La reconversion des jeunes diplômés : La croix et la bannière

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Quatre millions de Maliens ont moins de 20 ans. Chaque année, les établissements de formation déversent sur le marché de l’emploi 3 000 jeunes diplômés. Sur ce nombre, la fonction publique en absorbe 60 par an et le privé environ 900. Le reste est laissé à lui-même, non préparé à faire face à la situation.

 

 

Ce divorce patent entre le système de formation inadapté et la réalité d’un marché de l’emploi dont rien ne permet de prévoir l’amélioration dans le court terme, ferme définitivement les perspectives d’avenir des jeunes.

 

 

Le Mali est à la fois sur, sous et mal scolarisé.

Ce dysfonctionnement du système apparaît plus, en réalité, comme un symptôme que comme une cause de la crise de l’emploi.

 

L’emploi, quasi-automatique des diplômés dans la fonction publique avant l’instauration du concours d’entrée à la fonction publique en 1983, est devenu rare, jetant dans le désarroi des jeunes qui se sentent désormais improductifs et qui, profitant de la solidarité familiale, prolongent artificiellement l’âge de l’adolescence.

 

 

Ils sont des milliers de jeunes aujourd’hui, atteints du moral et vivant dans leur chair cet état de fait. Les niveaux et les profils de formations sont aussi variés que le nombre.

 

 

La solution encouragée par le gouvernement pour remédier à cet état de fait est la création et l’encouragement de l’initiative privée.

 

 

Les structures d’encadrement et de financement ont proliféré, de même que les entreprises privées avec toutes sortes de personnalités juridiques (entreprises uninominales, GIE…)

Mais, la question, le problème du moins se situe à ce niveau. Comment transformer un agronome en vendeur ? Un administrateur civil en ramasseur d’ordures, un enseignant en chef d’entreprise ?

Quelle que soit la situation, le jeune reconverti se sent mal à l’aise dans une situation dont il n’a très souvent jamais rêvé. Tous ont pratiquement accepté cette première situation, sans grande réflexion, mais surtout sans avoir d’autres choix.

 

 

Reconversion forcée

Mamadou Simaga, technicien supérieur d’agriculture, diplômé depuis 1996, témoigne : « Actuellement, je suis détaillant. Je n’aime pas ce travail, car il ne m’apporte rien. En plus, je tiens à exercer dans mon domaine de formation. J’ai accepté d’être détaillant, parce que lorsqu’on ne fait rien, même les parents ne le respectent. Tout le monde te rend responsable de tous les maux à la maison. Mais, à la première occasion, je vais quitter ».

 

 

Mamadou avait déjà travaillé dans des projets. Pour ouvrir son commerce de détail, il n’avait bénéficié d’aucune aide, n’ayant d’ailleurs rien sollicité.

 

 

M. Coulibaly est instituteur de formation. Plein d’imagination, il a monté avec l’aide du PNUD/BIT une petite industrie d’extraction des huiles essentielles. Son affaire commence à donner des signes qui permettent d’espérer. Il s’est découvert une nouvelle vocation et ne compte pas revenir à la craie. Le mauvais souvenir qu’il garde, ce sont ses errances, les heures d’attente, les multiples papiers à fournir, quand il était à la recherche de financement.

 

Sourama Tangara est chauffeur de taxi. Il a suivi une formation d’ingénieur électricien en ex-URSS : « Le manque d’emploi m’a contraint à faire ce travail dans un premier temps. Je commence à l’apprécier et si les moyens me permettent, j’aurais ma compagnie un jour. Mais au départ, quelle épreuve psychologique pour moi ! Se rabaisser, accepter les caprices des clients qui je suis, mais je savais que c’était inutile ».

 

Voici quelques cas de personnes qui ont décidé de se lancer seul dans l’aventure de la reconversion. Qu’ils aiment ou pas ce qu’ils font, ils y réussissent plus ou moins. Mais, ceux qui ont échoué sont légion. Chaque jeune diplômé installé peut vous en donner toute une liste. Mais, il n’est pas facile de mettre la main sur eux, ces infortunés s’égaillant dans la nature dès leur fiasco consommé.

Mody, sortant du CFP, a été aidé par la famille pour tenir un commerce de détail. Mais, dit-il, « j’ai été aidé par les copines, pour le liquider ».

 

 

Il y en a d’autres qui se sont regroupés pour créer un groupement d’intérêt économique (GIE). C’est le cas de Tiéoulé Diabaté, aide-comptable de formation, et ayant travaillé comme clerc d’huissier. Diplômé depuis 1999, il s’est associé à un architecte pour ouvrir un cabinet d’architecture. Leur projet a bénéficié d’un financement BIT pour un montant de 13 millions. M. Dramé se dit « tenté, malgré tout par la fonction publique ».

 

Les critères qu’il retient pour gérer une entreprise sont la formation, l’esprit de combativité et de créativité.

 

Mais en vérité, la reconversion a fait très peu d’heureux. Pour beaucoup, leur condition actuelle est due aux vicissitudes de la vie. A la première occasion, ce sera le retour aux premières amours.

Malick Camara

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