à prendre l’initiative politique au Mali au regard du manque d’empressement du chef du gouvernement dans les préparatifs des élections, ce dernier est de plus en plus esseulé sur la question de la tenue des assises nationales de la refondation. Avec le boycott actif de plusieurs acteurs politiques, l’échec de ce rendez-vous présenté comme le point de départ d’un nouveau cap dans la conduite de la transition ne fait plus l’objet de doute.
Sur la tenue des assises nationales de la refondation réclamées à cor et à cri par le Premier ministre, rien n’est encore sûr. En milieu de semaine dernière, plusieurs partis et regroupements de partis politiques, et non des moindres, ont directement saisi le chef du gouvernement de la transition pour lui signifier leur décision de ne pas y participer.
C’est là un coup dur pour Choguel Kokalla Maïga, lui qui est dans logique de foncer, tête baissée, dans la tenue desdites assises nationales, ignorant toute voix discordante. C’est d’ailleurs pourquoi il a multiplié les contacts avec d’autres acteurs nationaux, allant jusqu’à laisser entendre que les « partis politiques » ne sont les seules entités organisées du pays.
Le voilà aujourd’hui fort embarrassé sur l’équation politique de la tenue des assises nationales avec la décision expresse des chefs d’Etat de la Cedeao. L’organisation sous-régionale vient, en effet, stopper net Choguel Maïga dans son jusqu’auboutisme. Ce rendez-vous, maintes fois réclamé, ne vise, selon lui, qu’à apprécier l’opportunité ou non de la prolongation du calendrier de la transition. Une attitude tout à fait nouvelle chez lui, car le Premier ministre Maïga s’était déclaré jusqu’ici favorable au respect du délai de la transition, tel que consigné dans la Charte de la transition.
Eh bien, la Cedeao vient de lui mettre un bémol dans ce choix, en lui mettant la pression sur le respect strict du calendrier de la transition « qui n’est pas négociable », selon les chefs d’Etat de la sous-région, au cours de leur récent sommet, tenu à Accra. Au titre du renforcement de la démocratie en Afrique de l’Ouest, de plus en plus engluée dans des coups d’Etat, ils ont instruit au « président de la commission d’initier le processus de réexamen du protocole additionnel de la démocratie et de la bonne gouvernance, afin de renforcer la démocratie, la paix, et la stabilité » dans la zone.
Autrement dit, il devient plus compliqué pour le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga de pouvoir réussir à crédibiliser, à l’échelle de la sous-région, des résolutions issues des assises nationales, sur lesquelles il n’a obtenu le moindre consensus de la part des acteurs politiques. Cela, justement parce que ledit protocole additionnel auquel font référence les chefs d’Etat de la Cedeao, interdit clairement toutes réformes politiques importantes à moins de six mois de la date des échéances électorales majeures dans le pays.
D’ailleurs, comme pour lui enjoindre à s’en tenir à l’essentiel, la Cedeao a clairement défini un schéma directeur pour le respect strict du calendrier de la transition.
Sans attendre les désidératas de l’organisation sous-régionale, le cadre de concertation des partis et regroupements de partis politiques, dans une correspondance adressée au Premier ministre, a rejeté les assises nationales, tout en dénonçant la création de l’organe unique de gestion des élections dans le peu de temps dont il dispose pour atteindre son plein régime.
Ces derniers ont insisté sur le fait qu’un atelier organisé par le ministère de l’Administration territoriale avait conclu sur la mise en parenthèse dudit organe, trouvant bien évidemment que le temps restant à la transition ne permettait pas de mettre en place un tel dispositif organisationnel, dont l’inexpérience pouvait conduire à de véritables scènes de chaos politico-électoral.
La classe politique a même signifié au Premier ministre qu’il sera tenu pour seul responsable de tout dérapage au regard de son attitude unilatérale à vouloir coûte que coûte organiser les assises nationales et mettre sur pied ledit organe unique.
Choguel K. Maïga, qui prétend que ce sont les assises nationales qui détermineront le sort du calendrier de la transition, se voit du coup menacé par les nouvelles décisions de la Cedeao.
Selon des sources crédibles, les réserves contre les assises, telles qu’elles ont été programmées par le Premier ministre, proviennent de divers horizons. A l’évidence, nous a-t-on appris, des voix se sont élevées dans la propre coterie du chef du gouvernement pour dénoncer la tenue de ces assises nationales, les présentant comme non pertinentes, inappropriées et non consensuelles.
On le voit plus nettement, si la fronde contre les assises nationales concerne bien l’entourage de Choguel Maïga, censé lui apporter le soutien politique nécessaire pour la réussite des missions de la transition, c’est bien parce qu’il a du mal à convaincre sur la pertinence politique de ce rendez-vous.
Oumar KONATE