Située à 60 km de Bamako, la cité du Méguétan est la 2e capitale régionale du Mali. Avec comme principale activité génératrice de revenus, après la faillite de Huicoma, l’extraction du sable.
Emblème de la ville, la statue de la sirène trône à l’entrée de la cité. La pêche y est l’une des activités dominantes. L’huilerie cotonnière du Mali (Huicoma) a donné en son temps, ses heures de gloire à la ville, avec l’emblématique savon « Koulikoro ».
Huicoma est morte. La pêche également. A leur place, l’extraction du sable fait les beaux jours de la ville aujourd’hui.
Sur les berges du Niger, la pirogue Super 1. Comme les autres, elle revient du large avec du sable. Sur les sites d’extractions de Koulikoro Ba, les dunes de sables forment des collines. Pour peu, on se croirait dans le désert. Il existe 6-7 sites d’exploitations à Koulikoro qui sont entre autres ceux de Koulikoro Ba, Dangaba, Niemina…
Les habitants de Koulikoro se rendent sur les berges pour l’extraction du matin au soir. Il est 7h et les femmes de la 2e capitale administrative sont en route pour leur activité quotidienne. Fatoumata Traoré affectueusement appelée par ses enfants Anta, la cinquantaine, veuve, fait partie des braves femmes qui évoluent dans l’extraction du sable pour subvenir aux besoins de sa famille. « Chaque jour après le petit déjeuner, nous nous mettons en route pour venir extraire du sable ou du gravier. Et la recette d’aujourd’hui sert de frais de condiments demain. Nous vivons au jour le jour depuis la fermeture de Huicoma ».
La fermeture de l’usine Huicoma a été l’élément perturbateur des autres activités telles que la pêche. Huicoma faisait travailler plus de 500 000 personnes. Actuellement, l’unique activité génératrice de revenus à Koulikoro est l’extraction et la vente du sable. En cette période hivernale, les marchands de sable se frottent les mains.
Un chargement de camion se négocie à plus de 100 000 F CFA selon le tonnage. Et 3 voyages de pirogues font un camion. « C’est une activité rentable, malgré la fatigue et l’effort physique qu’elle requiert », explique Sambou Doumbia la pelle dans une main et dans l’autre un verre de thé.
L’extraction de sable charme plus de femmes, surtout les veuves. Selon Sira Doumbia, vendeuse de sable, « il n’y’a aucune autre activité que nous puissions mener ici. La vente de sable est plus rentable car un tas coûte 500 F CFA alors imagine celle qui arrive à vendre deux tas ou plus. Ce sont les hommes qui achètent nos tas de sable afin d’en faire un chargement. Et les enfants ont senti le filon, ce qui les a fait abandonner l’école », déplore-t-elle.
L’impact écologique de cette activité sur la vie du fleuve ne doit point inquiéter, selon Moussa Diamoye, Directeur général adjoint de l’Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN). Il assure que l’extraction du sable par pirogue n’a aucune conséquence sur le fleuve au contraire : Elle permet de désengorger et de garantir la fluidité des eaux. La seule pratique susceptible d’impacter négativement l’extraction du sable dans le lit du fleuve est l’extraction à l’aide de dragues, qui en plus de marcher avec du carburant, pollue le cours d’eau ».
Si l’extraction du sable par pirogue n’a aucune conséquence sur le fleuve tant que ce n’est pas mené pas la drague, elle a pourtant des conséquences néfastes sur la vie des marchands. Nasira Doumbia trouve que l’eau est contaminée.
NASIRA DOUMBIA
« Ici, nous vivons du sable et du gravier »
Il est 13h sous un soleil de plomb. Les femmes sortent de l’eau avec des seaux remplis de sable sur la tête. Pagne retroussé jusqu’aux genoux, ramènent du sable à la place du poisson qui est une sorte de pépite d’or dans la cité du Méguétan, plus précisément sur la berge de Koulikoro Ba. Parmi elles, des jeunes filles.
Nasira Doumbia, âgée de 45 ans, mène cette activité depuis des années. « Cela fait 16 ans que j’extraie du sable et du gravier, mais il y a eu de l’évolution. Si avant j’étais dans l’extraction, maintenant je suis dans le négoce du sable et du gravier. J’achète même les tas de certaines femmes pour en faire un chargement ».
Nasira est l’une des femmes qui ont su se faire une place dans cette activité, et à réaliser des projets. Pourtant c’est une activité éprouvante, qui demande beaucoup du courage surtout de rudes efforts physiques. Sous ce hangar, les hommes coordonnent les ventes par téléphone tout en sirotant du thé. Au même moment, des femmes sortent de l’eau des seaux, sans se départir de leur bonne humeur.
Nasira après quelques minutes de discussions avec certaines femmes, dont elle a fini par acheter leurs tas de sable, la voici au bord du fleuve saluant certaines par-ci en donnant des coups de main par là. « Ce travail est vraiment difficile pour nous les femmes mais que faire, l’aventurier n’a pas le choix. Et les hommes n’ont aucune considération pour nous, ils refusent même de nous venir en aide. Grâce à notre courage, nous arrivons à atteindre un certain niveau. J’ai fait des réalisations, tel qu’acheter des parcelles, aménager ma maison, et même célébrer le mariage de mes enfants ».
Kader est agent municipal de Koulikoro. Il affirme avoir aidé des femmes à acheter des parcelles et Nasira figure parmi elles. « J’ai aidé Nasira à acheter ses parcelles afin qu’elle loge dans sa propre maison. J’ai réussi à la convaincre, et maintenant elle a plusieurs parcelles en son nom. 80 % des femmes de notre région sont dans cette activité informelle autant leur venir en aide ».
Nassira en plus de ce travail qu’elle veut abandonner aujourd’hui, voudrait se tourner vers la vente des briques.
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KOULIKORO
Le Meguetan oublié
Le Manque d’infrastructures, est l’un des maux qui affectent Koulikoro. Les goudrons sont parsemés de nids de poules. Les tricycles Katakanis slaloment entre les trous. Les bâtiments administratifs datent du moyen âge, tous décrépis. L’abattoir dégage une odeur nauséabonde.
La ville de Koulikoro est la capitale des katakatanis. Ils y ont causé la chute des Sotramas.
L’abattoir de Koulikoro n’est pas une référence en qualité d’hygiène, juste en face du fleuve, à quelques mètres de l’Ecole Militaire Interarmées (EMIA). Et les carcasses des animaux abattus sont étalées à même le sol.
Selon Kader. D., « un abattoir est en construction. Je prie qu’il soit moderne sinon dans ces conditions cette viande va tous nous tuer. Notre région est oubliée par l’Etat. C’est la misère. A part l’extraction du sable, il n’y a aucune activité. La plupart d’entre nous sommes chauffeurs de Katakatanis ».
Koulikoro, bientôt un quartier de Bamako, la cité des trois caïmans ?
Oumou Fofana
(dossier réalisé de retour de Koulikoro)