La polémique persiste autour du Code de la famille : La société civile critique le deal scellé entre les députés et les chefs religieux

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Le code de la famille, sujet hautement polémique au Mali, revient au devant de la session parlementaire d’automne, ouverte à Bamako le lundi 4 octobre 2010. Après avoir été voté puis dénoncé par une partie de la communauté musulmane, le président Amadou Toumani Touré a décidé de son renvoi en deuxième lecture à la session d’automne. Ce texte modifié, bénéficie cette fois de l’aval du Haut conseil islamique. Mais la société civile, qui plaide pour un code laïc, dénonce sa mise à l’écart.

Dans son allocution introductive du 4 octobre 2010, le président de l’Assemblée nationale a confirmé que le code de la famille serait voté lors de cette session, avec toutefois des retouches de taille. Selon le professeur Dioncounda Traoré, plusieurs articles du texte ont été clarifiés, précisés ou reformulés, avec quelques changements majeurs : la réintroduction du mariage religieux, la suppression de l’adoption filiation, ou encore, la reformulation de l’article 748 sur les droits de succession. Autant de dispositions qui sont au cœur de la controverse : l’égalité homme/femme devant la succession et la reconnaissance de l’enfant naturel.

Ces modifications ont fait l’objet, selon le président de l’Assemblée, d’une longue concertation avec le Haut conseil islamique qui avait dénoncé l’an passé la première version du code. Seul problème : la société civile qui depuis des années plaide pour un code moderne et laïc n’a pas été consultée cette fois.

Pour Maître Brahima Koné, président de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), tout cela est très inquiétant : « Les représentants de la société civile n’ont jamais été entendus ces derniers mois et découvrent la nouvelle mouture du texte par la presse malienne ».

Plusieurs membres de cette société civile très en pointe sur ce dossier, évoquent déjà une confiscation du débat au profit d’un calcul très politique. A n’en pas douter, le débat sur le code de la famille n’est pas clôt ! Et Brahima Koné déplore l’absence de concertation  président de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) « Nous étions prêts à venir en débattre de vive voix au niveau de l’Assemblée nationale…nous attendons encore de connaître ce qui a été décidé, et en temps utile, nous verrons ce qui a lieu de faire ».

Source RFI

 

CODE DE LA FAMILLE AU MALI

 Le défi du juste compromis

La viande de poulet n’est assurément pas l’aliment à conseiller à un végétarien endurci. Pas que la chair de ce volatile soit mauvaise pour la santé de ce dernier, mais parce qu’il ne l’a simplement pas encore intégrée dans son régime alimentaire. Cette logique peut être appliquée à ce va-et-vient que le code des personnes et de la famille effectue sur la table de l’Assemblée nationale malienne.
Adopté le 3 août 2009, ce texte de 119 articles est revenu se faire rectifier certaines de ses dispositions qui n’avaient pas recueilli l’assentiment du clergé musulman. Ainsi, le nouveau texte prévoit la réintroduction du mariage religieux, la suppression de l’adoption-filiation et la reformulation d’un article sur les droits de succession. On se rappelle que le code, dans son état initial, avait hérissé les poils du côté du Haut conseil islamique. La nouvelle mouture pendante devant la représentation malienne depuis le 4 octobre est, semble-t-il, plus consensuelle et, si elle est adoptée, passerait mieux. Ce qui n’est pas de l’avis de la société civile qui crie avoir été mise à l’écart lors des consultations, elle qui plaide pour un code laïc et moderne.
Ce plaidoyer est certainement légitime. Il vise à instaurer une société malienne qui fonctionne selon les grands principes dits universels. Entre autres, l’émancipation de la femme ; la reconnaissance enfin d’une légitimité à l’enfant né hors mariage ; l’institution du mariage civil afin de préserver les droits de l’épouse et des orphelins contre la prédation des "parents" du défunt. Tous ces principes sont louables et bons à prendre dans la mesure où ils permettent de construire une société plus libre et égalitaire. Mais ne faudrait-il pas aussi prendre en compte ce qu’il faut déraciner pour implanter tout cela ? L’islam est également un droit au même titre que celui occidental.


Il a aussi ses principes jugés louables par ceux qui ont décidé de les appliquer. Et plus de la majorité des Maliens agissent, parlent, fonctionnent, pensent selon ces principes. Sont-ils prêts, ou même préparés, à tout révolutionner et à penser autrement ? Il est essentiel que pour instaurer d’autres règles dans une société, les membres de cette dernière les comprennent et les acceptent. Cela ne sert à rien de faire une greffe inopportune qui sera aussitôt rejetée et, qui plus est, peut être la source d’un ulcère. Le président Amadou Toumani Touré l’a sans doute compris. Il ne faut être ni trop en avance, ni trop en retard sur sa société. Ou alors on court le risque d’être incompris et rejeté. Ce qui serait un pis-aller pour un homme politique. Il est vrai que Amadou Toumani Touré, comme bon nombre de chefs d’Etat africains, est pris entre un étau, celui des conventions internationales sur les droits humains signées à tour de bras, avec à la clé les subventions qu’elles génèrent, et la grogne de son peuple.


Mais il lui faut trouver un consensus, un juste milieu. Trouver le juste compromis entre la modernité, la tradition et la religion, faire une sorte d’arbitrage qui ne frustrera personne. La société civile devrait se réjouir des acquis sans doute engrangés avec ce code. C’est un bon début. Le respect des libertés et droits humains est un combat qui se gagne bastion après bastion.
Le Pays

 

 

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