L’année 2014 a été une « année terrible ». C’est en ces termes que Salil Shetty, le directeur général d’Amnesty International préface le rapport 2014/2015. Selon le rapport, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, le monde compte plus de 50 millions de personnes déplacées. «2014 s’est révélée catastrophique pour des millions de personnes en proie aux violences. Les dirigeants politiques se sont montrés incapables de protéger les personnes qui en ont le plus besoin », épingle le rapport. Mais l’ONG Amnesty International demeure convaincue que cette situation peut et devra changer.
Pour le cas spécifique du Mali, le rapport est accablant et épingle à la fois les groupes armés pour leurs exactions commises dans le nord et l’Etat sur la gestion de la crise, notamment sur le cas des détenus morts en prison. Le rapport indique que le conflit armé intérieur continuait de créer un climat d’insécurité persistante, en particulier dans le nord du pays. « Des groupes armés se sont rendus coupables d’exactions, notamment d’enlèvements et d’homicides. Les autorités ont tardé à prendre des mesures à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir commis des atteintes aux droits humains pendant le conflit », souligne le rapport.
Les exactions perpétrées par des groupes armés mises à nues
Tout en saluant l’ouverture d’une enquête par les autorités françaises et maliennes sur les homicides de Ghislaine Dupont et Claude Verlon à Kidal en novembre 2013, Amnesty International dénonce plusieurs autres exactions commises par les groupes armés dans le nord du Mali. Il s’agit notamment, des cinq employés Maliens du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui ont été pris en otage en février et détenus jusqu’en avril, dont les enlèvements ont été revendiqués par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Le rapport fait ressortir également le cas des tueries de Kidal suite à la visite de Moussa Mara. « En mai, des membres de groupes armés ont tué délibérément huit civils maliens de sexe masculin, dont six représentants du gouvernement, au bureau du gouverneur de Kidal, dans le nord du Mali. Ils ont aussi pris 30 personnes en otage, notamment des fonctionnaires travaillant au bureau du gouverneur, et en ont battu certaines. Les otages ont été libérés au troisième jour de leur captivité, à l’issue de négociations avec les forces de maintien de la paix de l’ONU », accable le rapport.
Aussi, le cas des cinq hommes touaregs qui ont été enlevés par un groupe armé sur le marché de Zouéra, une ville située à 80 kilomètres au nord de Tombouctou. Quatre ont été libérés quelques jours plus tard mais Hama Ag Sidi Ahmed a été décapité. Sa tête a été retrouvée suspendue sur la place du marché et son corps a été découvert sous un arbre du centre-ville. Trois membres d’une même famille auraient été enlevés en décembre près de Ménaka.
L’Etat également épinglé
Le rapport dévoile qu’au moins sept personnes arrêtées dans le cadre du conflit sont mortes en détention entre janvier 2012 et fin 2014. Au moins deux d’entre elles sont décédées à Bamako en 2014, faute de soins médicaux : Mohamed Ag Sana en mars et Ismagel Ag Achkou en mai.
Sur la question de l’impunité AI accuse les autorités d’avoir tardé de traduire en justice les responsables présumés d’atteintes aux droits humains commises pendant le conflit. Certaines affaires, notamment celle des 11 hommes disparus à Tombouctou en février 2013, n’avaient encore fait l’objet d’aucune enquête.
Sur la peine de mort, le rapport indique que bien qu’aucune exécution n’ait eu lieu au Mali depuis plusieurs décennies, des condamnations à mort continuaient d’y être prononcées. Il s’agit nommément des cas de Bassidiki Touré, Souleymane Diarra, Soumaila Dembélé et Almamy Traoré condamnés à mort pour vol qualifié et complicité lors des dernières sessions d’assises. Le cas de Sounkodjan Diarra condamné à mort pour assassinat.
Quant aux droits des enfants, le rapport dénonce que des mineurs accusés d’appartenir à des groupes armés impliqués dans le conflit ont fait l’objet d’incarcération parmi les adultes, lesquels étaient privés de tout contact avec leur famille et leur avocat. Que durant le premier semestre 2014, au moins sept mineurs étaient détenus avec des adultes à Bamako sans mesures de protection adéquates. La plupart d’entre eux seraient inculpés d’appartenance à des groupes armés et de possession illégale d’armes à feu et de munitions. Quatre ont été relâchés en août mais d’autres ont été maintenus en détention.
Cependant, Amnesty International salue certains progrès réalisés par les autorités de Bamako. Il s’agit des poursuites judiciaires engagées dans l’affaire des bérets rouges. « Au total, 28 personnes ont été arrêtées en 2014, parmi lesquelles le Général Amadou Sanogo, chef de la junte militaire qui a dirigé le Mali pendant une partie de l’année 2012, inculpées de meurtre et de complicité d’enlèvement ».
Daniel KOURIBA