Juste après l’ouverture, la session supplémentaire de la Cour d’assises de Bamako en transport à Sikasso ayant à son ordre du jour l’affaire dite des Bérets rouges, a été suspendue à la demande des avocats de la défense pour 48 heures. La reprise est prévue ce vendredi 2 décembre 2016 à 9 heures dans la salle Lamissa Bengaly.
Ils sont dix-sept accusés à répondre devant cette session supplémentaire de la Cour d’Assises pour crime d’enlèvement et d’assassinat, de complicité d’enlèvement et de complicité d’assassinat de 21 bérets rouges du 33ème régiment des Commandos Parachutistes de Djicoroni Para. Les accusations de crimes d’enlèvement et d’assassinat concernent Fousseyni Diarra dit Fouss, Mamadou KONE, Tiémoko Adama DIARRA, Lassana SINGARE, Cheickna SIBY et Issa TANGARA. Par contre, les accusés Amadou Haya SANOGO, Bloncoro SAMAKE, Siméon KEÏTA, Oumarou SANAFO dit Kif Kif, Soïba DIARRA, Christophe DEMBELE, Amadou KONARE, Mohamed Issa OUEDRAGO, Ibrahim Boua KONE répondront au chef d’accusation de complicité d’enlèvement et d’assassinat. Yamoussa CAMARA et Ibrahim Dahirou DEMBELE sont poursuivis pour complicité d’assassinat. Selon l’arrêt de renvoi, du 30 avril au 1er avril 2012, le Régiment des commandos parachutistes a, à son tour, tenté un coup de force contre les membres du CNRDRE composés en grande partie de « bérets verts ». C’est à la suite des violents affrontements qui s’en sont suivis que vingt et un « bérets rouges » ont été retrouvés ensevelis dans deux charniers situés à Diago.
Après la lecture de l’arrêt de renvoi par la greffière, Me Mariam Diawara prend la parole et demande une suspension afin que les avocats échangent avec leurs clients dont certains sont fatigués et d’autres malades à l’image du jeune Tiémoko Adama Diarra. Me Harouna Toureh soutient cette requête de sa consœur et rappelle que le droit de communication n’a pas été correctement exercé entre les avocats et leurs clients dans cette procédure. « Nous estimons qu’il est utile de pouvoir les rencontrer et échanger avec eux », a ajouté Me Toureh. L’un des avocats de la partie civile, Assane Dioma N’Diaye, avocat au Barreau du Sénégal, demande à ses confrères de donner des indications. « Nous demandons une suspension pour 48 heures », répond Mariam Diawara. Pour Me Moctar Mariko de la partie civile, cette demande de 48 heures est excessive. « Les choses ne sont pas claires. Tantôt, on nous parle de doléances, tantôt on parle de suspension. Nos confrères doivent être clairs », lance Assane Dioma N’Diaye.
L’Avocat général près la Cour d’Appel de Bamako, Mohamed Maouloub Najim, qui occupe le banc du ministère public affirme que les droits des accusés ont toujours été respectés au cours de cette procédure. Il nuance sa position en demandant une suspension de 30 mn pour permettre aux avocats d’échanger avec leurs clients. A la reprise, dit-il, les exceptions seront soulevées. Dans ce cas, le Parquet ne voit pas d’inconvénient à la suspension de 48 heures. Pour Cheick Oumar Konaré, avocat d’Amadou Haya Sanogo, la demande de la défense n’est pas dilatoire. Le Parquet, a fait savoir Me Tiéssolo Konaré, ne peut pas prévaloir de ses propres turpitudes. Me Toureh rappelle au Président que les avocats de la partie civile ne doivent pas intervenir sur leur demande de suspension. La partie civile, réplique Me Clémence Bectarte du Barreau de Paris, a son mot à dire. Il ne faut pas laisser les avocats de la défense continuer dans leurs manœuvres dilatoires. Le Président Mahamadou Berthé consulte ses deux collègues Boureima GARIKO et Taïcha MAIGA, pendant quelques minutes et prononce la suspension de l’audience en fixant la reprise des travaux à vendredi 2 décembre 2016 à 9 heures.
Chiaka Doumbia
Coulisses : Pas de téléphones, ni d’ordinateurs… deux fouilles corporelles !
Les mesures de sécurité adoptées par le Ministère de la Justice et des droits de l’homme sont draconiennes au cours de ce procès. En effet, les téléphones portables sont interdits d’accès dans la salle pour les journalistes et le public. On n’entre avec aucun objet sauf un stylo et un blog-note. L’exclusivité des images a été donnée à la Télévision nationale. Deux photographes (un du quotidien national L’Essor et un autre au compte du Ministère de la justice) ont été autorisés à avoir accès à la salle. Seuls avocats et les magistrats ainsi que les porteurs d’uniforme sont autorisés à entrer avec leurs téléphones.
