Le procès de l’auteur du coup d’État perpétré en 2012 au Mali, le général Amadou Haya Sanogo, et de 17 coaccusés, parmi lesquels d’autres membres de l’armée malienne, est effectif depuis le 30 novembre 2016 dans la ville de Sikasso, capitale du Kénédougou, dans le sud du pays, grande ville de résistants à la pénétration coloniale dont Babemba traoré , Tièba Traoré. Les prévenus sont accusés de l’enlèvement et du meurtre de Bérets rouges, des soldats d’élite maliens qui ont été détenus avant de « disparaître » entre le 30 avril et le 1er mai 2012, en raison de leur participation présumée au contre-coup d’État du 30 avril 2012 contre Sanogo et les forces qui lui étaient restées fidèles. Le procès se déroule dans la salle des spectacles Lamissa Bengaly.
L’ouverture solennelle de l’audience présidée par Mahamadou Berthé, president de la Cour, a enregistré la présence du président de la Haute Cour de justice, Abdramane Niang, de l’honorable Habib Diallo, élu de Sikasso, du gouverneur de la région de Sikasso, Bougouzanga Coulibaly et de plusieurs autorités politiques et militaires. Ce procès tant attendu, suspendu sur demande des avocats de la défense et qui reprend ce vendredi, enregistre la présence d’imminents avocats nationaux et internationaux, dont une vingtaine de la défense et une dizaine d’avocats de la partie civile.
A l’ouverture de l’audience, le president de la Cour, Mahamadou Berthé a suffisamment édifié les assesseurs sur leur rôle et leur importance dans le dispositif du procès après leur prestation de serment. Il a félicité les assesseurs pour la confiance placée en eux pour siéger à cette Cour. Vous avez été choisi en raison de vos qualités d’hommes expérimentés et dignes. A leur prodiguant des conseils, Mahamadou Berthé dira : « vous êtes soumis à des obligations. Vous n’avez pas le droit de décevoir. Vous avez juré devant dieu et les hommes, vous devez vous dépasser de toutes les considérations de n’importe quel ordre que ce soit. Vous devez mériter la confiance. Vos décisions doivent être axés sur ce que vous allez entendre ici. Vous devez savoir que vous pesez lourd dans la balance du verdict. Souvenez vous qu’il n’ya pas de place au sommeil. Il est aussi important que vous suivez les débats avec assiduité. Vous devez scrupuleusement garder le secret de délibération même après la cessation de votre fonction ».
Après ses premiers propos, le président de la Cour ordonna au procureur général près de la Cour d’Appel de Bamako, Mamadou Lamine Coulibaly à faire son réquisitoire. Selon lui, la présente session supplémentaire en transport à Sikasso s’ouvre deux jours après la deuxième session ordinaire de la Cour d’Assises au titre de l’année 2016 et comportant 75 affaires inscrites au rôle. A ses dires, cette session spéciale s’inscrit dans l’objectif global des autorités judiciaires d’assurer une bonne distribution de la justice mais également dans celui spécifique de la quête d’une justice dans un délai raisonnable conformément aux prescriptions de l’alinéa 5 de l’article 2 du code de procédure pénale malien édictant que « toute personne objet d’une prévention ou d’une accusation a droit qu’il soit définitivement statué sur sa cause dans un délai raisonnable ». Il a ensuite rappelé que des spéculations aussi bien tendancieuses les unes que les autres avaient alimenté les rumeurs au point d’insinuer le doute quant à la volonté des autorités judiciaires d’examiner cette procédure. Pour le procureur général, cette affaire n’est guère singulière et par conséquent, la Cour d’Assisses de céans ayant une expérience avérée en matière jugement de causes concernant les dignitaires de régimes défunts, lesquelles causes ont toutes été examinées dans les règles de l’art.
