Le ministre de la justice et des droits de l’homme, Garde des sceaux, Me Mamadou Ismaël Konaté, s’est rendu dans les locaux de la Cour suprême, le mardi 04 novembre 2016, pour échanger avec les hauts magistrats(les présidents des sections, les présidents des chambres de la Cour, des conseillers…)Une visite qui entre dans la cadre d’une série de visites entreprises, par le Ministre Konaté pour partager sa vision avec ses collaborateurs, sur l’assainissement de la juridiction malienne. Pour l’occasion le ministre et sa délégation ont été reçus par le président de ladite institution, Nouhoum Tapily, entouré de ses illustres conseillers.
Costume bleu marine sur une chemise bleu-ciel, Me Mamadou Ismaël Konaté, en ce vendredi 04 novembre était porteur d’un message clair pour les responsables de l’Institution Républicaine qu’est la Cour suprême.
Faut-t-il le rappeler, cette visite du ministre Konaté, fait suite, à celle effectuée, jeudi 03 novembre à la Cour constitutionnelle au cours de laquelle le ministre a largement échangé avec le président Mme Dagnioko Manassa et ses conseillers.
Une fois reçu dans la salle de conférence de la Cour suprême, pour rendre le cadre des discussions plus fructueuse, et plus franc, le ministre, reconnaitra le caractère indépendant de la Cour suprême par rapport à son département. « Je vous reconnais magistrats indépendants et autonomes à mon égard » affirme le ministre, avant de dire qu’ils n’ont aucun ordre ou instruction à recevoir de sa part.
La Justice malienne passée au crible !
En leur parlant de la Cour suprême, il dira qu’elle est au cœur de l’institution judiciaire, au sommet de la justice et que son équivalent pour lui en France n’est autre que la Cour de cassation. « Qui parle de la Cour suprême, parle des derniers remparts de l’institution judiciaire qui occupent des fonctions et des places qui leur permettent de réguler le droit une fois pour tous, quasi définitivement » déclare-t-il avant d’ajouter que cette même Cour est à l’origine de la création et de la fixation de la jurisprudence.
Par contre, pour le ministre de la Justice, le contexte d’état de droit dans lequel se trouve notre pays, prouve que le droit ou l’instrument du droit n’est pas suffisant. « Il n’est pas suffisant parce que le législateur n’est pas complet et il n’intervient même pas dans le secteur donné » déclare-t-il avant de préciser que ces deux situations constituent des difficultés énormes. D’où l’occasion pour lui de rappeler que la juridiction malienne, ne dispose pas de manière constante et stable d’une jurisprudence assez pertinente sur la problématique de la liberté, d’opinion, de pensée, de dire ou de ne pas dire.
Pour le ministre, le droit malien se trouve dans un contexte juridique imbriqué de droit national et de droit communautaire, à telle enseigne que si l’un n’est pas appréhendé l’autre a du mal à rejaillir sur ce qui est mal interprété.
Ce concours de droit, aujourd’hui national et communautaire nous met dans une situation difficile, tellement difficile, précisera-t-il : « que nos juges d’instance ont du mal à appréhender d’où à ressortir la quintessence de leurs opinions », avant de déplorer qu’aucune des six(6) juridictions de Bamako ne dispose d’une espèce de juridiction pertinente sur un point donné.
Au ministre Konaté de dire que « l’instabilité de droit est source de déstabilisation et de désorganisation social » avant d’affirmer qu’il veut de la Cour suprême malienne, une juridiction haute , de qualité et surtout une juridiction de tout dernier niveau. «La substance de droit doit ressortir du pouvoir et seulement du pouvoir » précisa-t-il.
La qualité des magistrats que compose la cour suprême doit permettre, a cette institution de prendre des décisions de qualité et au-delà, d’avoir des décisions quasi définitives, estime Me Mamadou Ismaël Konaté.
Les lacunes à corriger
« La jurisprudence n’est pas stable en instance, elle n’est pas stabilisée en appel et on a du mal à la percevoir au niveau de la Cour suprême» regrette le ministre Konaté. En outre, il a souligné que les révisions deviennent de plus en plus une espèce de voie de sortie qui permet de rattraper ce qui n’est pas essentiel, en plus duquel il mentionna les rabats d’arrêt qui selon lui, déstabilisent chaque fois qu’ils ne s’agissent pas de la substance du droit.
Par ailleurs, le ministre a instruit au président, Nouhoum Tapily de s’inscrire dans une logique de publication de ses décisions. « Vos décisions de justice doivent aller au-delà de vous et doivent être publiées, afin que des experts d’autres pays puissent les critiquer et vice-versa » a-t-il conseillé au président en plus de l’organisation des séminaires pratiques de formations.
Pour sa part, le président de la Cour suprême, Nouhoum Tapily, reconnait en la démarche du ministre, un fait salutaire, tout en rassurant le ministre que la Cour prendra bonne note de toutes ses observations.
Par contre, le président de la Cour rappellera au ministre que dans le cadre de l’atteinte de ses objectifs, en plus d’avoir un soulagement par rapport aux nouveaux textes qui régissent la Cour suprême maintenant, il dira que son Institution se trouve confronter à plusieurs difficultés.
Parmi lesquels il faut noter, le manque de logistique (véhicule etc.), le départ très prochainement à la retraite de beaucoup de magistrats, et surtout du manque de moyens financiers qui limitent énormément la Cour dans sa marge de manœuvre.
Enfin pour terminer le président de la Cour suprême a souhaité ardemment la relecture des rabats et des statistiques.
Par Moïse Keïta