Les avocats de la défense et ceux des parties civiles ont suspendu leur participation au procès tant que leurs doléances ne seront pas prises en compte.
Le procès Amadou Haya Sanogo et autres, ouvert mercredi dernier à Sikasso, a du mal à progresser. Après une première suspension de vingt-quatre heures, l’audience a repris vendredi avant d’être à nouveau suspendue jusqu’à aujourd’hui. L’absence des avocats de la défense et ceux de la partie civile dans la salle en est la cause principale. En effet, les hommes en robe noire refusent de participer au procès tant que leurs doléances ne seront pas prises en compte. D’abord, ils exigent d’entrer en salle d’audience avec leurs téléphones portables qu’ils considèrent comme un outil de travail. Ensuite, ils demandent à avoir à leur disposition un secrétariat équipé sur le lieu du jugement leur permettant de travailler dans de bonnes conditions.
Les avocats des deux parties au procès ont ainsi fait front commun, obligeant le président de l’audience, Mahamadou Berthé, à suspendre le procès jusqu’à ce lundi, le temps pour qu’une solution soit trouvée à la satisfaction de tout le monde. En s’adressant à la presse, les avocats ont tenu à clarifier que leur action ne doit pas être considérée comme un refus de prendre part au procès. «Certes nous sommes dehors mais nous n’avons pas refusé d’entrer dans la salle. Nous avons demandé que les conditions de travail auxquelles nous avons droit soient remplies. Nous voulons qu’une salle équipée soit mise à notre disposition, avec ce qu’il faut comme si nous étions dans un cabinet pour travailler, lire, échanger. Cet espace ne nous a pas été accordé alors que nous l’avons demandé dès le début du procès. A l’ouverture, nous avons pu accéder à la salle avec nos smartphones qui sont des instruments de travail pour nous. Nous les utilisons pour consulter les lois, les règlements, les jurisprudences. Mais la Cour nous refuse aujourd’hui d’entrer en salle avec nos téléphones.
Voici ce qui explique notre absence dans la salle d’audience », a détaillé Me Harouna Toureh, porte-parole des avocats de la défense. Selon lui, la raison de sécurité évoquée par les organisateurs du procès pour refuser la présence des téléphones portables dans la salle n’est pas convaincante dans la mesure où la Cour a la possibilité de mettre en place des moyens technologiques pour vérifier que les téléphones portables ne constituent aucun danger. « Les avocats de la défense et ceux de la partie civile sont tous d’accord que tant que leurs conditions de travail ne sont pas remplies, ils ne pourront pas prendre part au procès », a déclaré Me Touré, ajoutant que ses collègues n’ont aucune intention de prendre en otage le procès. « Ceux qui refusent de nous mettre dans les conditions de travail sont ceux-là qui veulent prendre le procès en otage. Peut-être leur dessein, c’est d’éviter que le procès ait lieu. Ils savent très bien qu’en toute circonstance, on exigerait être dans les conditions de travail », a-t-il indiqué.
Même réaction du côté du porte-parole des avocats de la partie civile, Me Moctar Mariko qui sympathisait avec ses collègues de la défense, regroupés sous les arbres alignés à l’angle opposé de la salle Lamissa Bengaly où se déroule le procès. «On nous a imposé ici des conditions que nous trouvons anormales. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de suspendre notre participation à ce procès. Nous voulons travailler dans de bonnes conditions et pour le moment aucune disposition n’a été prise pour ça », a dit Me Moctar Mariko qui préside également l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH).
Lors d’une conférence de presse tenue vendredi, l’avocat général, Mohamed Maouloud Najim, a déclaré que le parquet est disposé au dialogue pour que le procès puisse se poursuivre en toute quiétude. Il a tenu à rappeler que dans le cadre des préparatifs de ce procès, un règlement intérieur a été adopté de commun accord et dans lequel il est indiqué que pour des raisons de sécurité, les téléphones portables seront interdits dans la salle d’audience. « Cette mesure s’applique à tout le monde, y compris au président de l’audience », a fait savoir Mohamed Maouloud Najim. Il a annoncé que deux stands, équipés d’ordinateurs connectés à Internet, seront installés au profit des avocats des accusés et de ceux des victimes.
«Le parquet général est soucieux de tenir un procès équitable, respectueux des normes internationales car c’est le monde entier qui nous regarde. Toutes les demandes formulées par les avocats ont été observées par le parquet général. Une fois de plus, nous sommes disposés au dialogue pour que la machine ne se grippe pas dès le départ», a indiqué l’avocat général.
Aussitôt après la suspension de l’audience, les partisans de Amadou Aya Sanogo se sont massés dans la rue pour demander sa libération immédiate. Certains ont essayé de se mettre devant le cortège qui transportait les accusés en leur lieu de détention. Ils ont été vite dispersés par les éléments des forces de l’ordre qui ont fait preuve de sans froid. Au deuxième jour du procès, il a été constaté que le nombre des gens venus soutenir l’ex chef de la junte a considérablement augmenté.
En effet, plusieurs militaires de Kati en civil ont fait le déplacement pour être présents au procès. « Nous avons enregistré beaucoup de militaires qui étaient en civil. Certains disent qu’ils sont venus de Kati », nous a confié un membre de l’équipe chargée de la distribution des badges d’accès à la salle. Avec la démonstration de force des partisans de Amadou Aya Sanogo du vendredi dernier, certains Sikassois que nous avons interrogés pensent que la sécurité doit être renforcée dans leur ville.
Envoyés spéciaux
M. KEITA
H. KOUYATé