Kemi Seba sur les traces de Martin Luther King!

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Kémi Séba à Dakar le 4 décembre 2013. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Arrêté pour avoir brûlé un billet de 5000 FCFA en public, l’activiste Kemi Seba est sur les traces de Martin Luther King.

La désobéissance civile devient un devoir pour tous ceux qui sont soucieux de la dignité humaine, qui ne veulent pas collaborer avec l’injustice et qui cherchent, en enfreignant la loi, à enrayer la machine qui produit l’oppression. Martin Luther King, en son temps, aura le souci constant d’expliquer, de justifier les raisons qui le poussent à enfreindre les lois ségrégationnistes. Ainsi, dans la fameuse Lettre de la prison de Birmingham, il expose les principales justifications à son action de désobéissance civile. À ses détracteurs qui s’inquiètent qu’il proclame l’obéissance à certaines lois et l’infraction à d’autres, la précision suivante : « Il existe deux catégories de lois : celles qui sont justes et celles qui sont injustes. Je suis le premier à prêcher l’obéissance aux lois justes. L’obéissance aux lois justes n’est pas seulement un devoir juridique, c’est aussi un devoir moral. Inversement, chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes. J’abonderais dans le sens de saint Augustin pour qui « une loi injuste n’est pas une loi. » Il précise que la loi juste est la loi qui s’accorde avec « la loi morale ou la loi de Dieu», c’est-à-dire qui « élève la personne humaine ». En conséquence, la loi injuste est la loi qui « dégrade la personne humaine ». Il souligne que « toute loi qui impose la ségrégation est injuste car la ségrégation déforme l’âme et endommage la personnalité. Elle donne à celui qui l’impose un fallacieux sentiment de supériorité et à celui qui la subit un fallacieux sentiment d’infériorité ». La désobéissance civile n’est donc légitime qu’en rapport avec une injustice caractérisée qu’il ne suffit pas de dénoncer, mais qu’il importe de combattre pour la faire cesser.

Dans cette Lettre, King indique qu’entrer en désobéissance civile implique d’assumer les conséquences judiciaires de ses actes. Il est sur ce point en accord avec Thoreau sur la question de l’acceptation des sanctions. Ce témoignage exemplaire à destination de l’opinion publique est une des conditions de la légitimité de la désobéissance civile. « Quiconque enfreint une loi injuste, écrit-il, doit le faire ouvertement, avec ferveur, et la volonté d’en accepter les conséquences. Je soutiens que quiconque enfreint une loi parce que sa conscience la tient pour injuste, puis accepte volontairement une peine de prison afin de soulever la conscience sociale contre cette injustice, affiche en réalité un respect supérieur pour le droit. »

Durant la campagne de Birmingham, King eut la satisfaction de voir combien la détermination non-violente des manifestants était une force qui savait faire face avec dignité et efficacité aux armes de la répression.

« Notre lutte atteignit son apogée tragique, commente-til, lorsque environ trois mille cinq cents manifestants remplirent pratiquement toutes les prisons de la ville et des agglomérations avoisinantes, tandis qu’environ quatre mille autres continuaient à défiler et à manifester pacifiquement. La ville de Birmingham sut alors qu’elle ne pourrait plus continuer à fonctionner jusqu’à ce que les revendications de la communauté noire eussent été satisfaites. »

Accepter d’aller en prison est certes un devoir pour celui qui enfreint la loi, mais cela peut être également une tactique imparable pour résister collectivement au pouvoir. « Remplir les prisons », selon le principe de Gandhi, tel est le mot d’ordre qui a été appliqué avec succès durant les campagnes d’action de King, grâce notamment à l’implication massive de la jeunesse.

Mais accepter les risques de la sanction est aussi la preuve de la détermination du mouvement. L’affichage de cette volonté fait partie intégrante de la construction du rapport de forces. Lorsque des milliers de personnes sont prêtes à aller en prison, c’est le signe d’une force qui ne peut plier sous les coups de la répression. L’adversaire ne sait plus comment agir. Il est mis dans l’embarras car tous ses repères s’effondrent. King l’avait compris. « Au moment de notre procès, raconte-t-il, tout le monde à Birmingham avait compris que nous ne nous rétracterions jamais, même si nous devions pourrir en prison. Les autorités allaient donc être obligées de nous condamner à la prison à vie. Certain, désormais, que nous ne céderions pas, le juge comprit indubitablement qu’il allait faire de nous des martyrs, ce qui ne manquerait pas de monter l’opinion publique nationale contre la ville de Birmingham. Brusquement, on changea de tactique. L’accusation de délit civil se mua en accusation, moins sévère, de délit criminel, dont nous fûmes rapidement convaincus le 26 avril. De plus, le juge annonça qu’il reportait le jugement et nous donnait vingt jours pour faire appel. Nous ne doutâmes plus désormais que les bastions ségrégationnistes de Birmingham ne fussent en train de perdre du terrain.

Sambou Sissoko

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