Près de deux semaines après sa libération des poursuites judiciaires, le général Amadou Aya Sanogo est allé à la rencontre de ses soutiens à Ségou, samedi dernier. Le discours de l’auteur du putsch contre l’ex-président Amadou Toumani (ATT), à cette occasion, a défrayé la chronique.
– maliweb.net – Accusés d’assassinat de 21 bérets rouges, dont les corps avaient été découverts dans une fosse commune à Diago, près de Kati lors des événements du coup d’État de 2012, Amadou Aya Sanogo et Coaccusés sont libérés des poursuites judiciaires. L’argument de la défense évoquant la Loi d’entente nationale, qui « prévoit d’exonérer de poursuites pénales les personnes impliquées dans les événements de 2012, ainsi que l’accord d’indemnisation des parties civiles », a convaincu les juges.
« Je fais ce que je veux »
Ce traitement de l’affaire est pourtant controversé. Les organisations de défense des droits humains, notamment la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) estime que « le Mali n’a pas besoin d’une telle injustice, d’une telle impunité qui marque vraiment un recul profond en matière de respect et de protection des droits de l’Homme ». Ce verdict de la justice est également dénoncé par certaines personnes, comme Aminata Soumaré, qui se présente comme victime et menace d’ailleurs de saisir la « justice internationale ».
C’est dans une telle atmosphère de mécontentement que Amadou Aya Sanogo est sorti de son silence, dans la 4e région du Mali,le samedi 27 mars 2021, en s’adressant à ses soutiens. Au cours de cette rencontre, à l’aune d’une campagne politique, le « général 4 étoiles » est revenu sur ces derniers événements le concernant tout en jetant des pierres dans le jardin de ses critiques : « Des gens ont parlé parce qu’ils ont l’art de parler, certains parce qu’ils ont l’art de mentir, d’autres parce qu’ils ne savent pas de quoi ils se mêlaient, d’autres encore dans le seul but de me jeter du discrédit ».
Cette tentative de justification est suivie par un discours de glorification pour la « trentaine d’années » qu’il aurait passé au service de l’armée malienne. « Je suis adulte, général 4 étoiles, fils du Mali sans reproche, je fais ce que je veux », a-t-il fait savoir à ceux qui traduiraient cette visite comme un début de campagne politique.
Faille d’un système de gouvernance
Cette sortie de l’auteur du putsch contre feu Amadou Toumani Touré a été largement commentée ce week-end au Mali, sur les réseaux sociaux aussi bien que dans les médias. Beaucoup ont estimé qu’Amadou Aya a raté l’occasion de se taire. Mais ce qu’il convient de comprendre au préalable, c’est qu’il est difficile, voire impossible d’obtenir une bonne conclusion de mauvaises « prémisses ». Le « général 4 étoiles », même s’il n’a pas connaissance de la « Loi du Talion », s’en est très bien servi : « Œil pour œil, dent pour dent ».Dans l’affaire qui l’impliquait depuis 2012, l’exception semble avoir primé sur la généralité. La Loi d’entente nationale semble avoir annulé certaines dispositions de la « loi fondamentale ».
Le premier article de la Constitution de 1992 indique que « la personne humaine est sacrée et inviolable » et que « tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne ». Lors de l’élaboration de la Loi d’entente nationale n’avions-nous pas connaissance de cette disposition de la « loi fondamentale » de la République du Mali ou a-t-on fait exprès d’aller aux exceptions ?Qu’a-t-on fait de l’article 3 de cette Loi d’entente nationale qui délimite le champ d’application de cette loi : « Sont exclus du champ d’application de la présente loi, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols et tout autre crime réputé imprescriptible. » ?
Dans un pays où les citoyens se rendent compte qu’en cas de délit, les exceptions primeront en leur faveur, comment voulez-vous que ces rescapés de la justice se comportent. Amadou Aya Sanogo est un symbole, celui de la faillite d’un système de gouvernance politique.Pour paraphraser un adage bien connu, au lieu de s’en prendre à là où l’on est tombé, mieux vaut s’en prendre à l’endroit où l’on a trébuché.
Fousseni Togola/maliweb.net