Le président de la section des comptes a propos de la création de la Cour des comptes : « Il faut obligatoirement réviser la Constitution en passant par un référendum »

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Devant être érigée en Cour, la section des comptes de la Cour suprême est l’une des institutions les plus importantes dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Pour en savoir plus nous avons rencontré son président, Kloussama Goïta

 

Pourquoi la création d’une Cour des comptes au Mali et quelle sera sa nature juridique ?

D’abord c’est une volonté politique. Ensuite, tout simplement parce que les bailleurs de fonds tiennent beaucoup au contrôle externe. La Cour des comptes est considéré comme un œil extérieur. Au Mali, le contrôle interne revient au Contrôleur général d’Etat qui est au bon soin du Ministre. C’est seulement la Cour des comptes et le Bureau du vérificateur général qui exerce un contrôle externe et sans pression dans l’exercice de leur fonction.

 

La Cour des comptes, si elle est créée, doit avoir son indépendance totale. En outre, elle doit avoir son autonomie de gestion et financière.

Pour le moment au Mali, il y a la Section des comptes qui a 54 ans et qui est toujours méconnue par le public.  Sa mission est de réguler la gestion financière. Du fait que la Section des comptes soit avec la Cour suprême, il faut savoir que nous sommes limités dans notre travail. D’abord, nous n’avons pas de statut. Les membres de la Section des comptes sont régis par le statut de la Cour suprême. Voila pourquoi en Europe, les gens tiennent à la Cour des comptes. Il faut qu’elle soit indépendante et qu’elle ne soit liée à personne. En d’autre terme qu’elle ait son propre statut. Avec la mise en place d’une Cour des comptes, nous aurons plus de compétences pour mieux juger les comptes.

 

 

Quels sont vos rapports avec le BVG?

Nous avons de très bons rapports. D’abord le BVG est soumis au contrôle de la Section des comptes. Selon la loi, c’est cette dernière qui le contrôle et ses dossiers sont là. Aussi, la loi prévoit que chaque année, le Vérificateur général transmet à la Section son rapport. La loi qui le régissait n’avait pas prévu cette disposition. Mais maintenant, il doit envoyer son rapport à l’organe supérieur de contrôle des finances publiques qui est la Section comptes qui dois l’exploiter. Aussi, le Vérificateur général rend compte à la Section. D’ailleurs, ces comptes sont là. Beaucoup font d’amalgame par rapport à ces deux organes de contrôle alors qu’en réalité nous sommes complémentaires. On est tous sur le même champ de contrôle administratif.  Vous savez, il y a trois sortes de contrôle au Mali notamment, le contrôle administratif, le contrôle parlementaire et le contrôle juridictionnel. D’abord le contrôle administratif est le contrôle de l’administration, à savoir les ministères et les institutions. Au Mali, ce contrôle est exercé par la Section des comptes, le Bureau du vérificateur général et le Contrôleur général d’Etat. Avec le Bureau du vérificateur général, nous avons aussi en commun le contrôle de performance qui est un objectif qu’une entité se fixe à atteindre. La différence entre le BVG et ma section, c’est le contrôle juridictionnel que lui il n’a pas. Dans chaque structure de l’Etat, il y a ce que l’on appelle les services comptables. La Section a pour vocation de juger les comptes du comptable. La loi prévoit que si le comptable est nommé, il doit prêter serment devant le juge des comptes. Il doit déposer une caution au niveau du Trésor public et ses biens sont hypothéqués par l’Etat. Ce comptable est maintenant tenu à la fin de chaque année de déposer son compte de gestion qui est l’ensemble des opérations effectuées dans l’année en recettes et en dépenses. Le Vérificateur général, quant il veut contrôler une structure, est obligé de se déplacer. Par contre, les structures viennent à la Section des comptes pour rendre compte. C’est ce que l’on appelle la reddition des comptes. Aujourd’hui, plus de 200 comptables ont prêté serment. Aussi, les 766 collectivités envoient leur compte chaque année. Pour le juge judiciaire, il faut au préalable une plainte. Alors qu’à la Section, c’est le comptable qui vient porter plainte contre lui, même pour le jugement de son compte. Tout simplement parce que ses biens sont hypothéqués. La particularité de ce jugement revient seulement à mon département. Notre but en général c’est de desseller les fautes de gestion. Si le comptable fait un détournement, on saisit le Ministre de la justice. Certes, le Vérificateur général fait un rapport chaque année, mais notre premier rapport annuel sera publié dans deux mois. En outre, il y a un rapport que l’on fait sur l’exécution du Budget dans la mesure où la Section assiste l’Assemblée nationale et le Gouvernement dans le contrôle du Budget.

