Depuis l’amorce de la «rectification» de la transition suite aux événements du 24 mai 2021 (arrestation du président Bah N’Daw et du Premier ministre Moctar Ouane contraints par la suite à la démission) et la nomination de Mamoudou Kassogué comme premier responsable du Département, la justice malienne ne cesse de nous envoyer des signaux encourageants de sa rédemption.
Des enquêtes ouvertes ; des présumés pratiquants d’actes portant atteinte aux mœurs du pays interpellés ; des mandats de dépôts émis contre certaines personnes qui se croyaient jusque ici au-dessus de la loi… Les actes posés par le courageux procureur auprès du Tribunal de grande instance (TGI) de la commune IV du district de Bamako commencent à redonner foi aux Maliens en leur justice.
Sans céder au populisme, Idrissa Hamidou Touré ne cesse de s’illustrer par des actes que les Maliens attendaient jusque-là en vain de leur justice. En dehors des «gros poissons» comme Ras Bath, Diaba Sora, l’artiste Oumou Diarra et ses copines lesbiennes, même le menu fretin commence à se tenir à carreau. «Après de sérieux avertissements par le biais du 5e Arrondissement, le Procureur a récemment déféré un jeune délinquant de Lafiabougou à la Maison centrale d’arrêt de Bamako. Il fait partie d’un groupe qui agressait nuitamment les gens vers le terrain municipal situé sur la route de l’AMALDEME (Association Malienne de lutte contre les Déficiences Mentales chez l’enfant). Mais, depuis que l’un d’entre eux a été déféré, le groupe est aux abois et on n’entend presque plus parler d’eux», nous confie un jeune enseignant de ce quartier.
L’impact du dévouement du procureur Idrissa. H. Touré à son devoir se ressent au niveau de la violence verbale sur les réseaux sociaux. «On ne peut laisser s’installer la chienlit dans le cyberespace malien», avait-il averti dans un entretien récemment accordé au quotidien national, «L’Essor». Et de poursuivre, «l’avènement du cyberespace a été une excellente chose. Seulement, l’usage des différents systèmes d’information et de communication notamment les réseaux sociaux (Facebook, Messenger, WhatsApp, Snapchat, Telegram, Twitter, Imo …) est devenu abusif au Mali et destructeur de nos valeurs sociales et de notre démocratie. L’usage qui en est fait actuellement est un mauvais emploi de la liberté d’expression».
Et le magistrat de rappeler, «le cyberespace étant par nature un monde qui se veut insaisissable du droit, les pouvoirs publics ont entrepris de le réguler tant bien que mal via la loi sur la cybercriminalité et bien avant, divers textes sur les TICS et la poste mais aussi les données à caractère personnel…».
Une salvatrice mission de régulation des comportements sociaux
Pour ce magistrat engagé sur le chemin de la rédemption de la justice malienne, leur rôle est «celui de régulation des comportements sociaux de manière à rappeler constamment aux uns et aux autres que nous vivons dans une société civilisée ; que nous avions des règles auxquelles nous avions librement souscrit et que l’on doit respecter à l’impératif».
«Le procureur du tribunal de la commune IV, mérite tout notre soutien pour le combat implacable et noble qu’il mène. En effet, ce magistrat valeureux et patriote est en train de secouer vigoureusement le cocotier par dessus la tête des énergumènes qui écument la toile, des individus de mœurs légères ou aux comportements répréhensibles qui sont légion dans notre société», s’est récemment réjoui Moussa Camara, un jeune confrère qui s’illustre de nos jours dans la communication. Pour lui, «Idrissa Touré fait aujourd’hui honneur à la basoche. Pourvu que son œuvre fasse des émules» !
