Procès des 19 personnes dans le sillage de l’affaire Ras Bath : 18 personnes relaxées, une condamnée à six mois de prison avec sursis

0
Bamako : Au moins deux morts lors d’une protestation contre le jugement d’un animateur radio, des véhicules brûlés
Manifestation-pro-Ras-Bath

Le Tribunal de grande instance de la commune IV a rendu son verdict le jeudi dernier dans l’affaire des 19 personnes arrêtées lors de la manifestation de soutien à  Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath. A la suite d’un débat contradictoire, 18 personnes ont été reconnues non coupables et une a été condamnée à six mois de prison avec sursis.

Les 19 prévenus dont les noms suivent: Mahamadou Touré, Daouda Ballo, Bréhima Sidibé, Cheick Oumar Coulibaly, Bandjougou Keita, Fousseyni Fané, Moussa Keita, Souleymane Bouaré, Henri Coulibaly, Ibrahima Bouaré, Youssouf Sissoko,  Cheick Thiero,  Hamady Traoré, Alex Diassana, Moussa Keïta, Oumar Sidibé, Adama Diakhabi, Lamine Djiré, Sidiki Berthé et Abdoulaye Fofana (prévenu non détenu). Ils ont été interpellés le 17 août  dans le cadre de la manifestation de soutien à Mohamed Youssouf Bathily. Contre toute attente, cette manifestation de soutien  a dégénéré en un affrontement entre forces de l’ordre et manifestants,  causant la mort d’un manifestant et des dégâts matériels énormes au Tribunal de la commune IV. Ces dix neuf prévenus ont été jugés, le jeudi dernier, au Tribunal de la commune IV. Ils étaient accusés de troubles graves à l’ordre public, violence et voie de fait envers les dépositaires de l’autorité ou de force publique dans l’exercice de leur fonction. Le banc du ministère public, occupé par Mamadou Sidibé, a, dans son réquisitoire, affirmé que les prévenus ont pris part à un attroupement illicite qui a abouti au saccage du Tribunal de la commune IV. Partant, il a requis des peines allant de  trois (3) ans à six (6) mois à l’encontre des différents prévenus. A la barre, les prévenus n’ont pas reconnus les faits qui leur sont reprochés. Bréhima Sidibé, tailleur, a  expliqué qu’il a été arrêté par la police lorsqu’il accompagnait son grand-frère  chez un réparateur de téléphones. Cheick Oumar Coulibaly, Soudeur domicilié à Niamana,  affirme avoir été pris au moment où il se rendait dans un  laboratoire situé à Hamdallaye, avec un bulletin d’analyse de sang de son père hospitalisé à l’hôpital du poing G.  Daouda Ballo, chauffeur de taxi,  dit qu’il a été embarqué lorsqu’il était dans son véhicule. Et de soutenir qu’il a beau expliqué qu’il n’est pas au courant de cette affaire, le chef d’équipe a ordonné à ses éléments de faire le ratissage. Fousseyni Fané, gardien de nuit et réparateur de motos, a expliqué qu’il a été  mis aux arrêts sur son lieu de travail, situé juste derrière le marché contigu au Tribunal de la Commune IV. Selon lui, ils étaient au nombre de cinq personnes, l’une se serait expliquée et elle aurait été épargnée. «Ils nous ont embarqués sans nous donner même le temps de nous expliquer»,  a-t-il soutenu.  Bandjougou Keïta a fait savoir qu’il était parti  déposé la voiture de sa mère au lavage. Entretemps, souligne-t-il, il est passé voir son réparateur de motos de l’autre côté de la route et  les policiers les ont surpris en les conduisant au commissariat du 5ème arrondissement. Abdoulaye Fofana, assistant parlementaire (prévenu non détenu) a rappelé que lors de son arrestation, il a exhibé son macaron, tout en leur disant qu’il est également professeur de Droit à la Faculté des sciences juridiques et politiques,  ainsi que d’autres pièces. En dépit de tout cela, précisera-t-il, ils m’ont embarqué. Et le pire, c’est  qu’un policier, qui pourrait avoir le même âge que son fils, l’aurait insulté. Quant à Sidiki Berthé, il a reconnu qu’il était dans l’enceinte du tribunal pour assister à l’audience de Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath. Toutefois, il a ajouté qu’il n’a pas pris part au saccage du Tribunal. Selon lui, il s’est refugié dans le tribunal quand  la manifestation  a dégénéré. Après l’accalmie,  dira-t-il, il a aidé  Maître Sidiki Zana Koné, l’un des avocats  de Mohamed Youssouf Bathily, à faire sortir son véhicule endommagé. Le véhicule une fois hors de la cour du Tribunal, l’avocat lui a donné son sac, tout en lui demandant d’attendre dans la cour du Tribunal. Sur ces entrefaites, les renforts, en pourchasse des manifestants, l’ont cueilli dans la cour et l’ont ensuite conduit au commissariat. Quant aux autres prévenus qui, pour la plupart, sont tailleurs, réparateurs de motos, entrepreneurs ou commerçants, ils ont affirmé avoir été arrêtés sur leur lieu de service lors du «ratissage» de la police.