Des membres de la Haute Cour de justice à Sikasso
Les membres de la Haute Cour de Justice avec à leur tête le Président Abderhamane Niang était à Sikasso pour assister à l’ouverture de cette session supplémentaire de la Cour d’assises. Même après la cérémonie d’ouverture, Abderhamane Niang et ses collègues ont assisté à l’audience jusqu’à la suspension des travaux.
Amadou Haya Sanogo, serein ?
C’est un Amadou Haya Sanogo en costume cravate très souriant qui a fait son apparition dans la salle d’audience. Il tient en main une enveloppe et une petite bouteille d’eau minérale. Il salue ses coaccusés et leur donne des accolades. Au passage, il serre la main de quelques avocats et prend place dans le box des accusés entre les généraux Yamoussa Camara et Ibrahim Dahirou Dembélé. Pendant quelques minutes, il échange des mots avec le général Dembélé avec éclats de rire avant de se tourner vers l’ex-ministre de la défense. De temps en temps, Amadou Haya Sanogo qui affiche apparemment une certaine sérénité, se désaltère avec un peu d’eau.
Une dizaine pour la défense des accusés
Une dizaine d’avocats sont mobilisés pour la défense de 17 accusés. Mes Mariam Diawara, Harouna Toureh, Issaka Coulibaly, Tiéssolo Konaré, Hamidou Dembélé, Djibril Coulibaly et Saloum Souaré Tabouré ont déclaré assurer la défense de tous les accusés. Les avocats Boubacar Soumaré, Alassane Diop et Abderhamane Touré défendent la cause de l’ex-numéro 2 de la junte, Capitaine Amadou Konaré. Mes Boubacar Karamoko Coulibaly, Mahamadou Camara Halimane B. Abdoulaye plaident la cause du général Ibrahim Dahirou Dembélé. L’ancien ministre de la défense, Yamoussa Camara, bénéficiera des services de Mes Alassane Sangaré et Mahamadou Traoré. Le jeune Mohamed Issa Ouedrago est défendu par Mamadou Boiré.
Des tee-shirts, affiches et portraits à l’effigie de Sanogo
Les partisans de Sanogo étaient mobilisés à Sikasso avec des tee-shirts, affiches et portraits à l’effigie de l’ancien Président du CNDRE. Ils faisaient de longues queues pour accéder à la salle. Après la suspension des travaux, une Toyota a transporté le portrait géant du général Sanogo vers le centre-ville.
L’appel à la dignité du Procureur général
« Les faits reprochés aux accusés ayant indubitablement impacté sur la vie de la nation et endeuillé bien de familles, ont laissé des plaies dont le pansement requiert en dépit des rancœurs certaines nées, beaucoup de recul par rapport aux événements et à la passion », a souligné le Procureur général près la cour d’Appel de Bamako, Mamadou Lamine Coulibaly dans son réquisitoire d’ouverture. « Il a été tantôt par nos soins allusion au rôle historique joué par les accusés pour souligner qu’au delà des règles de procédure classiques, l’enjeu de la présente affaire aux plans national et international commande que les mises en cause en appellent à leur sens élevé de la dignité inhérente aux fonctions jadis exercées », a-t-il lancé.
Des accusés VIP !
Au moins trois des 17 accusés sont logés au pied-à-terre de Sikasso. Il s’agit des généraux Amadou Haya Sanogo, Yamoussa Camara et Ibrahima Dahirou Dembélé. C’est à bord d’un véhicule V8 de couleur grise immatriculée AN 7454 MD que le Général a été conduit au lieu du procès. A côté du chauffeur, un élément du PIGN cagoulé est assis. Les généraux Yamoussa Camara et Ibrahima Dahirou Dembélé étaient dans un autre V8 de couleur blanche. Les autres accusés sont venus à bord d’un minicar.
Une présentation qui agace la Cour
Avant de donner la parole à la greffière pour la lecture de l’arrêt de renvoi, le Président Berthé procède à l’identification des accusés. Il les appelle un à un en demandant à chacun de décliner son identité. La troisième personne à être appelée est Amadou Haya Sanogo. Né en 1972 à Ségou de ……. Je suis général de corps d’armée. Je suis ancien chef d’Etat, domicilié à l’ex-base aérienne. Ces mots de Sanogo sont suivis d’un tonnerre d’applaudissements de ses partisans dans la salle, perturbant ainsi la sérénité des débats pendant quelques minutes. « Nous ne sommes pas dans une salle de spectacle. Nous sommes en audience. Il n’y a ni acte d’approbation, ni de désapprobation. S’il y a des actes de ce genre, je ferais vider la salle. J’insiste là-dessus. Vous pouvez compter sur moi », a lancé le président de la Cour. Le ministère public, Mohamed Maouloub Najim, prend la parole et fait savoir que ce n’est pas un général qui comparait devant la Cour mais un citoyen qui répond d’une infraction. Cette réaction du parquetier provoque la réaction de Me Cheick Oumar Konaré, l’un des avocats de Sanogo qui déclare que son client demeure bel et bien un général. Selon lui, le décret qui a nommé Sanogo n’a jamais été abrogé.