En dehors du courage du procureur du TGI de la commune IV, d’autres signaux de la rédemption de notre justice sont perceptibles ces derniers temps. Ainsi, le non lieu dont l’ex Premier ministre Boubou Cissé et ses co-accusés ont bénéficié à la Cour suprême dans l’affaire dite de «déstabilisation de la transition et de complot contre le gouvernement», découle sans doute de la volonté affichée du judiciaire de s’affranchir du politique. Tout comme le mandat d’arrêt international lancé contre Karim Kéita la semaine dernière dans l’enquête sur la disparition de notre confrère Birama Touré depuis janvier 2016. La «notice rouge» (réfutée par certains confrères, mais confirmée de sources judiciaires et par la représentation d’Interpol à Bamako) a d’ailleurs été émise à la demande du juge d’instruction du tribunal de grande instance de la commune IV de Bamako. Et la nomination de Mamoudou Kassogué au ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des sceaux, est interprétée par de nombreux observateurs comme une prise de conscience des décideurs du fait qu’il n’y aura pas de refondation de l’Etat malien sans rédemption de la justice.
«Nous sommes attendus sur la mise en place d’une politique pénale qui répond aux aspirations des populations… Nous pouvons l’imprimer chaque jour à travers nos actes», déclaré le ministre Kassogué lors de sa prise de contact avec la Cour d’appel de Bamako le 1er juillet dernier. Il a ainsi sollicité ses interlocuteurs à faire des propositions sur des actions urgentes à impact rapide à mettre en oeuvre pour changer l’image de la justice.
«La soif de justice est une réalité dans notre pays. C’est à travers un engagement et une mobilisation de chaque acteur, à quelque niveau de responsabilité qu’il soit, que nous pouvons inverser la tendance», avait déjà annoncé la couleur Mamoudou Kassogué à sa prise de fonction le 15 juin 2021. «Nous avons les ressources humaines sur lesquelles nous pouvons compter pour assurer une meilleure distribution de la justice dans notre pays, gage de la paix et la cohésion sociale. C’est à cela que je voulais vous inviter, chers collaborateurs, chers collègues magistrats…», avait poursuivi le Garde des sceaux.
Combattre sans réserve l’injustice et l’impunité pour rehausser l’image de la Justice
Et pour la circonstance il s’est engagé à être particulièrement attentif à «la gestion des ressources publiques afin de renforcer, dans notre secteur, la gouvernance en mettant l’accent sur l’exemplarité et l’utilisation judicieuse des biens publics». Comme le disait le procureur Idrissa Hamidou Touré dans le récent entretien accordé à «L’Essor», il est plus que jamais nécessaire de nos jours de rigoureusement combattre l’injustice et l’impunité pour «maintenir ou ramener la confiance quelque peu légitimement ébranlée du peuple dans son appareil judiciaire».
Et de rappeler que «la justice est humaine, résolument humaine, donc faillible. Elle peut se tromper et le reconnaître honorablement, s’amender et poursuivre son périlleux et ingrat rôle social de dire qui a tort et qui a raison…». Notre conviction est que si tout le monde est conscient qu’il peut répondre de ses actes en toute impartialité et conformément aux principes de l’Etat de droits, beaucoup de personnes vont réfléchir par deux fois avant d’agir.
Le renouveau de la justice malienne n’est pas l’affaire des seuls magistrats ou du seul département de tutelle, mais de chaque Malien et de chaque Malienne. Chacun doit donc jouer sa partition pour aider les acteurs à instaurer cette Justice sans géométrie variable indispensable à l’émergence de ce Mali Kura (Mali nouveau) dont il est question dans tous les discours et dans presque toutes les causeries.
Tout comme la sincérité de la perceptible rédemption et la crédibilité des actions en cours exigent qu’il n’y ait pas aussi de sélectivité dans les dossiers. Donc nous attendons que la justice se prononce pare exemple sur la résidence surveillée imposée à Bah N’Daw et Moctar et à leurs épouses en violation de leurs droits puisque, jusqu’à preuve du contraire, rien ne leur a été officiellement reproché à ce jour.
Moussa Bolly