Procès du 1er jihadiste écroué par la CPI : Le désintérêt de l’Etat malien décrié

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Même si l’on souhaite voir à la barre l’ensemble des auteurs de l’insurrection jihadiste, à Tombouctou, l’on se satisfait déjà de la tenue du procès d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi à la CPI. Une procédure judiciaire qui s’ouvre sans l’intervention directe de l’Etat malien.

 

Alors que le monde entier se mobilise pour apporter un soutien au procès du suspect, le Touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi,  1er jihadiste écroué par la CPI pour crimes de guerre, l’Etat malien observe un désintérêt total. Ouvert depuis le mardi, ce procès est soutenu au Mali par les associations de droits de l’Homme. L’accusation dont il est question s’adresse à ce chef d’Ançar Eddine, allié d’Aqmi.

La quarantaine révolue, Al Faqi Al Mahdi s’est rendu coupable de crimes de guerre avec la destruction des neuf mausolées dont la plus importante mosquée de la Cité des 333 Saints, Sidi Yahia.

Les faits se sont déroulés entre le 30 juin et le 10 juillet 2012 dans la ville de Tombouctou. L’arrestation de ce jihadiste a été rendu possible grâce au concours du Niger où il avait été détenu pendant un bon moment. Et la pression exercée par l’Unesco a été le déclic pour son transfèrement à la Cour pénale internationale.

Dans son pays d’origine le Mali où il a été l’une des têtes pensantes de l’insurrection jihadiste dans le Nord, c’est un silence radio. Pendant  qu’à Tombouctou où il a commis les crimes de guerre, la communauté religieuse se remet petit à petit du choc lié à la destruction des édifices cultuels par les jihadistes.

Ici, la crainte de voir les islamistes revenir, hante toujours les esprits et l’on est convaincu que sur le plan sécuritaire, l’armée malienne n’a pas occupé totalement le terrain. Idem pour la Minusma qui n’agit pas. D’où la recrudescence des attaques armées dans la région. De ce fait, des inquiétudes sont perceptibles, car les jihadistes peuvent se reconstituer pour revenir. Surtout depuis que l’Unesco a reconstruit l’essentiel des mausolées détruits.

A Tombouctou, toucher à un mausolée, c’est porter atteinte à la vie spirituelle de l’homme. Quand on s’attaque à la mosquée de Sankoré ou au mausolée de Sidi Mahmoud, on provoque un choc chez les habitants. Et c’est ce que le procureur de la CPI, Fatou Bensouda a réitéré dans son accusation mardi dernier contre Ahmad Al Faqi Al Mahdi.

 

Mettre fin aux ressentiments

Dans la cité religieuse de Tombouctou, Sidi Mahmoud est considéré comme le “saint des saints”. Et parmi  les 16 mausolées classés par l’Unesco patrimoines culturels, celui de Sidi Mahmoud demeure le n°1. Durant le “règne” des jihadistes, les parties de la mosquée de Sankoré où sont enterrés même des personnalités ont été profanés.

Dans la Cité des 333 Saints, on pense vraiment que ce sont des ignorants qui se sont attaqués aux mausolées. Ici, on se satisfait du fait que la communauté religieuse est en train de travailler avec l’équipe de l’Unesco pour reconstituer totalement le reste des mausolées.

“On doit faire justice, pas envers eux seulement, il y a d’abord l’Etat qui nous a abandonnés. Quand je dis l’Etat, il s’agit des autorités militaires, politiques et administratives”, estime la communauté religieuse de la ville. “Il faut que justice soit faite, parce que dans cette ville, il y a eu des pillages, des vols, des viols… Ceux qui ont volé, nous leur demandons tout simplement de restituer, car un bien mal acquis ne profite pas. Ils peuvent les restituer à l’imam ou au gouverneur”, suggère un imam que nous avons rencontré lors d’une enquête sur la destruction des édifices cultuels.

La prise en charge de ce dossier par la CPI est un soulagement dans la ville de Tombouctou où les destructions et les pillages des lieux de culte et de mausolées ont créé des chocs. Attribués aux Touarègues ou aux Arabes, ces exactions créent des ressentiments entre les populations que seul un jugement pourra atténuer.

Alpha Mahamane Cissé

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POURSUITE CONTRE LE JIHADISTE MALIEN AL-MAHDI

Les ONG dénoncent “une tentative de diversion”

Cinq mois après sa première comparution devant la Cour pénale internationale (CPI), Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi a été de nouveau entendu par la justice mardi 1er mars. L’islamiste, soupçonné d’avoir participé à la destruction des mausolées de Tombouctou, attend la confirmation ou non des charges qui pèsent contre lui. Ex-chef de la police islamique, il est le premier suspect arrêté dans l’enquête ouverte début 2013 portant sur les exactions commises par les groupes jihadistes dans le Nord du Mali.

 

Mais, alors que le gouvernement malien se félicite d’”un grand pas vers la justice”, les organisations de défense des droits de l’Homme dénoncent, elles, une tentative de diversion. “C’est de la poudre aux yeux. Le cas Ahmad Al-Faqi n’est que la partie visible de l’iceberg”, déplore Moussa Traoré, membre de l’Association malienne des droits de l’Homme, qui s’interroge sur le retard à l’allumage de la commission d’enquête internationale promise par l’accord d’Alger, signé en 2015 entre les autorités et les rebelles touaregs.

Le problème ne saurait être réglé à coups d’annonce, insistent les ONG maliennes, accusant le concept de justice transitionnelle derrière lequel s’abrite Bamako. Ce dispositif, mis en place par le gouvernement malien pour rendre justice aux victimes de la crise politico-sécuritaire de 2012, adjoint à la justice classique l’action d’une Commission justice, vérité et réconciliation. Un appareil trop lourd et peu efficace. Pour Mariam Cissé, une des nombreuses victimes de viol prises en charge par l’Association pour la protection des droits des femmes, “la réconciliation nationale passe inéluctablement par le règlement de ces questions”. “Les destructeurs d’édifices religieux et monuments historiques sont les mêmes qui ont violé, volé et tué”, assure-t-elle au Monde Afrique.

 

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