La Brigade du Pôle national économique et financier a placé en garde à vue mercredi dernier (7 février 2024) 11 hauts cadres du secteur de la Santé pour atteinte aux biens publics, faux et usage de faux et complicité… Parmi eux, figurent 9 Directeurs (actuels et anciens) des hôpitaux et d’autres structures sanitaires du pays. Mais, selon de nombreux observateurs, il s’agit du menu fretin et les gros poissons sont pour le moment épargnés par le filet de la justice.
Boureïma Mamadou Diarra (ancien régisseur spécial auprès du Ministère des maliens de l’extérieur) ; Akory Ag Iknane (ancien DG de l’INSP) ; Ousmane Attaher (ancien DG de l’Hôpital du Mali) ; Abdoulaye Sanogo (DG du CHU Gabriel Touré), Ilo Bella Diall (ancien DG du CHU Point G) ; Mounirou Baby (DG du Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose) ; Ousmane Faye (DG, Hôpital de dermatologie) ; Almoustapha Ouattara (ancien DG/Hôpital de Kati) ; Moussa Coulibaly (ancien DG/Hôpital de Ségou) ; Dade Ben Sidi Ben Bouillé Haïdara (DG/Hôpital de Sikasso) et Nathan Sogoba (comptable matières/Hôpital de Sikasso). Ce sont les cadres du secteur de la Santé qui ont été interpellés mercredi dernier (7 février 2024) par la Brigade du Pôle national économique et financier. Ils sont soupçonnés d’atteinte aux biens publics, faux et usage de faux et complicité…
Les faits qui leur sont reprochés sont liés à la gestion des fonds Covid-19. Ainsi, au moins 35 milliards desdits fonds se sont évaporés ou se seraient noyés dans des comptes privés en banque. Aux dernières nouvelles, certains des responsables arrêtés auraient été remis en liberté (provisoire) après avoir remboursé les montants qui leur sont reprochés. Toujours est-il que, pour de nombreux observateurs, les personnes placées en garde à vue mercredi dernier ne représentent que du menu fretin par rapport à l’ampleur de la gestion scandaleuse des fonds dits «Covid-19» qu’ils qualifient de «vrai festival de brigands». Selon eux, il reste toujours des gros poissons qui nagent encore paisiblement.
Ils indexent ainsi la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) pour 10 milliards de F Cfa ; la Direction générale du Fonds de garantie du secteur privé pour 6 milliards de F Cfa ; la Coordination du Projet Jigisemejiri pour 30 milliards de F Cfa ; des ministres de l’Économie et des Finances ainsi que de l’Industrie et du Commerce pour 2 milliards de F Cfa ; un régisseur d’avances du ministère de la Sécurité et de la Protection civile pour 55 millions de F Cfa ; EDM SA pour 760 millions de F Cfa ; un Directeur administratif et financier (DAF) et un Régisseur Spécial d’avances de la Primature pour 200 millions de F Cfa ; des Agents des impôts pour 27 millions de F Cfa ; un PDG de l’OPAM pour 20 millions de F Cfa ; des Médecins chef des CSRéf des Communes I, II, III, IV, V et VI pour 29 millions de F Cfa ; le CSRéf de Kita pour 800 000 ; une Directrice régionale de la Santé pour 15 millions de F Cfa, un Directeur général de l’hôpital de Mopti pour 24 millions de F Cfa ; des Directeurs Régionaux de la Santé de Tombouctou et de Kidal pour 74 millions de F Cfa…
Au décompte, on est très loin des 35 milliards de F Cfa évoqués plus haut. Ces gros poissons vont-ils longtemps échapper au filet de la justice ? On se rappelle que, déjà en 2021, trois responsables de la CCIM (le président Youssouf Bathily, le secrétaire général Cheick Oumar Camara et le comptable, Lamine Sacko) ont été inculpés et écroués pour «atteinte aux biens publics». Une affaire en lien avec la gestion du fonds anti-Covid-19 d’environ 15 millions d’euros, soit près de 32 793 312 425 F Cfa.
A noter aussi que l’exercice 2020 de la gestion des ressources de l’Etat utilisées dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 avait fait l’objet d’une mission de vérification par le Bureau du Vérificateur général (BVG). Ce qui avait mis en évidence des irrégularités administratives et surtout financières. Des irrégularités administratives relevant notamment des dysfonctionnements du système de contrôle interne. Le montant total des irrégularités financières identifiées par cette mission de vérification s’élevait à 50 733 274 104 F Cfa.
En réponse à la pandémie du Covid-19, le Mali a adopté son premier plan gouvernemental de préparation et de riposte le 4 mars 2020 avec un financement de 3,3 milliards de F Cfa. Celui-ci a connu une première révision le 10 mars 2020 pour être porté à 5,1 milliards de F Cfa. Mais, au-delà de ce plan de riposte, le gouvernement a aussi initié un ensemble de mesures destinées à atténuer les impacts socioéconomiques de la pandémie estimés à un montant révisable de 500 milliards de F Cfa. Ce qui l’avait contraint à des emprunts auprès de la Banque islamique du développement (BID) et d’autres institutions financières.
Sans compter que les Partenaires techniques et financiers (PTF) ont également pris des initiatives visant à soutenir les plans du gouvernement en activant leurs propres plans ou mécanismes spéciaux d’appuis multidimensionnels à la gestion de la riposte ainsi que la phase de relèvement post-pandémie. Ainsi, pour soutenir ces efforts, la redevabilité des acteurs a été retenue comme un facteur déterminant dans la bonne gouvernance des structures chargées de la gestion des fonds COVID-19. Malheureusement, de nombreux responsables d’Afrique subsaharienne sont soupçonnés de détournements ou de mauvaises gestions des fonds consacrés à la lutte contre la pandémie de Covid-19, notamment au Cameroun, en Guinée, en Afrique du Sud… et au Mali !
Moussa Bolly