Face aux hostilités des musulmans, la transition de 2012 créa un ministère des Affaires religieuses et du Culte dans une République laïque. Ce qui fâche quand le ministre des Affaires religieuses et du Culte déclare haut et fort que ‘‘le Mali est une République islamique’’ ça donne le tournis. Il y a au Mali, des animistes et autres.
Des religions non révélées, du terroir, de l’oralité, ou dites «traditionnelles». Elles renvoient à un monde des ancêtres. L’environnement a un caractère sacré. On ne comprend rien du jeu politique du Mali si on ignore le rôle des féticheurs (les chasseurs). Malgré la forte islamisation du Mali, les musulmans (plus de 90% de la population) et la présence des chrétiens, d’animistes et autres, le Mali reste et demeure un pays tolérant et cela a facilité la coexistence des différentes communautés d’où le fondement de la laïcité affirmée par la Constitution.
«Les Eglises et les réseaux religieux sont des relais des Etats défaillants comme lieu de socialisation. Ils contribuent au soulagement des misères». Il vaut fermer le ministère des Affaires religieuses et du Culte et le rattaché au département de l’Administration territoriale. Afin de mettre fin aux turpitudes des musulmans.
Nous avons dénoncé sans relâche cette gouvernance dégradante, minée d’une manière vicieuse et pernicieuse par la corruption et la délinquance financière, soutenait avec force du 9 janvier 2012 que malgré toutes ces violations et bien d’autres, qui ont toujours crevé les yeux, aucune voix ne s’est jamais élevée, ni au niveau de la classe politique ni au niveau de la Cour constitutionnelle pour réclamer la laïcité du pays, tous empiétés dans une politique de «compromission» subtilement appelée «politique de consensus».
C’est bien ce système mafieux et crapuleux, instauré et entretenu par Amadou Toumani Touré (ATT), que l’ambassadeur de France n’a pas manqué de dénoncer en des termes bien à propos: «la classe politique a démissionné au nom d’un consensus de façade, qui lui a fait perdre tout esprit critique». M. Christian Rouyer exprimait son état d’âme en ce mois de décembre 2011.
Cependant, un peu avant dans notre parution du 3 mai 2010, nous mettions en garde cette frileuse classe politique en ces termes: «En réalité, le débat politique est occulté, l’espace politique, qui aurait dû être occupé par les partis politiques structurés et responsables est libéré et abandonné. La nature ayant horreur du vide, nous avons assisté à l’occupation dudit espace par les associations islamiques, qui, par essence, relèvent d’une religion et d’un contexte social, où les faits, administratif politique, économique et juridique sont intimement liés.
Alors que le christianisme, quand à lui, établit une séparation nette entre l’église et l’Empire dès l’an 494, lorsque le pape Gélase mentionnait à cet effet, pour l’empereur Byzantin Anastase 1er, dans une lettre qui deviendra la charte de la papauté: «Sachez, Auguste empereur que le monde est régi par deux grandes puissances, celle des Pontifes et celle des Rois; mais l’autorité des Pontifes est d’autant plus grande, qu’ils doivent rendre compte à Dieu, au jour du Jugement de l’âme des Rois».
Après la forte mobilisation du 22 août 2009 au stade du 26-Mars, qui a ébranlé véritablement le président Amadou Toumani Touré, contraint à surseoir à la promulgation de la loi, portant code de la famille, pourtant votée par 117 députés sur 126 députés présents, le Haut Conseil islamique dès lors, a adopté une politique d’exigence graduelle.
Face à ces indices probants de la grande capacité de mobilisation et de nuisance non déclarée des dirigeants de la communauté musulmane, le président Amadou Toumani Touré (ATT) continuera à faiblir devant eux, qui ne trouveront aucune raison de s’arrêter en si bon chemin.
Ainsi, le Haut Conseil islamique (HCI) arrivera à se hisser à la tête de la Commission électorale indépendante (CENI) chargée de superviser l’organisation des élections initialement prévues pour 2012 (présidentielle et législatives). Et trois (03) ans après la première, à la suite d’une seconde mobilisation monstre tenue également au stade du 26- Mars, le 12 août 2012, le Haut Conseil islamique (HCI) a donné de la voix en imposant le maintien du Premier ministre Cheick Modibo Diarra, au moment où ce dernier se trouvait entre l’enclume de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le marteau du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FDR) et une Centrale syndicale fortement politisée (UNTM). Ensuite, la classe politique et les forces vives de la nation seront prises de court par l’institution d’un ministère en charge des Affaires religieuses et du Culte au sein du gouvernement d’union nationale, une doléance du HCI pourtant rejeté par les participants au sommet de Ouaga.
Après ce subtil coup d’État constitutionnel réussi, qui, en fait, pourrait à la longue remettre en cause la diversité religieuse ou porter un coup aux fondements sociologiques du pays, le mouvement islamique, en portant son choix sur un candidat indépendant, peut bien aspirer à conquérir le pouvoir d’État par la voie démocratique, dès lors que les partis politiques ne comprendront pas que leur statut, même aléatoire ne viendra qu’après le renouvellement de la classe politique actuelle, qui, visiblement n’est plus porteuse d’espoirs et d’espérance pour un peuple désabusé depuis plus de deux (02) décennies.
À la surprise, cette fois-ci générale de toute la population, le HCI tapera du point sur la table en exigeant le limogeage du directeur général de l’ORTM, pas pour faute administrative ou professionnelle, mais pour un supposé manque d’égard, le 17 août 2012, à l’endroit de ses délégués chargés de message à l’endroit des musulmans.
Comment donc s’étonner de la percée des leaders religieux, qui se sont illustrés ces dernières années par des prises de position courageuse en dénonçant à chaque occasion cette politique de compromission ou allant jusqu’à porter la contradiction aux errements d’un président de la République en manque de toute culture, notamment sur le plan politique, administratif, social et même culturel.
Triste fin d’une démocratie mal pensée, mal élaborée et mal portée par des crapules qui ont finalement installé le pays dans l’impasse actuelle.
Safounè KOUMBA