Parlant du déroulement du procès, Mamadou Lamine Coulibaly a insisté sur deux principes directeurs de la procédure pénale notamment la présomption d’innocence et l’intime conviction de juge, à l’effet d’en faire comprendre la portée et l’incidence sur le cours et la justice par les assesseurs, ces magistrats occasionnels.
Aux dires du procureur général, la présomption d’innocence interdit de traiter une personne comme coupable avant qu’elle ait été jugée. Quant au principe de l’intime conviction, le chef du parquet précise qu’il impose au magistrat jugeant de ne pas se décider que d’après sa conscience profonde sur la culpabilité. Pour terminer, il a remercié tous les acteurs de la chaine pénale et la presse dont le rôle demeure central dans la bonne information de l’opinion publique.
Le représentant du barreau l’ordre des avocats du Mali, maître Harouna Touréh dira que notre pays est dans un tournant décisif de sa vie judiciaire. « Ce jour est historique. Nous allons combattre les accusations. Nos clients seront dignes à la barre. Ils feront en sorte que le peuple Malien puisse savoir toute la vérité dans cette affaire ».
Le choix de Sikasso
A la suite des propos liminaires du représentant du barreau, le president de la Cour prendra la parole pour donner les raisons de la tenue de ces assises à Sikasso. Pour ce faire, Mamadou Berthé a laissé entendre : « En application des dispositions de l’article 19 de la Loi n°2011-037 du 15 juillet 2011 portant organisation judiciaire, le siège de la Cour d’assises est celui de la Cour d’Appel. Par dérogation à ce principe, le Premier Président de la Cour d’Appel peut, à la demande de Monsieur le Procureur Général, ordonner le transport en tout autre du même ressort ». Toutefois il a fait comprendre que la Cour d’Assise est à mesure de remplir les missions à lui assignées. C’est sur ces mots que le président procédera à la suspension de l’audience pour une trentaine de minutes.
A la reprise, le président appellera les témoins des deux parties et les accusés à comparaitre devant la Cour. La salle à l’intérieure de laquelle se trouve les inconditionnels du chef de la junte procèdent à une acclamation nourrie quand Amadou Aya Sanogo déclinant son identité a rappelé au bon souvenir de ses partisans son grade de général de corps d’armée et son statut d’ancien chef d’Etat du Mali . Devant ce tonnerre d’applaudissement, le president de la Cour rappela aussitôt les gens à l’ordre : « si vous continuer à applaudir, je serai obliger de faire vider la salle. Ce n’est pas une salle de théâtre. Sachez garder votre susceptibilité. La publicité est exprimée à bout à condition qu’il y ait un respect dû à la Cour. Que chacun reste à sa sagesse ». Aucun des témoins militaires et civils de la partie défense n’était dans la salle. Parmi ces témoins, on retient le nom du guide spirituel d’Ançardine, Cherif Ousmane Madane Haïdara, l’ancien president Dioncounda Traoré, l’actuel chef d’état-major général ders armées, General Didier Dakouo, colonel Diamou Keïta.
Suivra la constitution la constitution des avocats des parties, après le president de la Cour autorisera la lecture de l’arrêt de renvoi.
Mais à la demande de la porte-parole de la défense, Maitre Mariam Diawara, l’audience a été suspendue pour deux jours afin de mettre aux avocats de mieux communiquer avec leurs clients accusés. Les choses sérieuses devraient commencer aujourd’hui vendredi.
Jean Goïta et Tiémoko Traoré Envoyés spéciaux
COUR D’ASSISES EN TRANSPORT A SIKASSO
DES AVOCATS SE PRONCENT
Maitre Cheick Oumar Konaré : Avocat d’Amadou Aya Sanogo
« Je pense que le droit sera dit »
« Le procès démarre sous de bonnes auspices. Les parties sont là, mais on va devoir déplorer l’absence de beaucoup de témoins importants qui n’ont pas pu être cités et qui ne vont pas comparaître. De plus il faut dire que la demande de suspension pour 48 heures a été une bonne décision de la défense. