Le nouveau président de la République a été applaudi par l’ensemble de ses concitoyens lorsqu’il a promis de mettre un terme au retard, à l’absentéisme, au commerce dans les services publics, à la dilapidation des deniers publics, à l’utilisation des véhicules de l’Etat à des fins personnelles. Mais il semble oublier un autre fléau, devenu une menace pour l’autosuffisance alimentaire : l’exode des jeunes ruraux.
Le déplacement massif des jeunes ruraux vers les villes est devenu un problème de société. Il suffit de faire, le matin, un tour aux carrefours du district de Bamako pour s’en rendre compte. Chaque matin, des centaines de jeunes ruraux désœuvrés, prennent d’assaut, les terminus des axes routiers de notre capitale, à la recherche d’un travail journalier. Nous avons rapproché certains de ces jeunes afin de comprendre leurs difficultés et les raisons qui les poussent à déserter les villages durant l’hivernage.
L’exode rural est aussi vieux que le monde. Mais, au Mali, il a connu, ces dernières années, un regain d’activité. Si avant, les jeunes attendaient la saison sèche pour se rendre dans les villes, aujourd’hui, les zones rurales sont boudées durant l’hivernage par les jeunes. Toute chose qui crée une situation d’insécurité dans certains villages. «Dans certains villages, quand il y a décès, l’enterrement pose problème. Parce qu’il n’y a pas de jeunes pour faire l’enterrement», témoigne Birama Koné, sociologue.
Ainsi, l’espoir de la majorité des jeunes, qui pensent que les villes sont des eldorados, est brisé. Car en ville, ils sont peu nombreux, ces jeunes ruraux qui arrivent à tirer leur épingle du jeu. Et bonjour les dégâts.
Aux terminus de Magnambougou, Banakabougou, Kalabancoura et à la Tour de l’Afrique, c’est le même constat : chaque matin, par dizaines, de jeunes ruraux désœuvrés, se lancent à la recherche d’un emploi journalier. Ils sont âgés entre 13 et 40 ans. Ils se jettent sur les motocyclistes et les voitures. Un seul refrain sur leurs lèvres: baara bey wa ? (y a-t-il du travail ?). Parfois, un ou deux d’entre- eux se font embarquer par des employeurs. Et les autres doivent attendre un autre un autre jour. Selon nos informations, une dizaine de jeunes ont la chance d’avoir un client par jour. Les autres retournent à la maison pour atteindre le lendemain. Cette scène est devenue le quotidien des dizaines de jeunes ruraux qui entendent construire leur avenir à Bamako. Mais l’aventure de plusieurs d’entre- eux se termine en queue de poisson.
Il ressort des témoignages qu’un ouvrier journalier gagne entre 1250 et 2000 CFA par jour. Une somme qui est loin de couvrir leurs besoins quotidiens. Cette somme prend en compte le repas et le transport. A noter que certains d’entre- eux, peuvent passer, deux à trois jours, sans travail. D’où, la difficulté de faire des économies. «Je fais la deuxième année unilingue à l’université. Je n’ai aucun parent à Bamako. Depuis que je suis venu à l’université, je fais l’ouvrier pour assurer mon transport et ma nourriture», nous confie Adama Diarra au carrefour de Magnambougou. L’air un peu gêné.
Des hommes à tout faire
Ces jeunes venus du village, n’ont pas, dans leur écrasante majorité, de qualification. Mais ils sont prêts à faire tout ce qu’on leur propose. Ils sont nombreux à être utilisés dans les travaux champêtres, dans la maçonnerie. D’autres préfèrent le transport des marchandises avec les charriots ou avec les tricycles. D’autres se retrouvent dans le gardiennage ou les laveries de voitures où, ils sont exploités par leur patron. Mais force est de constater que ces secteurs considérés comme des points de chute pour les jeunes ruraux, n’arrivent plus à faire face à la demande, sans cesse, croissante des jeunes ruraux. C’est pourquoi, ils s’entassent dans les carrefours dans l’espoir d’avoir un petit boulot à faire.
Pourquoi fuient-ils les zones agricoles ?
A cette question, chacun tente de se justifier. Certains évoquent les difficiles conditions de vie dans les campagnes. «Aujourd’hui, on ne gagne plus rien dans l’agriculture, qui est devenue l’affaire des riches. Si tu n’as pas un peu de moyens, tu ne gagneras rien dans l’agriculture. Nos papa ont passé toute leur vie dans ces conditions, nous ne voulons pas finir comme eux. Nous savons que la ville n’est pas facile, mais il faut venir la découvrir et comprendre la vie », indique un jeune rural, âgé de 31 ans. Avant d’ajouter, que les gens ne viennent pas dans les villes pour le plaisir. Pour lui, les autorités doivent créer des conditions afin de motiver les jeunes à rester dans les zones rurales. L’agriculture, a-t-il indiqué, appartient à ceux qui possèdent le matériel agricole.
Un autre, originaire de Nièna (région de Sikasso), raconte que la misère dans les campagnes est telle que, le jeune qui reste au village aux côtés de ses parents, n’a plus la bénédiction de ceux-ci. Les parents préfèrent, ajoute-t-il, que leurs enfants aillent en ville, afin de pouvoir leur envoyer, chaque mois, de quoi vivre.
Ce sont ces raisons et d’autres encore qui font que les zones agricoles souffrent du manque de bras valides. Aussi, cette situation fait que l’autosuffisance alimentaire, tant prônée par les différents régimes qui se sont succédé à la tête de notre pays, est restée un vain mot. «L’autosuffisance alimentaire passe par la lutte contre l’immigration des jeunes ruraux vers les villes » a déclaré M. Agatham Ag Alhassane, ancien ministre de l’Agriculture. C’était au cours du conseil d’administration de l’OMVS. «Avant, le parent au village pouvait aider son frère de la ville, avec un sac de mil. Aujourd’hui, c’est le contraire, le mil ou le riz quitte la ville pour le village. Peut-on prétendre à l’autosuffisance alimentaire dans ces conditions ? », S’interroge un fonctionnaire à la retraite. Pour lui, il est temps, grand temps que les autorités prennent des mesures vigoureuses pour que les jeunes ruraux retournent à la terre. Et cela doit se faire, ajoute-t-il, à l’approche de chaque hivernage. Le combat contre le déplacement massif des jeunes ruraux vers les villes doit se faire via des campagnes de sensibilisation ; lesquelles ont permis aux autorités de diminuer, aujourd’hui, l’ampleur de l’immigration vers l’occident.
L’exode rural, un facteur d’insécurité ?
C’est ce que croient certains. En tout cas, les jeunes ruraux qui ont gouté aux délices de la ville ne retournent plus au village. Et face aux problèmes d’emplois dans la ville, certains versent dans le banditisme. Selon un rapport de la gendarmerie, les gangs qui opèrent dans notre capitale sont, de plus en plus, constitués de jeunes ruraux. Pour les responsables de la sécurité, la lutte contre l’insécurité, à Bamako, passe, aussi, par le retour des jeunes ruraux à la terre, celle qui «ne ment pas»
Aboubacar Berthé
Retourner à la campagne c’est facile à dire qu’à faire!D’ailleurs, qui n’est pas en “avanture” à Bamako exceptés les familles fondatrices (Niaré-Dravé et Touré)?Pour que les jeunes restent au village il faut y créer les conditions similaires de vie qu’en ville(lieux de loisir; cinémas; boites…)à défaut de cela, il faut un dévéloppement harmonieux de l’ensemble de nos capitales régionales comme ça la migration se fera des villages vers ces zones décentralisées uniquement.La recherche de lieu de jouissance reste la principale source de motivation qui pousse nombre de jeunes des villages vers la capitale et non la pauvrété.Sans quoi, ce serait les ressortissants des régions du nord plus Kayes (les plus sèches parmi nos régions) qui seraient les plus nombreux en migration à Bamako.
Et c’est pas l’inverse qui fera un facteur à l’ abondance sécuritaire
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