Elles ne sont ni blanches ni noires, elles ne sont ni toubabs ni albinos. Elles, ce sont les tchâtchôs qui envahissent les artères de nos rues. Poussées par le complexe de leur peau noire, ajouté l’idée que la majeure partie des hommes auraient une préférence, voire une attirance fatale pour la peau blanche. Ces femmes n’hésitent pas à se blanchir la peau à l’aide de cocktails chimiques potentiellement toxiques pour leurs corps. Ne faisant pas honneur à leur peau encore moins aux chantres de la négritude qui, jadis, chantaient les louanges de la peau d’ébène.
n les appelle communément les femmes de la race ni-ni, des tchâtchôs, ou tout simplement les beautés génétiquement modifiés (BGM). Ces femmes au visage arc en ciel remplissent les familles Bamakoises, le problème prend de plus en plus d’ampleur quand on sait que des ramifications s’étendent jusque dans les villages et les cantons les plus reculés. Apparue au lendemain des indépendances, la dépigmentation est en passe de devenir un veritable problème de santé publique. Quelle est la cause de ce fléau social qui fait des ravages à des taux indéfinis ? Est-ce une recherche d’esthétique, un complexe ou tout simplement du suivisme inconditionné ?
À chacun selon son coin
La vente de produits cosmétiques est une affaire particulièrement juteuse. Pour cause, on trouve à chaque coin de rue de Bamako des beauty shop, aux noms divers comme Aîcha Béauté, Safy Beauté, Mamou Beauté, Rama Béauté, bref la liste est longue. Ces produits proviennent généralement de la Chine, du Ghana, du Nigeria et de certains pays de l’Asie. Malheureusement, ils sont le plus souvent issus de la contrefaçon. Par ailleurs, rares sont les femmes qui fréquentent les dermatologues avant de s’en procurer. Cela écarte d’office l’achat des produits de beauté à la pharmacie. Parmi les produits utilisés par nos sœurs, les plus courants sont : Siniyekôgnôyé, 3jours, 7jours, caro white, H-20 jours, j’en passe et des pires. Leur prix varie entre 200fcfa et 1250 fcfa. Quant à la gamme complète composée de savon, de crème, de lait et de pommade, destinée aux ‘‘grobinets”, elle oscille entre 10000 fcfa et 12500 fcfa. Ces produits sont composés, pour la plupart, d’éléments toxiques, comme l’hydroquinone et la dermocorticoïde qui affaiblissent le système immunitaire et favorisent ainsi les maladies tels que : le cancer de la peau, hypertension. On y met de l’hydroquinone, un produit toxique dont l’usage est interdit dans certains pays européens comme la France où la vente illicite de ces produits peut entraîner jusqu’à 1000 Euros d’amende et une peine d’emprisonnement. Par ailleurs, dans certains pays, la marge de tolérance est de 0,2%. Cependant, dans la plupart des produits vendus dans nos beauty shop, le taux d’hydroquinone est de 0,8%. En fait, ces produits cosmétiques à base d’hydroquinone sont les moins chers, donc beaucoup plus utilisés par les femmes qui n’ont pas de grands moyens. " Pour accélérer leur impact sur la peau, il faut une préparation préalable de la peau avec de l’eau de javel pour éliminer la couche superficielle de mélanine. Et puis on l’applique du cocktail de potion magique ", nous a confié Ami Cissé, esthète maquilleuse au salon de coiffure ‘‘teriyadouma”.
La réincarnation en noir, un véritable problème social
Ces adeptes de produits toxiques à haut débit souffrent dans leur honneur et dans leur chair lorsqu’ elles veulent revenir à leur couleur d’origine. Par crainte d’être indexées dans les rues, certaines préfèrent continuer à décrépir davantage leur peau. Elles sont nombreuses les femmes qui cèdent à cette pressions sociale, car, il faut le dire, elles ont peur de devenir la risée de tous. Ainsi, elles s’y accrochent parfois même lorsqu’elles ont des problèmes financiers. Elles se sentent contraintes à continuer jusqu’à la fin de leurs temps.
Poussées par leur égo, elles s’approprient d’autres produits moins chers. C’est le début du cauchemar. C’est le calvaire ! Leur corps devient le champ de cellulites ou bien une constellation de boutons qui les défigure complètement. Donc la récupération la peau noire se révèle impossible ! Par ailleurs, sous nos tropiques, le phénomène s’étend chez les hommes. Ils sont de plus en plus nombreux, les hommes qui s’adonnent à cette pratique déplorable. Si rien n’est fait par nos différents pays africains, la race noire est menacée de disparition. OMS devrait penser à un vaste programme de sensibilisation. In fine, la vraie beauté réside dans le naturel, comme le dit l’adage " tout naturel, tout beau ". Senghor ne disait-il pas en guise de louange à la femme noire : " vêtue de ta couleur qui est vie ".
Portrait de Batoma Coulibaly
Les produits cosmétiques prospèrent dans notre pays, ils sont de plus en plus nombreux à se nourrir de la vente de ces produits éclaircissants. Batoma, à l’instar de ces vendeurs de produits, tient un small-shop de beauté alternativement avec ses études. Si, dans un pays voisin comme le Sénégal, plus de Cinq milliards de nos francs sont injectés dans le blanchissement de la peau, il n’en demeure pas moins que sous nos tropiques, on devrait se poser aussi la question, combien nous coûtent nos tchâtchos ? De toute façon, sans crier gare, Batoma Coulibaly, la jeune lycéenne de teint sombre se fait de l’argent au su et au vu de tout le monde. Elle peut mégoter plus de 50000 fcfa à la fin du mois comme bénéfice net. Elle égaye les nombreuses femmes et les hommes en mal de ”visibilité” et qui cherchent à se blanchir la peau. Pourtant, le paradoxe est qu’elle même ne s’enduit pas le corps de produits cosmétique.
Obsédées d’avoir une peau blanche, certaines femmes se mettent entièrement à son école. Elles ne se gênent pas à recueillir de temps en temps des conseils pratiques pour se mettre à la mode. C’est ce qu’affirme Fatime Konaté. " Je me sens comme une actrice de Cannes, j’ai besoin de savoir ce que les autres pensent de ma peau, cela me réconforte ". En effet, sous leurs yeux, Batoma apparaît comme une professionnelle dans la matière. Elle est non seulement conseillère mais aussi et surtout la maquilleuse ou saupoudreuse de visage. Elle affirme recevoir des coups d’appels de la part de certaines de ces amies depuis le village, et qui lui demanderaient de leur envoyer des produits efficaces. Car, selon elles, où qu’elle soit, la femme doit se faire belle. Le maquillage, apparait alors comme étant l’évidence de bombance et du bien-être de l’âme et du corps.
Djibrilla Maïga