De l’émigration au combat syndical et à l’agriculture. Itinéraire d’un militant altermondialiste avant l’heure, attaché à la terre et au terroir.
Suite à la crise estudiantine survenue en mai 1968, après le coup d’Etat contre le père de la nation, Modibo Kéita, Ladji sera exclu du cycle supérieur. C’est ainsi qu’il décide de partir à l’aventure, comme tout bon fils de son Khasso natal de son âge à cette époque. Dans l’hexagone, il mord à l’hameçon du syndicalisme. Après plus d’une décennie à l’étranger, il décide de son plein gré de retourner parmi les siens.
A 17 ans, Ladji quitte le Mali pour aller à l’aventure. Entre rêves et illusions, il a fait le choix de quitter son village de Somankidi, en première région pour la France dans les années 1970.
Ladji arrive par voie maritime, à un moment où l’hexagone manque de main d’œuvre. A son arrivée, il intègre une chaine d’assemblage automobile de la marque Renault. Dans cette usine qui emploie 60 000 personnes à l’époque, avec une forte composante d’immigrés, il se découvre une âme syndicale.
Une vie syndicale bouillante
La CGT (Confédération générale du travail) est le plus puissant syndicat ouvrier en France. Quand il y entre, il s’y fait une place et devient délégué syndical. La revendication des intérêts des autres chevillée au corps, Ladji crée en 1973 l’ACTAF (Association culturelle des travailleurs africains en France) avec ses amis. Cette organisation a pour but de soutenir les mouvements de libération des colonies portugaises en pleine guerre de libération (Angola, Mozambique, Guinée Bissau, Cap Vert). Ladji le résistant agit à travers des dons de sang et des campagnes d’information.
Parallèlement, il lutte pour une amélioration des conditions de vie dans les foyers d’accueil de noirs immigrés. « Notre génération luttait d’abord pour la survie, le respect des migrants et aider nos villages à sortir des difficultés », déclare-t-il. Pour lui, la migration est un phénomène culturel et initiatique dans sa région. Apres dix années passées en occident, il décide de prendre le chemin inverse.
Retour au bercail
« On était un groupe de jeunes qui en avait marre de la migration, nous avions le mal du pays et avons jugé nécessaire de retourner chez nous pour mener une activité économique, créer une entreprise d’activités agro-pastorales dans la région de Kayes, plus précisément à Somankidi coura ». Précise-t-il.
Une fois au Mali, leurs activités (ses amis et lui) sont repérées par le régime du général Moussa Traoré. Pour encourager ces jeunes gens qui privilégient le développement de l’agriculture malienne au confort de la France, le gouvernement leur offre 60 hectares de terres cultivables. Il met alors en pratique son diplôme d’économie politique pour faire prospérer l’entreprise. Par la suite, le groupe procédera à la création d’associations villageoises. Cela aboutira à la construction de mosquées, de centres de santé et d’écoles. En clair, un véritable programme de développement socio-économique correspondant aux attentes des communautés.
En dépit des aides publiques, il décide de s’éloigner du régime du général Moussa Traoré. Socialiste au cœur vaillant, il ne se reconnait pas dans la politique des autorités de la deuxième république, conduite par Moussa Traoré.
Après une réinsertion réussie, Ladji, aujourd’hui âgé de 74 ans continue de tenter de dissuader les jeunes de prendre le chemin de l’aventure. Il mène ce combat depuis le bureau du Haut conseil des Collectivités du Mali, à travers des tournées de sensibilisation.
Ayant mené une vie de lutte syndicale acharnée en Europe, il ne cesse de demander à l’Etat de privilégier la création d’emplois dans le secteur agricole, gage du développement.
Emilie Diarra