Recouvrer la souveraineté des peuples face au rouleau compresseur imposé par une minorité qui ne cherche qu’à s’enrichir davantage, alors que la majorité des êtres humains n’est soucieuse que d’une chose, faire bouillir la marmite pour donner à manger à ses enfants.
300 militants venus de 28 pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Europe se sont retrouvés les 28, 29 et 30 juin, en Belgique, pour l’Université d’été du CADTM.
Le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde, depuis sa création en 1990, propose une analyse approfondie des origines et des conséquences de la dette publique, élabore des alternatives pour libérer le développement des peuples, et définit les étapes menant à la garantie universelle des droits fondamentaux.
Les campagnes du CADTM visaient à élargir la sensibilisation et la mobilisation du grand public sur l’urgence de relations équitables entre le Nord et le Sud, via l’annulation de la dette publique odieuse imposée dès les indépendances, et la remise en cause des politiques d’ajustement structurel des institutions financières internationales qui maintiennent les populations du Sud dans une pauvreté incommensurable, malgré la richesse des sous-sols de leurs pays dont seuls les pays industrialisés du Nord bénéficient.
Depuis quelques années, les pays du Nord sont touchés par ce que les médias appellent la «crise économique», qui n’est autre qu’une crise du système bancaire, c’est-à-dire du profit maximum d’une minorité de nantis au détriment de l’immense majorité des êtres humains. Les soulèvements populaires de Tunisie et d’Egypte ont renversé leurs régimes dictatoriaux pour rétablir démocratie et souveraineté des peuples. La population grecque est dans l’œil du cyclone depuis 3 ans, voyant tous ses services publics disparaître les uns après les autres. Les Turcs sont sauvagement réprimés sur la Place Taksim. Les Brésiliens sortent pour demander que l’Etat choisisse d’assurer l’éducation et la santé plutôt que la Coupe mondiale de football. Cette liste de soulèvements populaires réclamant le respect de leurs droits humains fondamentaux serait trop longue à établir.
Il était l’heure pour le CADTM d’«Enraciner les résistances et de brancher les Luttes» pour contrecarrer les stratégies impérialistes du FMI, de la Banque mondiale, de la Banque européenne d’Investissement, et autre institution néolibérale, qui, avec la complicité des politiciens, sont les causes de la crise humanitaire que vivent les peuples, au Sud comme au Nord, puisque ces institutions n’ont qu’un seul objectif, le profit.
La pauvreté extrême et l’absence de services publics dans lesquelles vivent les populations du Sud depuis des dizaines d’années et dans lesquelles sont plongées de plus en plus de peuples du Nord ont été au cœur des échanges des ateliers de cette 3ème Université d’été du CADTM. Des militantes et militants venus du Bénin, d’Equateur, d’Espagne, de Grèce, de Hongrie, du Mali, du Maroc, de Pologne, du Portugal, de Tunisie, et d’ailleurs ont expliqué le quotidien des femmes, des hommes et des enfants de leur pays. Partout, la privatisation des services publics et l’austérité institutionnalisée transforment la vie en survie pour l’immense majorité, dont les premières victimes sont les femmes à qui revient «traditionnellement» le rôle de maintenir le «bien-être» de la famille.
Parmi les «aides au développement» dont les politiciens et les médias vantent les bienfaits, il en est une, le microcrédit, qui n’est autre que le «petit frère» des FMI et Banque mondiale. Sous prétexte d’aider les individus à se développer, il «offre» des crédits aux plus pauvres à des taux quasi usuriers, les contraignant à des remboursements à très court terme. En fait, cette micro finance n’enrichit que ceux qui les proposent et plongent les individus qui y ont recours dans le cycle infernal du surendettement qui les pousse parfois jusqu’au suicide. Des groupements de femmes du Bénin ont développé leur propre système de micro crédit solidaire auto géré, refusant toute intervention financière extérieure. Elles sont maintenant 500 à développer leurs échanges de denrées locales et à assurer le bien-être de leurs familles, palliant ainsi la disparition des services sociaux publics, dont elles sont victimes depuis l’application des plans d’ajustement structurel dans les années 80.
Force est de constater que l’austérité, imposée par le néolibéralisme de la globalisation qui appauvrit les populations, tant au Sud qu’au Nord, ouvre la voie aux extrémismes divers. Des conflits armés anéantissent des régions entières. Le Mali tangue depuis janvier 2012 quand le septentrion a été agressé par des groupes de bandits. Les partis politiques d’extrême droite s’installent en Europe dans le vide laissé par les attaques à la démocratie par le diktat du profit.
Les peuples se rendent compte, les uns après les autres, qu’ils ne peuvent plus faire confiance à leurs dirigeants, tous complices de la finance internationale. Ils veulent reprendre le contrôle de leurs vies. Les soulèvements populaires de par le monde le prouvent. L’union de ces luttes, toutes orientées vers la défense des droits fondamentaux inaliénables que sont l’éducation et la santé, entre autres, permettra de recouvrer la souveraineté des peuples face au rouleau compresseur imposé par une minorité qui ne cherche qu’à s’enrichir davantage, alors que la majorité des êtres humains n’est soucieuse que d’une chose, faire bouillir la marmite pour donner à manger à ses enfants.
Françoise WASSERVOGEL