À quelques encablures du terme de la Transition et des 18 mois qui lui sont impartis, les pouvoirs en place ont choisi de passer à la vitesse supérieure pour éviter un engluement dans le vide juridique. Pour ce faire, un Conseil des Ministres extraordinaire est survenu en fin de semaine, à l’effet de recourir illico presto à une session extraordinaire du Conseil National de Transition. Les membres de cet organe législatif sont ainsi rappelés, toute affaire cessante, pour délibérer sur une batterie de projets de textes au nombre desquels la révision de la Charte de la Transition fait figure de priorité. Il est question, selon le communiqué, de procéder à l’adaptation de la durée de la Transition aux réformes des Assises Nationales de la Transition dont le rapport, du reste non adouber par les participants, a retenu une durée mitigée de 6 mois a 5 ans. Mais c’est bel et bien le plafond – et non le plancher -, qui sera proposé comme chronogramme de retour à l’ordre constitutionnel aux instance de la Cedeao, au motif que c’est le temps nécessaire pour la Transition de procéder aux réformes indispensables. Le même argumentaire étant repris dans le dernier communiqué du Conseil des ministres extraordinaire, on est en droit de présumer une posture maximaliste des autorités de Transition dans le réaménagement de la durée contenue dans la Charte. Les autorités sous-régionales ne l’entendent pas de cette oreille – et ont même infligé des sanctions en représailles à cette option -, mais la délibération appartient cette fois-ci à l’organe de la Transition qui la première avait donné le ton sur la prolongation de sa durée. On peut donc s’attendre à une délibération comme lettre à la poste du côté de législateurs qui ne semblent pas pécuniairement désintéressés à une prolongation de la durée, quitte à défier la Cedeao et toute la communauté internationale en les mettant devant le fait accompli. En effet, la révision de la Charte intervient pendant que les autorités de la Transition sont à couteaux tirés avec les instances communautaires ouest-africaines et leurs partenaires sur la proposition d’un chronogramme plus raisonnable de retour à l’ordre constitutionnelle et à la légalité républicaine. Or une révision unilatérale de la Charte prend à contrepied les efforts de l’Union africaine de trouver une solution au différend dans un nouveau chronogramme de 16 mois inspiré de l’Algérie.
S’annoncent en définitive les démons d’une nouvelle crispation diplomatique dans la foulée des irrespirables sanctions communautaires infligées par la Cedeao et entérinées par la communauté internationale.
Les retouches de la Charte auront trait par ailleurs à la suppression du poste de vice-président devenu vacant depuis le deuxième coup d’Etat ainsi qu’au nombre des membres du gouvernement et du CNT, visiblement dans l’optique d’une ouverture de ces deux organes en vue de les rendre plus inclusifs et élargir éventuellement le cercle des soutiens politiques à la dynamique de la Transition. Pas de quoi dissiper la totalité des réserves suscitées par la révision de la Charte, dont les adversaires ont commencé à donner de la voix. C’est le cas du parti Codem, qui s’est illustré par un premier lever de bouclier en qualifiant la démarche de fuite en avant et en l’assimilant à une volonté d’accaparement du pouvoir.
Quant aux inquiétudes en rapport avec le déverrouillage des restrictions d’éligibilité à la magistrature suprême, elles sont supposées dissipées pour l’heure parce que la question n’est pas inscrite au chapitre de celles soumises à la délibération du CNT. Or il est de notoriété publique qu’une session extraordinaire ne saurait connaître que des sujets pour lesquels elle est convoquée.
A KEÏTA