Après une campagne référendaire, au cours de laquelle le camp du OUI a quasiment eu le monopole des medias d’Etat et bénéficié des moyens (logistiques et financiers) de l’Etat, les Maliens se sont prononcé le 18 juin sur le projet de nouvelle Constitution. Au moment où nous mettions sur presse, les résultats officiels n’étaient pas connus. Mais beaucoup d’observateurs politiques estiment que le camp du OUI (du pouvoir de la Transition) est assuré de remporter le scrutin mais avec un taux de participation très faible. Si cela se confirme et que la nouvelle constitution est adoptée et promulguée, nul doute que la scène politique malienne en sera fortement impactée. Notre analyse !
Présidé par le Prof Fousseyni Samaké, le Comité de rédaction de la Constitution du 18 juin a manqué d’inclure l’ensemble des forces politiques maliennes et de la Société Civile. Dont une partie pas des moindres a volontairement boudé ses travaux, même si au moment de sa finalisation certaines d’entre elles ont fait volte-face pour s’y joindre. Eu égard à cette réalité, il est clair que la réalisation du scrutin référendaire pose plus de problèmes qu’elle n’en règle. Puisque, par faute d’unanimité à son sujet, la classe politique et la société malienne seront plus que jamais divisés. Tout compte fait, le vote sur cette constitution est désormais fait si elle arrivait que le OUI l’emporte et qu’elle soit promulguée, le Mali rentrera dans la Quatrième République. Et le pays va renouer avec l’ordre constitutionnel. Toutefois, l’exercice politique sera considérablement différent de celui de la défunte IIIe république. Notamment au regard des pouvoirs excessifs dévolus au futur président.
Retour à l’ordre constitutionnel
Avec l’adoption et la promulgation de la Constitution du 18 juin, le Mali va faire un nouveau saut dans l’ordre constitutionnel. Il ne restera plus au pouvoir transitionnel qu’à appliquer le chronogramme des élections générales qui s’achève par le scrutin présidentiel, en février 2024. Ce qui mettra fin à la Transition lorsque le nouveau président prendra fonction. Le Mali reviendra dans le concert des Nations. Car il retrouvera tous ses droits dans les organisations sous régionales (UEMOA et CEDEAO) tout comme au sein de l’Union Africaine. Toutes les restrictions seront en principe levées sur le pays.
L’avènement du Culte de la personnalité ?
Le pouvoir transitionnel estime que la Constitution du 18 juin (si elle est adoptée et promulguée) permettra de garantir une meilleure démocratie au Mali. Alors que les partis politiques, associations et mouvements qui s’y opposent, arguent qu’elle favoriserait l’existence du Culte de la personnalité chez le futur président de la république. Qui deviendrait un monarque républicain. Car d’après l’article 57 de la Constitution du 18 Juin, « Le président de la république détermine la politique de la nation ; nomme et démet le Premier ministre ; dispose de l’initiative des lois, préside le Conseil supérieur de la magistrature ; nomme les fonctionnaires civiles et militaires. Ne devient-il pas un hyper président voire un monarque républicain aux pouvoirs illimités ?
Double nationalité mise en cause
Dorénavant le malien détenteur d’une double nationalité est inapte à briguer la présidentielle, sauf s’il renonce à l’autre nationalité. En effet, une disposition de la Constitution du 18 juin rend inéligible aux fonctions de président de la république toute personne binationale. C’est notamment en son article 46 qui dispose : « Tout candidat aux fonctions de président de la république doit être de nationalité malienne d’origine et ne posséder d’aucune autre nationalité à la date du dépôt de la candidature.
L’application des accords d’Alger désormais mal en point
Qu’en est-il des Accords de Réconciliation et de Paix dits d’Alger ? On estimait que c’était à cause de ces fameux accords que le pouvoir de feu Ibrahim Boubacar Keïta s’entêtait à changer la Constitution du Mali pour l’adapter aux termes des accords d’Alger. On a aussi longtemps cru que la Constitution du 18 juin, allait faire la part belle aux mouvements rebelles de Kidal, en incluant toutes leurs doléances mais les principaux intéressés ont déclaré ne pas être concernés par cette constitution. Parce que, estiment-ils, elle ne prendrait pas en compte les clauses de l’Accord d’Alger. Telles par exemple : l’élection au suffrage universel et au scrutin proportionnel des assemblées régionales qui désigneront ensuite les exécutifs régionaux dans le cadre de la résolution de la crise du Nord. En conséquence, les habitants de Kidal (leur fief voir capitale) n’ont pas participé au scrutin référendaire. Ce qui signifie que l’application de l’Accord d’Alger en l’état n’est pas à l’ordre du jour.
Quid du sort des putschistes ?
Avec la promulgation de la nouvelle Constitution, les putschistes ne seront plus inquiétés par la justice. Car l’article 188 de la Constitution du 18 juin accorde une amnistie aux auteurs des coups d’État militaires de 2020 et 2021, en stipulant que “les actes commis avant la promulgation de la présente constitution et couverts par les lois d’amnistie ne peuvent en aucun cas faire l’objet de poursuites, d’enquêtes ou de jugements”.
Falaye Keïta