Point de Droit : La prescription d’une affaire en matière pénale : conditions et justifications de la philosophie

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La prescription est une notion que le profane a du mal à comprendre devant la justice. L’opinion ne juge-t-elle pas souvent injuste, l’abandon d’une poursuite judiciaire en cours ou l’impossibilité de poursuivre, faute de délai, contre le criminel qui est un agent antisocial ? Pourtant, le juge est lié par ce délai de prescription qui a été légiféré par le législateur, représentant de la société.

Qu’est-ce que la prescription de l’action publique (en matière pénale) ? Pourquoi le législateur a fixé un délai de prescription ? Il est important de le savoir.

Définition  et délais de la prescription de l’action publique

En droit pénal, la prescription est un principe selon lequel, l’écoulement d’un délai entraine l’extinction de l’action judiciaire contre le délinquant et rend de ce fait toute poursuite impossible à son encontre. Il faut distinguer la prescription de l’action publique de la prescription de la peine qui, selon le code de procédure pénale, est le principe selon lequel, toute peine, lorsque celle-ci n’a pas été mise à exécution dans le délai fixé ne peut plus être subie par le condamné.

L’action publique peut aussi être prescrite immédiatement après un évènement particulier, on parle alors d’extinction.C’est le cas par exemple de la mort du prévenu, de l’amnistie, de l’abrogation de la loi pénale et dans certains cas, le retrait de la plainte de la victime ou la transaction.

Il faut donc savoir qu’en droit, toute affaire pendante devant la justice ou susceptible de l’être peut être frappée par le délai de prescription. Seuls les crimes contre l’humanité et les coups d’Etat, au sens de la Constitution malienne du 25 février 1992, sont imprescriptibles.

Pour les autres infractions, en droit malien, les délais de prescription sont réglementés par la loi N°01-080 du 20 août 2001 portant code de procédure pénale en ses articles 9 pour les crimes, 10 pour les délits et 11 pour les contraventions.

Ainsi, selon l’article 9 du code malien de procédure pénale : « En matière de crime, l’action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n’a été fait aucun acte d’instruction ou de poursuite.S’il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu’après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l’égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d’instruction ou de poursuite ».

Selon l’article 10 : « En matière de délit, la prescription de l’action publique est de trois années révolues ». Quant aux contraventions, la prescription de l’action publique est d’une année révolue.

Justifications de l’esprit du législateur à fixer des délais de prescription

Autant le comportement antisocial du délinquant est répréhensible, autant la société doit régler son compte conformément à la loi et dans un délai raisonnable. C’est pourquoi, pour la doctrine, la prescription est d’abord la sanction de la négligence de la société à exercer l’action publique ou à exécuter la peine. Elle revêt donc un caractère d’ordre public et doit être relevé d’office par le juge.

Un haut magistrat du Parquet près la Cour de cassation française, Mme Dominique-Noëlle Commare, a eu à souligner l’intérêt de la prescription en affirmant: « Parce que, tout temps mort excessif laisse présumer le désintérêt de la victime ou du ministère public et leur renoncement, dans un système marqué par le principe d’opportunité des poursuites, la prescription apparaît nettement comme la réponse procédurale apportée à l’inaction ou l’oubli, volontaire ou involontaire».

Les raisons pour imposer des délais de prescription sont donc évidentes et nombreuses. Avec l’écoulement du temps, le trouble à l’ordre public s’apaise, les esprits se calment et les plaies se pansent. Selon certains observateurs, lancer des poursuites « tardives » aurait ainsi le tort de raviver un trouble à l’ordre public qui s’était éteint et ce d’autant que l’inertie de ceux qui auraient pu agir démontre leur désintérêt pour les poursuites.

Aussi, le temps passant, la mémoire des témoins s’altère et les preuves matérielles s’effacent. Dans ces conditions, les poursuites deviendraient donc illusoires, et le risque « d’erreur judiciaire » augmenterait. Enfin, il est parfois affirmé que la culpabilité que peut ressentir l’auteur est, en elle-même une peine, peine qui rendrait inutile les poursuites tardives.

Daniel KOURIBA

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