« Tous les jours, des citoyens sont traînés devant les tribunaux pour avoir enfreint les lois… Pourtant, chaque jour, l’Etat viole plus ou moins ouvertement, voire de façon officielle, les règles qu’il demande aux citoyens de respecter. En toute impunité. » Telle est la trame du livre « l’Etat hors la loi, » de Jean-Marie Pontaut et Francis Szpiner, paru en avril 1989.
Rapporter au cas du Mali, le procès qui oppose le Directeur de publication du journal « Le pays » à la Cour Constitutionnelle est tout un symbole. Jamais un régime politique n’a autant assombri et souillé les pages de notre histoire démocratique.
La surdose de malgouvernance conduit la pastèque pourrie, à imploser de l’intérieur. Tous les signes sont réunis pour ce faire.
Tous les ressorts du pays sont au plus mal. Depuis l’élection présidentielle, la conviction du pays est que, les élections ne servent plus à changer des politiques qui ont échoué et à sanctionner les hommes qui les ont incarnés.
La voie électorale est devenue une impasse au Mali*. Le processus qui a mené à l’élection présidentielle jusqu’aux résultats a porté atteinte à la crédibilité de toutes nos institutions républicaines.
Pour mieux illustrer ce fait, les élections législatives qui auraient dû doter le pays d’une nouvelle Assemblée délibérative nationale, ont été illégalement reportées et le choix est revenu aux députés sortant de s’auto-proroger leur mandat. Pour ce faire il a fallu à la Cour Constitutionnelle de se dire en espace d’un mois, en violation absolue de la Constitution.
Chacun sait que, depuis son arrêt sur la révision constitutionnelle qui a avorté, et dans lequel elle a piétiné la constitution, les décisions de la juridiction constitutionnelle ne revêtent aucune autorité morale, intellectuelle ou juridique auprès du peuple.
De la récente fraude à la constitution opérée par la Cour constitutionnelle à l’auto-prorogation de leur mandat par les députés, dans un tableau de vacance de la présidence de la république, les institutions majeures fonctionnent dans une suspicion légitime d’illégalité d’ensemble.
A la place de l’Etat de droit que nous avons construit en vingt ans de démocratie, le Pouvoir IBK, nous ramène chaque jour un peu plus, à un Etat hors la loi.
Devant l’impossibilité d’organiser les élections législatives, la prorogation du mandat des députés, était la pire des solutions possibles. Il ne fait aucun doute que le remède a été pire que le mal.
Il aurait fallu dissoudre cette Assemblée nationale qui a longtemps cessé de représenter le peuple du Mali. Faire le constat que notre pays n’as que des institutions constitutionnelles moralement été intellectuellement corrompues, tombe sous le sens. Cela est en particulier vrai pour l’Assemblée nationale, devant le spectacle de leur reniement, il y a longtemps que grande majorité des députés ne représentent plus le peuple.
La crise de la représentativité est telle le parrainage est des candidature est devenu un marché pour tous, au point que même la prétendue majorité présidentielle est obligée de rétribuer ses propres députés pour leur interdire tout parrainage extérieur de candidature. Le député malien se vend au plus offrant.
Cette perversion de la vie politique est portée au plus haut niveau par le Parti politique de l’actuel chef de gouvernement. En seulement deux mois à la primature l’ASMA/CFP peut revendiquer 21 députés alors que durant toute la législature il n’en avait que 4 à l’hémicycle.
La vie politique a perdu tout souffle, brusquement le passage obligé pour tous ceux qui veulent faire la courte échelle au pouvoir IBK, c’est d’avoir comme réactions de descendre à bras raccourci sur toute idée d’opposition.
Devant un tel spectacle, ceux d’entre nos compatriotes qui n’ont de fortune, voire de richesse que leur dignité, désertent absolument la chose politique. Pire, ils désaffectent tout engagement public.
Voilà comment faute de projet collectif la nation se meurt…
Souleymane Koné
Ancien Ambassadeur
(L’Aube 1033 du lundi 17 décembre 2018)