Invités par différents états-majors politiques dans le cadre des cérémonies d’investiture à la présidentielle du 29 avril 2012, plusieurs dignitaires religieux se conforment à la bonne règle de civilité qui veut que l’on honore tous ceux qui vous respectent. Mais les organisations islamiques et chrétiennes sont-elles pour autant à équidistance des différents candidats déclarés ? Pourraient-elles donner des consignes de vote?
Même s’il Proudhon est contestable dans sa logique selon laquelle " la religion est l’opium du peuple ", il faut reconnaître que le spirituel a toujours pris le pas sur le temporel. Ainsi, la plupart des conférences nationales organisées par différents pays africains dans la foulée des ouvertures pluraliste et démocratique des années 90 ont été, avec des fortunes diverses, dirigées par des prélats : les abbés Monseigneur Laurent Monsenguo de la RDC, Phillipe Fanoko Kpodzro du Togo, De Souza du Bénin, sont des exemples. Des hommes "proches de Dieu " comme Desmond Tutu d’Afrique du Sud, Christian Toumi du Cameroun, l’abbé Jean Bertrand Aristide de Haïti et d’autres ont marqué l’histoire de leurs pays. Lorsque certains pays ont été, à un moment de leurs histoires politiques récentes, traversés par quelques soubresauts, les " forces vives de la nation " ont souvent eu recours à des responsables religieux, qui pour diriger des commissions vérité-réconciliation, qui pour faciliter le dialogue et permettre de recoudre le tissu social déchiré.
Au Mali, c’est une lapalissade d’affirmer que des hommes de Dieu comme le Guide des Ançardines, Cherif Ousmane Madani Haïdara, le chérif de Nioro, Bouye Haïdara, le guide des soufis, Cheick Soufi Bilal Diallo et d’autres sommités religieuses, sont très influents. L’épisode du Code des personnes et de la famille dont ils viennent d’autoriser la promulgation par le président de la République, après la seconde mouture du texte, édifie dans ce sens.
Ces " pères spirituels " de plusieurs millions de Maliens sont de plus en plus présents sur la scène sociopolitique nationale pour se prononcer sur l’adoption de tel ou tel texte de loi. Ce qui est salutaire du fait que ces guides spirituels, dépositaires d’une certaine conscience morale de la majorité du peuple, deviennent un garde-fou contre toute dérive de la part des acteurs politiques qui gouvernent…
Les leaders religieux suivent actuellement de très près l’évolution du processus électoral au Mali. Ils étaient remarquablement présents aux cérémonies d’investiture du leader du RPM, IBK et à celui du CNID-FYT le week-end dernier. Certains militants déduisent hâtivement de la présence de ces guides à leurs côtés un ralliement des courants religieux qu’ils incarnent à leurs partis. Ce qui est une illusion! Il nous est rapporté que ces dignitaires religieux, dans la mesure de leur disponibilité, honorent toutes les invitations qui leurs sont adressées, de quelque bord politique qu’elles viennent.
Comme on le voit, s’ils peuvent se gêner à donner des consignes claires de vote, les responsables des organisations religieuses, qu’elles soient musulmanes, chrétiennes ou animistes, peuvent orienter les fidèles (électeurs) en dressant un portrait-robot du futur président de la République.
On rapporte qu’à travers des prédications dans les églises ou des prêches dans les mosquées, des messages sibyllins ou des consignes à décoder pourraient être… communiquées. De telles " discours " à lire entre les lignes peuvent être décisifs et faire pencher la balance en faveur d’un candidat ou d’un autre surtout dans le cadre du face à face final du second tour de la présidentielle du 29 avril.
Ce qui met inévitablement nos leaders religieux dans une position confortable et digne d’égards dus aux faiseurs de rois. Pour peu qu’ils contribuent à choisir le meilleur président de la République pour le Mali, qui a aussi et surtout besoin de leurs bénédictions et prières.
Bruno D SEGBEDJI