Kaba Rougui Barry : Une Nyéléni au service des Guinéens de la diaspora

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Dans le monde, rares sont les femmes qui parviennent à se frayer un chemin dans l’adversité avec les hommes. C’est pourquoi nous avons voulu faire un clin d’œil à une femme que nous avons connue en Guinée, lors des événements de 2008 à 2010, c’est-à-dire avant le décès de Lansana Condé. Rougui Barry Kaba, une dame de conviction, qui est plus qu’une battante RBB, n’est pas à présenter en Guinée. Mais, au Mali, nous vous invitons à suivre le parcours de cette dame qui est actuellement ministre délégué des Guinéens de l’extérieur, mission qu’elle accomplit tant bien que mal.

 

 KabaRouguiBarryNotre maman Tanti Sira Diop, doyenne des femmes du Mali, éducatrice mère, grand-mère, nous disait ceci : «Là où les hommes s’arment une fois, les femmes doivent faire le triple, mais le point fort de l’homme, c’est la femme. La femme c’est la mère, la sœur, la nièce, la fille, etc.». C’est dire combien la femme a une lourde responsabilité dans nos sociétés. En plus de tout cela, celles qui décident de se battre sur d’autres terrains, ont besoin de l’aide et du soutien des autres.

Tenez, Kaba Rougui Barry est la première femme élue maire en Guinée dans la commune de Matam, l’une des 5 communes de Conakry. Les Guinéens connaissent très bien cette brave dame peulh, courtoise, toujours bien nippée. En tout cas, l’adversité n’est pas un souci pour elle, car elle sait se tirer d’affaire. Ce qui lui permet de faire passer ses idées au cours des rencontres. Depuis l’avènement de la démocratie en 1990, bon gré mal gré, elle se maintient sur la scène politique et dans la sphère des décisions dans son pays. Cette longévité est due à son courage en politique et à sa bonne lecture du jeu politique. Même si souvent ça ne lui sourit pas. Ah oui, la Peulh a un parcours exceptionnel, car le symbole de la célébrité a des moments de réussite, mais de déception. Mais, Rougui Barry jubile à partir de sa maison non loin de la maison de la presse  à Coleah Lansebounyi. Une maison bureau que nous avons visitée à la faveur de la présidentielle en 2010 quand elle a accepté, à la surprise de tout monde,  de soutenir le professeur Alpha Condé arrivé 2ème au premier tour.

 

 

C’est en 1990 qu’elle a décidé de faire de la politique en acceptant la demande des habitants de sa commune, de se porter candidate pour la mairie de Matam. Mais, grâce, selon elle, aux conseils de son époux et de son père. Deux hommes qui comptent beaucoup dans sa vie. Malgré son inexpérience, elle se jette dans le combat et du coup, sur la scène politique. Le Marigot sans pitié. Mais, au finish, elle gagne la mairie à la surprise générale de toute la Guinée, devenant ainsi la première femme maire de toute l’histoire de la commune.

 

 

Son exploit est réédité au Mali en commune I par Konté Fatoumata Doumbia, qui devient maire de la commune I. Rougui Barry gravit les échelons et devient ministre en charge des Guinéens de l’extérieur. Pour devenir maire en 1991, elle a surclassé 4 hommes. Après son succès en 1991, elle gagne encore en  1996, mais cette victoire n’était pas du goût de feu  président Lansana Condé et son Parti de l’unité et du progrès (PUP), qui empêchent son investiture. “La mairie est restée pendant sept mois sans maire, avant que je ne sois investie. Ces deux mandats m’ont permis de rester dix ans à la mairie et j’ai réussi à mettre en œuvre avec succès 70 à 80 pour cent de mon plan d’action”, souligne Rougui Barry.

 

 

Suivant une nouvelle loi obligeant les candidats à la mairie d’intégrer des partis politiques, Rougui Barry rejoint en janvier 2000 l’Union des forces républicaines (UFR), un parti d’opposition, apparemment après des contacts avec le PUP. Ces contacts n’ayant pas été fluctuants, la battante dérange le parti au pouvoir et elle va dans l’opposition avec le parti de l’ancien Premier ministre Sidiya Touré. Cela va lui coûter cher, car le PUP de Lansana Condé empêche sa candidature, sa liste ne sera pas alors validée en 2000. “Cette loi me visait principalement. Le président de la République avait exigé que le PUP remporte toutes les 38 communes du pays, mais tout le monde savait que cela était impossible à Matam”, remarque-t-elle. En mars 2004, Rougui Barry a été arrêtée pendant 44 jours, avec d’autres personnalités accusées de complot contre le régime. Mais la justice a blanchi le groupe, quelques mois plus tard.

 

 

Bons et mauvais souvenirs

Pendant son mandat à Matam, Rougui Barry a réussi à rétablir la confiance entre les populations et à aménager quelques infrastructures comme ces passerelles surplombant l’autoroute Fidel Castro, pour permettre aux piétons de traverser sans danger. Cette initiative sera multipliée dans le projet d’agrandissement de l’autoroute, même hors de Matam. “Rien n’a été facile pour moi. Sur le plan religieux, en 1991, on ne pouvait pas accepter une femme à la tête d’une commune, mais j’ai réussi à faire participer toutes les religions dans la gestion de la commune, on demandait l’avis de chacun”, affirme Rougui Barry. “C’est au fil des années qu’ils ont compris que ce n’était pas seulement la femme qui était là, mais une battante et une responsable de tout le monde. Au niveau social, il fallait réduire la pauvreté”, souligne-t-elle. Des femmes ont été encouragées vers des métiers comme la teinture et la saponification et un cadre a été aménagé pour permettre aux jeunes chômeurs de rencontrer des chefs d’entreprises.

 

 

“Je suis satisfaite de notre bilan”, dit-t-elle fièrement.

Mais, Rougui Barry n’a pas que de bons souvenirs dans sa longue lutte politique. “Le pire moment a été de se sentir abandonnée par les autorités malgré tout le travail abattu et reconnu par les populations elles-mêmes. Les meilleurs moments sont toujours les succès que nous avons enregistrés dans la réalisation de notre programme d’action à la mairie”, explique-t-elle. Licenciée en économie, et directrice de l’Ong humanitaire «Aide pour le développement durable», l’ancienne maire de Matam est mère de cinq enfants. Imprévisible, elle dit utiliser ce trait de caractère pour dérouter ses adversaires. “Elle est insaisissable et de ce point de vue, est opposante dans l’âme. La grande dame de la politique guinéenne est aujourd’hui ministre délégué des Guinéens de l’extérieur. Ancienne maire de la commune de Matam et ancienne ministre de l’Enseignement pré-universitaire et de l’éducation civique sous le  capitaine Moussa Dadis Camara. Ministre délégué des Guinéens de l’étranger dans le gouvernement du Premier ministre Mohamed Saïd Fofana, elle est aussi une Nyéléni du nom d’une paysanne malienne dont l’existence a été transmise par la tradition orale africaine. Originaire de la région de Ségou, elle a vécu à une date indéterminée. Fille unique, elle n’a eu de cesse que d’exceller dans tous les domaines afin d’être la fierté de ses parents. Elle devient ainsi une agricultrice hors-pair qui gagnait tous les concours. On lui attribue la domestication du fonio, une céréale aux grains minuscules, cultivée dans la partie sahélienne de l’Afrique de l’Ouest. Nyéléni est devenue le symbole de l’engagement des femmes dans la vie sociale malienne.

Aminata Baghaka et IPS

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