Le chef de l’État assure qu’il mesure l’ampleur du chemin à parcourir pour aboutir à une justice accessible et équitable. Le colonel Assimi Goïta se dit conscient aussi de l’urgence d’agir.
«Une justice plus proche du citoyen : problématique de la bonne distribution de la justice», c’est le thème de l’audience solennelle de la Rentrée des cours et tribunaux 2022-2023 tenue hier à la Cour suprême sous la présidence du chef de l’Etat, le colonel Assimi Goïta.
C’était en présence du Premier ministre par intérim, le colonel Abdoulaye Maïga, du président du Conseil national de Transition, le colonel Malick Diaw, des chefs des institutions de la République.
Dans son intervention, le président de la Cour suprême a souligné que le citoyen ne se sent vraiment proche de sa justice que quand celle-ci est bien distribuée. Selon lui, dans notre pays, le constat est que le citoyen ne se sent pas vraiment proche de sa justice, qu’il ne comprend d’ailleurs pas pour des raisons diverses.
Parlant des obstacles à l’accès à la bonne distribution de la justice, Fatoma Thèra a cité l’éloignement des juridictions, leur insuffisance, le manque de ressources humaines, la lenteur, l’insécurité.
Il a évoqué aussi la faiblesse du budget alloué à la justice, le coût élevé pour le citoyen, le phénomène de la corruption, le déficit législatif en matière de protection du genre, des témoins et des victimes.
En outre, le président de la Cour suprême a pointé du doigt les barrières linguistiques et socio-culturelles, la non diffusion du droit, la non maîtrise de certaines lois et procédures cruciales par les acteurs de la justice et l’inintelligibilité de certaines décisions. Fatoma Thèra a profité de cette audience solennelle pour présenter le bilan statistique des activités de la Cour suprême au cours de l’année 2022.
Il a révélé à ce propos que le Parquet général de la Cour a reçu 664 dossiers dont 102 affaires en matière pénale et 562 affaires en matière civile, commerciale et sociale. Il en a réglé 620 dont 91 réquisitoires en matière pénale et 529 avis et conclusions en matière civile, commerciale et sociale.
NOMBREUX OBSTACLES- Dans sa communication, le rapporteur du thème, Aboubacar Guissé a souligné que la notion de bonne distribution implique un service public de la justice garantissant l’accès facile à la justice, la célérité, la stabilité et la prévisibilité de la jurisprudence. Selon lui, de nombreux obstacles entravent la bonne distribution de la justice. Lesquels obstacles sont en lien avec l’accès à la justice et la compréhension même de la justice par le citoyen.
Pour lui, l’accès à la justice est la possibilité pour un citoyen de porter une affaire devant une juridiction pour faire valoir ses droits reconnus pour demander réparation lorsque ces derniers ont été violés.
Aboubacar Guissé déplore que dans l’exercice de ce droit fondamental, le citoyen se trouve confronté à des difficultés de diverses natures, notamment, l’éloignement des juridictions, le nombre réduit des juridictions, du personnel judiciaire, la lenteur, l’insécurité, le coût élevé pour le citoyen, la faiblesse du budget alloué à la justice, la corruption, etc…
Le procureur général de la Cour suprême, Mamoudou Timbo, a exprimé, dans son réquisitoire, son enthousiasme pour le thème choisi pour cette Rentrée des cours et tribunaux.
Selon lui, c’est un thème très symbolique et significatif de la volonté du bureau de la Cour suprême de positionner celle-ci à l’avant-garde du combat pour la réforme de notre justice. Laquelle réforme est appelée à être une réalité irréversible pour être en phase avec le peuple au nom duquel, la justice est rendue.
NÉCESSITÉ DE LA RÉFORME- Dans sa plaidoirie, le Bâtonnier intérimaire de l’Ordre des avocats a indiqué que la rentrée judiciaire demeure une grande journée d’évaluation, d’introspection, de questionnements et d’interrogations quant à la pratique de tous les acteurs de la justice.
Pour Me Ousmane B. Traoré, la refondation pour laquelle les autorités de la Transition et l’ensemble du peuple malien ont opté, induit fondamentalement la problématique d’une justice vertueuse, plus proche du citoyen, d’une « justice juste ».
Pour le Bâtonnier, la famille judiciaire qui constitue la clé de voute de la distribution saine de la justice se doit d’être à hauteur de souhait. D’après lui, l’impunité a fait le lit de beaucoup trop d’injustice dans notre pays. Et cela doit cesser. C’est pourquoi, il a souligné que chaque corps se doit de châtier avec la dernière rigueur, les manquements de ses membres de façon implacable et sans état d’âme.
Dans son discours d’ouverture, le président de la Transition a indiqué que la justice malienne est souvent confrontée à des défis d’accès et d’incompréhension de ses décisions. D’où la nécessité d’une réforme qui aura pour finalité de revaloriser notre système judiciaire.
En sa qualité de garant constitutionnel de l’indépendance du pouvoir judiciaire, le colonel Assimi Goïta a assuré qu’il mesure toute l’ampleur des défis liés à la bonne distribution de la justice et l’urgente nécessité de les relever. Il a rappelé que face à la soif de justice du peuple malien, les discours ne sauraient suffire. Il a promis la poursuite de la réforme déjà entamée dans le secteur de la justice.
Le président du Conseil supérieur de la magistrature a annoncé que des mesures sont déjà en cours notamment l’augmentation progressive du budget alloué à la justice et d’un meilleur traitement salarial des acteurs de la justice.
Il a cité aussi l’adoption de législations appropriées allant dans le sens de la bonne distribution de la justice. Il a assuré que l’évolution des ressources financières allouées à la justice ira crescendo.
Ces ressources sont passées de 1,25% du budget national en 2019 à 1,37%. Pour le chef de l’état, l’augmentation progressive du budget de la justice permettra à moyen termes de rendre opérationnelles plus de juridictions déjà créées par la loi de 2011, de recruter plus de personnel judiciaire, de rendre plus diligente la justice malienne. La signature du plumitif de l’audience par le chef de l’état a mis fin à cette cérémonie.
Par Dieudonné DIAMA