A la loupe : L’exemple sénégalais

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Macky Sall
Le président sénégalais Macky Sall © AFP

Le parlement sénégalais a adopté, récemment, une loi tendant à réduire le coût des loyers au Sénégal. Cette mesure a été rendue nécessaire, selon les députés, pour contrer la hausse incessante des frais de location immobilière.

Pour eux, cette flambée des prix ne répond à aucune raison logique et objective sinon à satisfaire la cupidité et l’avidité grandissantes des propriétaires de maisons et de certaines agences immobilières. Ainsi, les taux adoptés par les députés prévoient désormais une réduction de 29% pour les loyers de moins de 150 000 F Cfa, 14% pour ceux de moins de 500 000 F Cfa, 4% pour les loyers au dessus de 500 000 F Cfa.

A l’analyse de cette nouvelle mesure parlementaire, on a l’impression que les grands gagnants sont les « petits » locataires, ceux qui déboursent moins de 150 000 F pour se loger. Par exemple, pour un loyer de 100 000 F auparavant, on ne payera plus que 71 000 F. Soit une économie de 29 000 F qui pourraient, selon un député sénégalais, permettre d’acheter deux sacs de riz, quelques litres d’huile, d’autres denrées alimentaires.

Ces « petits » locataires sont les plus nombreux, tout comme leurs propriétaires. Mais si les premiers sont heureux de la décision parlementaire, leur bonheur ne fait pas celui des seconds. Les « petits » propriétaires s’estiment en effet les plus malheureux de l’histoire car lésés par le gouvernement. Et, de fait, ils doivent désormais faire face à une diminution de leurs revenus, des revenus qui, toujours selon eux, leur permettaient de survivre en gérant le quotidien.
Une analyse plus approfondie de la nouvelle loi tendrait à leur donner raison. En effet, étant moins nombreux qu’eux, les propriétaires louant à plus de 150 000 ne sont frappés que d’un petit rabattement de 14 à 4%. Pourtant, ils sont les plus nantis car pouvant construire à hauteur de centaines de millions de F Cfa. Il y a comme une volonté du gouvernement d’épargner ceux qui ont le plus d’argent et qui génèrent le plus de revenus. Pourquoi ?

Prête-noms ou sociétés-écrans
Les véritables « grands » propriétaires immobiliers ne sont pas tous connus ou identifiés, se servant, pour la plupart, de prête-noms ou de sociétés-écrans.

Ici même au Mali, le problème se pose. Ces véritables « grands » propriétaires immobiliers ne peuvent pas trop s’afficher car ils occupent, très souvent, des postes ou des positions qui ne leur permettent pas de faire pousser les immeubles comme des champignons. Hauts fonctionnaires de l’administration, grands commis de l’Etat, cadres de sociétés ou d’entreprises publiques, même avec des salaires nettement élevés au dessus de la moyenne, ils n’ont pas les moyens de s’offrir des résidences de luxe et d’ériger des palaces.

Ils ne peuvent pas trop s’afficher car c’est sous le couvert de la « démocratie », sur le dos de celle-ci qu’ils sont devenus subitement, de simples enseignants, fonctionnaires subalternes ou médecins de brousse, les milliardaires de la république démocratique. La classe privilégiée des nouveaux riches du pays, qui se sont enrichis grâce à la corruption et à la délinquance à col blanc.
IBK, qui a décrété 2014, année de lutte contre la corruption et la délinquance financière, doit commencer par rechercher l’origine des fonds qui ont servi à la construction de ces empires immobiliers. Notamment, en ordonnant l’audit de la gestion de l’Agence de cessions immobilières (ACI).
Au Mali comme au Sénégal, les prix de loyer changent en fonction des quartiers ou des communes. A Bamako, les zones où les loyers sont les plus élevés sont les zones aménagées et cédées par l’Etat. La palme d’or revient au quartier Hamdallaye ACI 2000. Bien que très mal aménagé, car devenant un véritable bourbier ou marécage en temps de pluies malgré les nombreuses rues goudronnées, ce quartier dit des affaires est le plus cher. Certainement parce qu’il a une histoire autre que le mauvais montage du projet ou l’utilisation des fonds de viabilisation à d’autres fins.

