Depuis la période coloniale, se met en place au Mali comme qui dirait une tradition où aucune institution ne jouit d’une réelle autonomie : une situation institutionnelle regrettable pour un pays qui se présente comme une des « vitrines » de la démocratie en Afrique de l’ouest.
Quatre raisons majeures en sont à la base de cette situation : d’abord une histoire institutionnelle dont la présente pauvreté s’explique par : la longueur des différentes périodes d’exception ; la médiocrité de la classe politique malienne et sa tendance naturelle à « détruire » tout essai d’éveil des consciences non commandité par elle-même ; le maintien dans l’inculture institutionnelle de ce qu’il est convenu d’appeler la société civile.
Ensuite, une forme cynique d’exercice du pouvoir par l’Exécutif en place aux différentes périodes de notre histoire récente, y compris dans l’Après Mars 91 où l’Exécutif, tenu par la Conférence nationale et la Constitution de mettre en place les institutions démocratiques, n’est pas vraiment prêt à ce que ces institutions exercent le contrôle qu’elles sont censées exercer sur les agents et les services publics et bâtit en conséquence une stratégie pour assurer son contrôle à lui sur des institutions chargées de le contrôler, lui.
En outre, la complicité d’une opposition qui s’apprête à agir exactement de la même façon une fois qu’elle arrive au pouvoir : complicité active pour un certain nombre de ses leaders, complicité passive pour la majorité ; alternativement les deux pour presque tous et ceci au gré des événements.
Enfin, le bâillonnement des intellectuels soit par des moyens musclés directs (la répression) soit par des moyens plus sournois (l’étouffement économique) qui les maintiennent dans un isolement nécessiteux et veulent les pousser à toutes sortes de compromissions avec un Exécutif dont ils ne partagent pas forcément les choix de politique. Un intellectuel doit être une conscience quelle que soit par ailleurs sa position institutionnelle et ses choix politiques : une conscience qui aide à la prise de conscience générale et qui, par conséquent, doit garder une position critique. Quels ont été les Exécutifs qui, dans ce pays, ont joué ce jeu jusqu’au bout en ne cherchant pas à réprimer ou à « couper les vivres » aux intellectuels qui ont une attitude critique à leur endroit ?
Sambou Sissoko