La Cour constitutionnelle, à travers son arrêt N° 2017-04/CCM/Réf. du 04 Juillet 2017, a tranché sur la faisabilité du référendum constitutionnel. Elle a balayé d’un revers de la main, les griefs soulevés par les partisans du Non contre le projet de révision de la Constitution du 25 février 1992 avant d’encourager le gouvernement à la tenue de ce référendum, qui participe à la consolidation de notre démocratie. Le contraire note-t-elle peut conduire le pays au chaos, qu’aucun Malien ne souhaite aujourd’hui. Après cet avis éclairé et motivé de la Cour constitutionnelle qu’est-ce qu’il y a lieu de faire maintenant ?
Désormais rien ne semble plus s’opposer à la tenue du référendum constitutionnel après l’échec de la requête de l’opposition devant la Cour constitutionnelle. En tout cas, pas le président de la république Ibrahim Boubacar Keita qui dit s’en tenir à la décision de la Cour. Le 2 juillet dernier, interpelé par les journalistes sur la question, IBK a été on ne peut plus précis : ‘’ Si je retire mon projet de révision constitutionnel, je trahirais mon pays et la signature de mon pays ! Je ne le ferai pas ! Cela dit, la Cour constitutionnelle, dont l’autorité est sans conteste, va opiner. Elle dira le droit ». Maintenant que le droit a été dit, c’est l’opposition qui a perdu la bataille. L’objectif de la saisine était de voir la Cour invalider, comme en 2001, la loi constitutionnelle. Cette fois-ci, les 9 sages ne sont pas allés dans ce sens ; donc c’est un échec pour l’Opposition.
Contrevérité de Tiéblé
L’un des arguments les plus avancés par les partisans du ‘’Non’’ pour exiger le retrait du projet de révision de la Constitution du 25 février 1992 était fondé sur l’article 118 qui dispose en son alinéa 3 : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Ils estiment que l’État n’a pas d’emprise lui permettant d’y exercer effectivement sa souveraineté sur certaines parties du pays, dont la région de Kidal.
Faux rétorquent les 9 sages: « l’insécurité, qui prévaut au Mali, est résiduelle en ce qu’elle est persistante en certains endroits du territoire national. Cependant, elle est de moindre amplitude par rapport à celle qui sévissait dans le pays en 2012 et caractérisée à l’époque par l’occupation des régions du nord par des forces d’obédience sécessionniste, djihadiste et autres venues d’horizons divers », peut-on lire dans l’arrêt du 4 juillet.
Dès lors, les arguments avancés par l’opposition en référence à l’article 118 de la Constitution du 25 février 1992 s’effondrent comme un château de cartes.
Selon la Cour, le Mali démocratique n’est pas à sa première tentative de révision de la constitution de 1992.
Ainsi, explique-t-elle, dès l’entame de son second mandat, le premier Président élu de la 3e République, qui n’est autre que le président Alpha Oumar Konaré, avait entrepris une relecture de la Constitution du 25 février 1992 pour diverses raisons notées dans les termes de références assignés aux experts requis à cet effet. Cependant, il n’est pas arrivé à conduire le processus à terme avant la fin de son mandat, consécutivement à une décision de la Cour constitutionnelle (Arrêt n° 0l-128 en date des 11 et 12 décembre 2001), déclarant, la mouture de la loi portant révision constitutionnelle publiée au Journal officiel spécial n° 5 du 18 octobre 2001 et devant être soumise au scrutin référendaire, inconstitutionnelle pour dissemblance constatée avec celle qui avait été délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale.
À ce niveau, il y a lieu de préciser que cette version est loin différente de celle avancée par le président du PARENA, selon qui, Alpha Oumar Konaré avait renoncé à son projet, parce qu’il avait été buté à des contestations. Il faut retenir que ce projet n’a pu aboutir parce que la Cour constitutionnelle avait vite compris et mis un coup d’arrêt à la volonté de tripatouillage du président Konaré.
Souveraineté compromise
Aussi, son successeur, Amadou Toumani Touré, appréhendant, lui aussi, ‘’la nécessité de la révision constitutionnelle, en prenait l’initiative à son compte quand survint, au nord du pays, une rébellion sécessionniste qui appelait à la rescousse des forces d’origine étrangère d’obédiences et de motivations aussi diverses que confuses, donnant lieu à une occupation de tout le septentrion du pays’’. Face à la situation, la Cour ne pouvait que donner un avis défavorable au projet de révision du ‘’Grand soldat de la démocratie en Afrique’’, ATT.
« La Cour constitutionnelle a rappelé, dans un Avis n° 12-002/CCM/Réf. du 13 mars 2012, les dispositions de l’article 118, alinéa 3 de la Constitution selon lesquelles : «Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire»; qu’ainsi, au constat de l’occupation effective, d’alors, d’une large proportion du territoire national par des forces diverses dont certaines d’origine indéniablement étrangère, cette autre tentative n’avait pu être poursuivie », précise l’arrêt du 4 juillet.
Plus tard, le 22 mars 2012, la situation, déjà préoccupante, s’exacerbait par la perpétration d’un putsch militaire dont les auteurs décidaient, d’autorité, de la suspension de la Constitution ainsi que de la dissolution des institutions républicaines, mettant ainsi, péremptoirement, entre parenthèses toute vie institutionnelle normale de l’État.
Accord pour la paix
La situation sécuritaire précaire aujourd’hui est la suite logique de cette occupation d’une partie de notre pays, dont la résolution mobilise, depuis 2012, la communauté internationale au chevet du Mali. En effet, c’est avec l’appui de certains partenaires tels que la France, à travers son opération Serval qui est devenu Barkhane par la suite, et la Communauté internationale, en l’occurrence, la CEDEAO, l’Union Africaine (UA), les Nations Unies, l’Union Européenne et l’Organisation de la Coopération Islamique, que notre pays a réussi à chasser de nos territoires les occupants étrangers pour, ensuite, réunir les conditions pour des élections présidentielles réussies, suivies d’élections générales crédibles, acceptées de tous.