Huit avocats pour les 21 victimes, la FIDH et l’AMDH partie civile
Huit avocats dont trois étrangers assistent les familles des 21 bérets rouges enlevés et exécutés. Il s’agit de Mes Moctar Mariko, Hamidou Diabaté, Waly Diawara, Mamadou Diarra et Arouna Coulibaly, du Barreau du Mali, Assane Dioma N’Diaye du Barreau du Sénégal, Clémence Bectarte du Barreau de Paris et Yacouba Doumbia du Barreau de la Côte-d’Ivoire. Six de ces huit étaient à l’audience d’ouverture, deux en l’occurrence Hamidou Diabaté et Yacouba Doumbia, sont attendus à Sikasso.
CD
Ouverture du procès de l’affaire dite des bérets rouges à Sikasso : De hautes personnalités citées comme témoins
Les avocats de la défense ont jeté un grand pavé dans la marre en remettant au Président de la Cour d’Assises une liste de témoins à entendre dont des personnalités comme Chérif Ousmane Madani Haïdara, Dioncounda Traoré, Col Diamou Kéïta, Col-major Ibrahim Fané, Gal Didier Dacko, Gal Oumar Daou.
Les travaux de la session supplémentaire de la Cour d’assises de Bamako transportée à Sikasso ont commencé, hier mercredi 30 novembre, dans la salle Lamissa Bengaly sous la présidence du premier Président de la Cour d’Appel de Bamako, Mahamadou Berthé. A l’ouverture de l’audience, les avocats de la défense, par l’intermédiaire de Me Tiéssolo Konaré, ont remis une liste de témoins au Président de la Cour. Sans tarder, le Président Berthé a procédé à la lecture de cette liste. En tête, on note le nom de Ousmane Chérif Madani Haïdara, leader religieux et guide spirituel de l’association Ansardine, Pr Dioncounda Traoré, ancien Président de la République, Col Diamou Kéïta, ambassadeur du Mali en Angola et ancien Directeur général de la gendarmerie, les Généraux Didier Dacko et Oumar Daou dit Barou respectivement Chef d’Etat-major général des armées et chef d’Etat-major particulier du Président de la République, Col-major Ibrahim Fané, ancien chef d’Etat-major de l’armée de terre. Sur la liste, on retrouve les noms d’autres militaires comme Col-major Eloi Togo, Col Ladji Moussa Diakité, Col Yacouba Traoré, Lieutenant Colonel Youssouf O. Traoré, Col Adama Diarra, Col Félix Diallo, Commandant Jacques Koné, Col Abderhamane Doumbia et Col Boubacar Kéïta.
Me Moctar Mariko, l’un des avocats de la partie civile, signale au Président de l’audience qu’il dispose d’une autre liste de témoins de la défense différente de celle-ci. Selon Me Moctar Mariko, la liste qui vient d’être lue n’a été remise à personne et il met en avant les dispositions légales de transmission de la liste des témoins. Me Tiéssolo Konaré réplique que cette liste a été notifiée au Parquet et à la partie civile. Le Président fouille dans le tas de dossiers devant lui et en sort deux procès-verbaux de notification de la liste. Le premier procès-verbal, selon la lecture du Président, indique que la liste a été notifiée, le 29 novembre à 10 heures, à une certaine Mme Keïta au Secrétariat général des défenseurs. Le second PV fait ressortir une notification au Secrétariat général du Parquet, le 23 novembre sans mentionner le nom de la personne qui a réceptionné le courrier. Me Mariko persiste et signe : « Aucune personne n’a reçu cette liste ». L’Avocat général près la Cour d’appel de Bamako Mohamed Maouloud Najim, qui occupe le banc du ministère public, ne pipe mot et reste imperturbable.
Apparemment, constate le Président Mahamadou Berthé, aucun témoin ne répond à l’appel. Il cherche dans ses dossiers quelques citations de témoins avant de poursuivre l’audience.
Au cours d’un point de presse animé par les avocats de la partie civile juste après la suspension de la séance, Me Assane Dioma N’Diaye, avocat au Barreau du Sénégal, a estimé que la défense n’a pas respecté le délai requis par la législation en vigueur pour citer ses témoins.
Chiaka Doumbia *envoyé spécial à Sikasso*