Le pool d’avocats de la défense,  composé de  Maîtres Sidiki Zana Koné, Abdourahmane Ben Manata Touré, Malick Ibrahim, Aliou Touré et Me Mangara, a, dans  sa plaidoirie, expliqué que «le renfort de la police est  intervenu aux environs de 14 heures. Cela a trouvé que les manifestants  qui ont vandalisé les locaux du Tribunal  s’étaient déjà dispersés aux environs de 13 heures. Ils  ont juste fait le ratissage. Ils n’ont pu mettre la main sur personne devant le Tribunal. Ils n’ont pris personne en train d’ériger les barricades ou en train de  saccager le Tribunal. La solution facile pour eux était de ratisser large. Qu’on les prenne est une chose, qu’on les blanchisse est une autre chose. Le ministère public doit convaincre le Tribunal avec des éléments constitutifs des infractions qui leur sont reprochées.  Monsieur le Président, ici c’est le lieu de la vérité. Ce n’est pas le lieu de la vérité politique encore moins le lieu de la divination. On ne requiert pas ici par approximation  ou par déduction. C’est le lieu où on a l’obligation d’apporter les preuves  matérielles. Une seule preuve n’a pu  être établie par le parquetier, sauf le cas de  Sidiki  Berthé qui se trouvait dans l’enceinte du Tribunal et il a été arrêté par la police.  Toute personne arrêtée par la police au Tribunal ne peut pas être coupable. C’est une démarche qui n’est pas intellectuellement viable. C’est une démarche qui ne passe pas devant le Code de procédure pénale. Ce sont des pratiques qui sont récusées  même dans les pays dictatoriaux. La méthode consistait à trouver des coupables et de prouver à l’opinion publique  qu’un tel est monstre et ceux aussi qui  sont venus à son soutien. Il n’y avait pas d’attroupement illicite. Pour qu’il y ait attroupement illicite, il faudrait qu’il soit déclaré par une autorité publique. C’est vrai que les gens en ont appelé à un soutien moral à Ras Bath. Mais l’audience est publique. Si c’était le procès d’Iyad Ag Ghaly, les gens allaient venir. Si c’était le procès des grands responsables de la rébellion, les gens viendront également. Est-ce qu’on peut qualifier  ceux qui viennent assister publiquement à une audience comme étant des délinquants? Les gens sont venus apporter leur soutien moral à Ras Bath. Il n’y a aucun délit à être fan de quelqu’un. Il  n’y a aucun délit aujourd’hui à épouser les idéaux de Ras Bath. Ce sont des idées de conscientisation de la société malienne. C’est cela son combat. Ce combat sert tout le Mali. Même s’il se trouve des gens qui veulent servir le prince. Le prince n’est pas la Justice. Nous savons que notre justice ne sera pas le bras séculier d’une quelconque autorité politique. On fonde l’espoir immense que vous êtes jaloux comme tous les praticiens de droit au Mali du respect de la loi. Nous vous demandons, en l’absence de preuves, de relaxer ces innocents». Le juge Souleymane Maïga, après avoir  entendu les parties, a prononcé la relaxe des 18 prévenus faute de preuve. Sidiki Berthé, lui, fut condamné à 6 mois de prison avec sursis et au payement d’une amende de 20 000 francs.

Boubacar SIDIBE

Commentaires via Facebook :