L’une des tares de notre démocratie semble être la mauvaise distribution de la Justice. Les citoyens ne se sentent nullement en sécurité tant elle paraît assujettie aux princes du jour et à ceux qui détiennent le cordon de la bourse. Nos magistrats réfutent l’allégation selon laquelle la Justice serait l’une des plaies de notre système démocratique, d’où la grève de 72 heures du 27 au 29 juillet 2016 pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail. Me. Konaté arrive à la tête d’un département de la Justice déjà malade de son image. Réussira-t-il à en être le sauveur ?
Les crimes odieux commis par la rébellion sous l’occupation des trois régions du nord et les récentes barbaries faites de cycles de violences perpétrées sur des paisibles citoyens par les jihadistes et narco trafiquants, restent toujours impunis. Au sud, l’image de la Justice reste entachée d’une grande défiance des justiciables envers les juges. C’est dans un tel contexte que le brillantissime avocat, Me. Mamadou I. Konaté est nommé à la tête du très stratégique département de la Justice. Et déjà, il démarre avec une grève à gérer, la première du SAM depuis l’accession d’IBK au pouvoir. L’un des grands animateurs vedettes du Débat du Dimanche de la chaine panafricaine « AFRICABLE » va-t-il relever les innombrables défis auxquels la Justice malienne reste confrontée ? Entre le parler de l’avocat et l’agir du ministre, le fossé sera-t-il grand ? Réussira-t-il là où ses prédécesseurs avocats ont déjà guerroyé sans succès ? Le couple Avocat-Magistrat connaitra-t-il un jour sa lune de miel ?
La grève des militants du principal syndicat de la magistrature donne aujourd’hui lieu à plusieurs interprétations selon qu’on soit du SAM ou du gouvernement. Les deux parties se rejettent mutuellement la responsabilité de l’échec des négociations. Pour le porte-parole du SAM, il y a un manque de volonté manifeste de la part du gouvernement à satisfaire les points de revendications qu’il juge légitimes. Il en va ainsi de l’amélioration des conditions de vie et de travail des magistrats pour qu’ils rendent une bonne justice et en toute sécurité. M. Cheick Mohamed Cherif Koné, avocat général à la Cour Suprême, dit ne pas comprendre pourquoi le gouvernement envoie des interlocuteurs qui ne sont pas à la hauteur pour négocier quelque chose qu’ils ne maitrisent pas ? Il en conclut qu’il y a là une volonté manifeste de la part du gouvernement de saboter la grève. Quant au gouvernement, il trouve quelques légitimes que soient les différents points de revendications, le pays ne saurait les satisfaire tous maintenant et tout de suite. En dépit de la demande d’indulgence du gouvernement, le syndicat n’a pas daigné suspendre son mot d’ordre de grève. Aussi, a-t-il décrété sa grève de 72 heures. Ce débrayage sera à n’en pas douter un coup dur pour le nouveau ministre de la Justice. Même s’il a trouvé ce préavis de grève sur la table de son prédécesseur, n’en demeure pas moins qu’il endossera tout le bilan. On dira que c’est sous Me Konaté que le SAM est allé en grève, faute d’accord autour de ses points de revendication. Celui qui fut un brillant débatteur convaincant et éclairé va-t-il donner une lueur d’espoir et un minimum de crédibilité aux justiciables maliens qui semblent ne plus croire en la Justice. Pour rappel, ses prédécesseurs avocats, dont notamment l’excellent et réservé avocat, Me Abdoulaye Garba Tapo et après lui, Me Fanta Sylla et Me Mohamed Ali Bathily, ont aussi tenté sans succès leur guerre de réhabilitation de la Justice. Ils n’ont jamais réussi à inoculer au malade, la dose de vaccin capable de la guérir et de l’immuniser contre les maux dont elle continue de souffrir de plus belle. En paraphrasant le dicton, disons que la grandeur d’un Homme ne se mesure ni par l’immensité de sa fortune, ni par son éloquence, mais par ses actes et ses dires. Le ministre de la Justice, Garde de sceaux, Me Mamadou Ismaila Konaté est d’ores et déjà très attendu sur certains dossiers sensibles, dont entre autres, les suites judiciaires à donner aux exactions commises au nord pendant et après l’occupation, le sulfureux dossier de la junte militaire de Kati, et les nombreux autres liés aux sempiternels litiges fonciers, dont le Mali n’arrive toujours pas à résoudre par l’élaboration d’un très bon cadastre.
En définitive, après une entrée en matière mouvementée à cause de la grève du Syndicat Autonome de la Magistrature, le ministre de la Justice est fortement attendu pour des reformes d’envergure et de fonds à même de redorer le blason de la Justice pour l’honneur du Mali et le bonheur des maliens.
Youssouf Sissoko