Suivant Bwemba–Bong (peut-on parler de l’inégalité entre civilisations en faveur de l’Occident ? BWEMBA–BONG, Membre du Cercle SAMORY (CESAM) France Groupe de Réflexion sur la Culture Africaine pour la Renaissance du Peuple Noir)
Petite rétrospective sur le pouvoir politique dans l’Afrique antique
Comme le Pharaon d’Égypte, le Roi ou l’Empereur subsaharien était un prêtre. À ce titre, lorsqu’il agissait, il se trouvait sous l’inspiration directe de Dieu.
Il est donc certain que, contrairement aux balivernes dans lesquelles se drapent quelques apprentis sorciers, l’Afrique antique reposait sur un système politique démocratique sécurisé par des contrepouvoirs particulièrement importants, et sur une vie démocratique certaine, sans aucun rapport avec l’Occident plus que barbare à cette époque. L’organisation politique de l’Afrique antique reposait alors sur des systèmes d’États (Royaumes, Empires), dans lesquels les gouvernants étaient investis du droit de commander, avec la règle sacrée de ne jamais sortir du cadre fixé par les institutions qui étaient d’origine divine.
Quel que fut le nom donné à ce cadre, depuis l’Égypte pharaonique jusqu’aux prestigieux empires et royaumes de Ghana, du Mali, du Songhaï, du Kongo, du Monomotapa, d’Abomey, et de bien d’autres, le droit de commandement des gouvernants reposait essentiellement sur un fondement divin : une origine reconnue au droit de gouverner, qui imposait une éthique incontournable quant à l’exercice du pouvoir.
Le Pouvoir africain provient d’un « monde total ». Il a, de ce fait, un caractère absolu, total. Cependant, bien qu’Absolu, dans un cas comme dans l’autre, le Pouvoir dans l’Afrique Noire Antique, n’était pas pour autant arbitraire. Car, bien qu’ayant toute Puissance et Autorité, le Responsable africain du Pouvoir était tenu d’observer les coutumes et d’appliquer les décisions du Conseil des « Anciens » qui était composé des représentants de toutes les couches socioprofessionnelles du pays (jeunes, vieux, hommes, femmes, militaires, civils, notables : ministres, chefs de provinces, chefs de guerre ou simples citoyens, etc.), et tenait une place essentielle dans la Société : c’est en son sein qu’étaient prises les décisions que le Roi ou l’Empereur ne faisait qu’appliquer.
Au 13ème siècle, c’est-à-dire cinq siècles avant la Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, dont se gargarise l’Occident tout en faisant planer son terrorisme sur le monde non-occidental, dans l’Empire du Mali, le serment du Manden proclamait :
« Toute vie humaine est une vie. Une vie n’est pas supérieure à une autre vie. Tout tort causé à une vie exige réparation. Que nul ne cause du tort à son prochain. Que nul ne martyrise son semblable. Que chacun veille sur son prochain. Que chacun vénère ses géniteurs. Que chacun éduque ses enfants. Que chacun veille sur le pays de ses pères. Par pays ou patrie, il faut entendre aussi et surtout les hommes. La faim n’est pas une bonne chose. L’esclavage n’est pas non plus une bonne chose. Personne ne sera non plus battu. L’homme se nourrit d’aliments et de boissons. Mais son âme, son esprit vit de trois choses : – Voir celui qu’il a envie de voir, – Dire ce qu’il a envie de dire, – Et faire ce qu’il a envie de faire. Chacun dispose désormais de sa personne. Chacun est libre de ses actes dans le respect des interdits des lois de la patrie. » Tel est le serment de Manden à l’adresse du monde entier.
Ce texte est considéré comme l’une des plus anciennes références concernant les droits fondamentaux. Sa reconnaissance par l’UNESCO devrait confirmer sa valeur juridique et sa portée universelle. C’est à Soundjata Kéïta qu’on attribue la paternité du cousinage à plaisanterie et la Charte du Mandé, en 1236, qui ont cimenté les races du Mali.
La conception du Pouvoir était la même dans l’Antiquité, sous le règne des Pharaons Noirs en Égypte, où la Société africaine était conçue comme une communauté évitant scrupuleusement la tyrannie et les injustices, parce qu’étant le résultat de la justice divine, la Maât, une organisation de la matière par l’Esprit, avec l’Homme comme la plus Haute Réalisation de la Création dans le monde des mortels.
Si le roi a agi conformément à la justice, qualité maîtresse qui domine tout le système du pouvoir, il sera divinisé après sa mort ; son ka rejoindra le grand dieu Ré dont il partagera l’immortalité et la gloire. Mais si son âme ne sort pas « justifiée » du verdict rendu par le tribunal divin, elle sera détruite et retournera au néant.
L’idée morale qui constitue la véritable essence du pouvoir est la justice, symbolisée par la déesse Maât, fille de Ré. La justice n’est pas une notion relative, mais une vérité révélée. Ses limites sont invariables ». Le roi est chargé d’en assurer le règne par la loi. « Ce qu’aime Dieu, c’est que justice soit faite » et « La Loi, c’est ce qu’aime le roi ».
Mais cette loi dit que le roi n’a rien du bon plaisir puisqu’elle n’est et ne peut être que l’expression de la justice. Promulguée, elle lie les hommes, mais elle s’impose au roi lui-même. Il a, il est vrai, le pouvoir de l’interpréter, mais aussi longtemps qu’il ne l’a pas rapportée, ses propres décisions ne peuvent la violer. Nous possédons, pour l’Ancien Empire, trois recours adressés au roi contre les arrêtés pris par le roi lui-même en violation de la loi. À chacun de ces recours, le roi a répondu en annulant ses décrets et en confirmant la loi ».
La première des préoccupations du roi, c’est donc d’assurer le règne de la justice, qu’il agisse lui-même comme juge ou qu’il délègue ses pouvoirs à des juges qui rendent la justice en son nom. « Jamais, dit le juge Ourkhouou (de la VIème dynastie, 2423-2263), je n’ai permis qu’un homme s’endorme mécontent au sujet de ma décision. J’aime la paix ».
Ce qui frappe, tant dans les instructions royales, dans les biographies des juges que dans les écrits du moraliste Ptahhotep, c’est ce sentiment de la justice basée sur la conception d’une égalité foncière des hommes.
Dr. Ibrahima Sangho
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