Convaincu que la saine distribution de la justice est le socle de l’autorité d’un Etat, le ministre de la justice Malick Coulibaly a initié une rencontre avec l’ensemble des acteurs et collaborateurs de son département afin de poser un diagnostic précis des dysfonctionnements et d’y apporter des réponses adéquates.
Cette initiative est fortement opportune et se justifie par le climat d’impunité et de laisser-aller qui caractérise le quotidien du pays depuis fort longtemps. Mieux vaut tard que jamais, dit-on. Le « sangalama » Malick Coulibaly vient enfin de toucher une préoccupation majeure de la population majoritairement victime des dérives liées aux comportements des responsables chargés de la distribution de la justice dans notre pays.
Au-delà de la famille judicaire, la mauvaise distribution de la justice se rencontre à tous les niveaux de l’administration publique. Parodie de justice, abus de pouvoir, violation de droits et libertés individuelles, détentions arbitraires… se sont érigées en mode de gouvernance dans notre pays depuis plusieurs décennies malgré les déclarations politiques et les promesses de sanctions brandies par les autorités successives.
Le ministre Malick réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont échoués ? Seul l’avenir détient cette réponse, cependant il ne manque pas d’atouts pour susciter l’espoir. Connu pour sa rigueur et sa droiture symbolisée par son titre d’agent le plus propre de l’Etat décerné par un organisme indépendant de la société civile, le ministre de la justice a de quoi faire rêver sur un éventuel rétablissement à brève échéance de la justice dans son ensemble malgré les nombreux obstacles qui jonchent le parcours. Pour révéler les défis, il aura besoin en plus de ses atouts, le soutien effectif de son employeur et la coopération de tous les collaborateurs. Ce qui à n’en pas douter, n’est pas gagné d’office au regard de l’ampleur de la corruption et surtout de la collusion d’intérêts qui constituent des obstacles majeures à tout effort de redressement de la justice au sens le plus large du mot.
L’une des plus grandes déceptions de l’ère démocratique dans notre pays est la justice qui peine à quitter le statut de justice aux ordres. Malgré l’autosatisfaction affichée par les responsables de l’institution, la justice malienne a du chemin à faire encore pour répondre aux attentes. Aujourd’hui, l’on constate que la population, majoritairement a beaucoup plus peur des hommes et des femmes chargés de la distribution de la justice que de la justice elle-même. A cet effet, chaque Malien a une anecdote à raconter. Au Mali, les hommes se sont substitués aux services qu’ils sont censés représenter. « Au lieu du service, on dit aux usagers d’aller voir un tel ». Ces propos émanant d’un imminent juriste et non moindre ancien ministre de son état, traduit l’ampleur de la tâche qui attend l’actuel ministre de la justice dont les adversaires se comptent d’office par dizaine de milliers d’autant plus que la majorité des administrateurs de la justice sont beaucoup plus sensible à l’argent facile. Entre magistrats corrompus, officiers de police judiciaire désinvoltes, politiciens véreux et opérateurs économiques crapules, le ministre Malick Coulibaly aura certainement besoin de la baraka de tout un peuple assoiffé de justice.
Bouba Sankaré