 

 

Pensez-vous qu’avec la création de la Cour des comptes, le Bureau du vérificateur général sera un complément ? Autrement dit, est-ce que les deux entités peuvent cohabiter ? 

Pourquoi pas ? Il ne faut pas qu’il y ait de comparaison entre les deux. Car, ils sont complémentaires. Mais il faut que l’Etat nous donne les moyens aussi pour assurer les missions qui nous sont confiées. Il n’y a jamais question de trop. Aussi, le Vérificateur général commence à comprendre les tendances. Donc pourquoi ne pas travailler ensemble. Maintenant, pour coordonner les activités, il s’agit pour les deux entités de s’organiser par rapport au contrôle administratif. Par exemple, il faut qu’on évite de se retrouver sur un même terrain pour le même contrôle. Le Vérificateur général est libre de son programme et la Section l’est aussi.

 

 

Qu’est-ce que vous proposez comme solution afin que les deux auditeurs puissent exercer parallèlement leurs activités?

D’abord au Mali, il y a le problème de corps des inspecteurs. Il est temps que l’Etat envisage la création d’une école des inspecteurs. Au lieu d’aller prendre les agents des impôts, des douanes ou autres, il faut que quand le jeune termine l’école, qu’on le mette directement au niveau du contrôle et il va bien comprendre le système. En outre, au lieu de créer des inspections au niveau de chaque département ministériel, il faut mettre en place un seul corps et nommé un seul Contrôleur général de l’Etat. En ce moment, il y aurait des départements chargés de chaque Ministère pour mieux cadrer la situation. Même si le Végal reste de coté un auditeur indépendant, je ne vois pas de gêne par rapport à cette situation. Le deuxième point à régler, c’est les avantages. Pour éviter les frustrations entre les agents des deux entités, il faut que les structures de contrôle bénéficient du même traitement en ce qui concerne les avantages du métier. Car, nous faisons tous le même travail. Et enfin, que tous les rapports de contrôle soient centralisés au niveau de la Cour des comptes si elle est créée. C’est juste une question d’organisation sinon la cohabitation n’est pas du tout impossible.

 

 

A quand la création de la Cour des comptes au Mali ?

Au Mali, il est dit que pour faire une modification de la Constitution, il faut obligatoirement un référendum. La Section des comptes est un élément de la Cour suprême. En voulant modifier cela, il faut réviser la Constitution en passant par un référendum. Le Président Alpha O Konaré avait initié la création de la Cour des comptes. En ce temps, les experts en la matière avaient prévu que la Cour suprême soit divisée en trois hautes Cours notamment, le Conseil d’Etat, la Cour de cassation et la Cour des comptes. Aussi, sous ATT, en 2012, il était prévu dans le rapport de Daba Diawara la création de la Cour des comptes. Au moment où on devrait faire le référendum, il y a eu les évènements du 22 mars. On peut dire que l’Etat a tenté. Mais cette révision est liée à un référendum. Dans certains pays on peut faire la révision de la constitution sans le référendum. Mais au Mali, tel n’est pas le cas. Mais pour le moment, les autorités veulent qu’on renforce nos capacités pour qu’on puisse travailler comme une Cour des comptes sans pour autant dire son nom. Raison pour laquelle nous sommes associés avec le Ministère des finances. Par exemple, le Pagam (Le Plan d’Action pour le Gouvernement), à travers lequel le Ministère des finances nous appuie. Nous bénéficions aussi de l’appui du PAT (Produit d’assistance Technique de la Banque mondiale). Mais sincèrement, je préfère une Section des comptes en activité qu’une Cour des comptes non opérationnelle. Je ne vois pas la raison de créer une Cour des comptes sans lui donner les moyens adéquats pour accomplir sa mission.

Propos recueillis par

Ibrahim M.GUEYE

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