ACI, la grande affaire
Premier grand programme immobilier du parti-Etat Adema, l’ancienne zone aéroportuaire, seul véritable poumon végétal, de la capitale a été morcelé et cédé, pour la plus grande partie, aux cadres du parti aux commandes de l’Etat. C’est ainsi que des militants se sont retrouvés, pour certains, avec plusieurs parcelles. Beaucoup de celles-ci, des années après leur acquisition, se trouvent aujourd’hui non construites, ce qui est déjà une entorse à la réglementation. Une autre entorse, c’est que ces parcelles servent de potagers ou d’enclos à bétail, en pleine ville. A son élection comme maire de la commune IV, nombreux sont ceux qui ont cru que Moussa Mara allait mettre fin à cette hérésie urbanistique. Depuis sa nomination comme ministre de l’urbanisme et de la politique de la ville, d’autres continuent de croire à ses promesses de campagne. Si ces parcelles servent à d’autres usages, c’est tout simplement parce que leurs propriétaires, n’étant plus au pouvoir, n’ont pas les moyens de les construire, et s’adonnent à la spéculation foncière.

Cependant, l’Etat est et demeure le plus cher, le plus grand et le plus gros spéculateur foncier à cause de ces programmes ACI dont les parcelles coûtent plus que les yeux de la tête.
C’est sans doute pour remédier à cela que l’ancien président de la République, ATT, a initié les logements sociaux. Mais le programme a été détourné de ses objectifs qui étaient de permettre aux petits salariés d’avoir un toit. Finalement, ces logements sociaux se sont révélés être des habitats à loyers modérés, dont les traites mensuelles dépassent les trois quarts des revenus des quelques rares personnes qui ont eu la chance d’en bénéficier. De plus, certains ont été mal conçus : aux 1008 logements, il n’y a pas d’eau courante Somagep depuis des années ; la bretelle devant relier les 330 logements de Yirimadio n’est toujours pas construite.
A plusieurs niveaux, les locataires, qui dépassent largement les propriétaires immobiliers, espèrent donc que les autorités maliennes prendront, elles-aussi, une décision comme celle qui vient d’être prise chez le voisin sénégalais. Mais pour plus de justice, il serait bon d’inverser la pyramide des barèmes.

Mais avant, il faudrait identifier et pénaliser le plus possible ceux qui ont construit sur l’enrichissement illicite et le blanchiment d’argent.

Cheick TANDINA

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3 COMMENTAIRES

  1. Les députés sénégalais ont bien pensé leur texte, les gros bailleur n’ont rien à voir avec le peuple. Ils louent avec les institutions et même avec l’Etat lui même. La deuxième tranche c’est les expatriés et autres fonctionnaires internationaux. Le vrai vrai là, c’est les 150 000 et moins comme ici au Mali. Ici vu nos revenus, le rabais doit être de 50%.

    • Sais tu le prix du mètre carre au Mali? et le coût des matériaux de construction? Si l’on veut jouer sur le loyer il faut revoir le coût du foncier au lieu de réduire un loyer qui est deja parmi les plus bas de la zone UEMOA.

  2. La remise officielle des clés des logements sociaux de Kolokani était initialement prévue le jeudi 19 décembre 2013 mais avait été reportée sine die. Il est à signaler que le Conseil de cabinet tenu le mercredi 04 décembre 2013 et présidé par le PM avait, à son point 4, entendu une Communication du ministre du Logement relative à l’organisation des cérémonies de remise de clés des logements sociaux à San, Koutiala, Dioïla, Kolokani et Niono.
    Du coup, les heureux bénéficiaires se posent la question à savoir pourquoi cet énième report intervenu juste la veille du jour J? Qu’est-ce qui se manigance du côté du Département en charge du logement? Est ce un mépris pour le vaillant peuple bamanan du Bélédougou si l’on sait que ce projet a été lancé depuis 2010 et que l’inauguration des logements sociaux de San, de Koutiala et de Doïla a été effective depuis le mois dernier?
    Monsieur le Directeur Général de l’OMH que faites vous des liens (amicaux et parentaux) qui vous unissent à cette ville et qui datent de plus de 30 ans ?

    Son Excellence Monsieur le Ministre du Logement, pourquoi ce silence injustifié ?
    Combien de km sépare Kolokani de Bamako pour laisser dégrader ces maisons et leurs peintures intégralement refaites ? Et cela sur le dos du contribuable malien ?
    N’étiez vous pas sur le chantier des 1500 logements sociaux de Tabacoro voilà deux semaines et celui de Ngouina l’autre jour seulement?
    A quand finalement la reprogrammation de cet événement quand on sait que le Président de la Commission d’attribution jure la main sur le cœur que vous lui avez promis de le faire courant janvier 2014 ? Il urge car nous sommes le 10 Février aujourd’hui.
    Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, vous êtes également interpellé pour le suivi de la bonne exécution des résultats issus dudit Conseil de Cabinet.
    Son Excellence Monsieur le Président de la République, répondez aux cris de détresse de la population du Bélédougou.

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