À l’issue de ces différentes élections, le troisième Président de la 3e République, Ibrahim Boubacar Keita, dans la recherche d’une solution durable au problème dit du nord, a initié des pourparlers qui aboutiront à la conclusion d’un accord politique de règlement définitif de « la crise malienne » dénommé Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger entre l’État du Mali et les mouvements armés nationaux. Toute chose qui a permis d’obtenir aujourd’hui, le respect de la souveraineté de l’État du Mali ainsi que sa forme républicaine et son caractère laïc par ces mouvements. Cet accord signé à Bamako, il faut le dire, a été conclu sur la base d’exigences consensuelles fondamentales sous l’égide de la Communauté internationale avec comme chef de file, l’Algérie.
Ainsi, comme tout accord politique de règlement de crise institutionnelle du genre, l’Accord pour la Paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger est appelé à produire, entre les parties, des effets normatifs à configurer, nécessairement, dans l’ordonnancement juridique de l’État. Cette assurance, on la retrouve dans l’article 1 de l’Accord pour la paix: « Les parties, dans l’esprit de la Feuille de route, réitèrent leur attachement aux principes ci-après: au respect de l’unité •nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’État du Mali, ainsi que sa forme républicaine, son caractère laïc », valeurs constitutionnelles consacrées supra par la Constitution du 25 février 1992, en son article 118…
Nécessité de réviser la Constitution de 1992
Dès lors, la Cour dans son arrêt du 4 juillet constate que ‘’la souveraineté du peuple s’exerce à ce jour par ses élus sur toute l’étendue du territoire national’’.
Aussi, explicitement, en son article 3, l’accord engage les Institutions de l’État malien ‘’à prendre les dispositions requises pour l’adoption des mesures réglementaires, législatives, voire constitutionnelles, nécessaires à sa mise en œuvre, en vue de créer les conditions d’une paix juste et durable au Mali, pouvant contribuer à la stabilité sous régionale ainsi qu’à la sécurité internationale ‘’.
Si depuis sa signature, certains irréductibles continuent de se comporter en terroristes en posant des actes de défiance dont sont victimes les populations maliennes et celles des pays limitrophes, créant une situation d’insécurité préoccupante, force est de constater qu’il n’a plus été attesté d’une présence de troupes d’occupation étrangères sur le territoire malien, de façon à en compromettre son intégrité au sens du droit international. Le constat est ainsi fait que l’insécurité, qui prévaut au Mali est résiduelle en ce qu’elle est persistante en certains endroits du territoire national. Cependant, elle est de moindre amplitude par rapport à celle qui sévissait dans le pays en 2012 et caractérisée à l’époque par l’occupation des régions du nord par des forces d’obédience sécessionniste, djihadiste et autres venues d’horizons divers et dont l’ampleur n’a d’ailleurs pas privé le peuple, plus tard, de son droit d’exprimer sa souveraineté à l’occasion des élections générales de 2013, ce, conformément aux dispositions des articles 24, 26 et 27 de la Constitution du 25 février 1992.
Défi contemporain
Aussi, la Cour considère-t-elle que le défi sécuritaire imposé au Mali est contemporain, ‘’le fonctionnement régulier de ses institutions ne saurait être tributaire de la pacification absolue du territoire national, elle- même dépendante d’un environnement d’instabilité transnationale, au risque de freiner le processus démocratique et de plonger le pays dans l’impasse et le chaos’’.
Par conséquent, ‘’L’inconstitutionnalité de la loi soulevée de ce chef ne saurait prospérer’’, selon les 9 sages.
Selon l’arrêt de la Cour en son article 2, ‘’Sous les strictes réserves et observations portant sur la mouture de la loi, sa date d’adoption ainsi que les articles 37, 47, 48, 61, 110, 115, 119, 145 et 148, la Loi n° 2017-31/AN-RM du 02 juin 2017 portant révision de la Constitution du 25 février 1992 est conforme à la Constitution ».
Seconde lecture
Il s’agit d’une petite victoire pour certains indécis de la classe politique, à l’image de Me Mountaga Tall du CNID et l’ancien Premier ministre Moussa Mara du parti Yélema, qui estimaient que le consensus pouvait s’obtenir par une nouvelle lecture du texte devant l’Assemblée nationale.
À la différence de ces hommes politiques qui semblaient sonder la direction du vent, la seconde lecture préconisée par la Cour ne porte pas sur l’intégralité du texte. Cette procédure est définie par le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, à travers l’article 78 (loi organique du 15 octobre 2015) qui dispose : ‘’lorsque le Président de la République demande l’examen d’un texte en seconde lecture, l’Assemblée nationale statue sur les seuls amendements pouvant résulter de l’avis contenu dans le message du Président de la République. En cas de rejet total ou partiel de ces modifications, le vote a lieu au scrutin public à la majorité simple pour les lois ordinaires et à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale pour les lois organiques.
Dans le cas d’espèce, il s’agit d’une correction dans le sens indiqué par la Cour des neuf articles (37, 47, 48, 61, 110, 115, 119, 145 et 148), sur lesquels les honorables députés auront à se prononcer par vote. Si le Non emporte, le texte sera rejeté; si le Oui passe le texte est adopté et prêt à être soumis au peuple par voie de référendum. Ce qui est sûr, il n’y aura plus de débat sur, par exemple, la souveraineté, l’intégrité du territoire nationale ou les pouvoirs du président de la République.
Par Sidi Dao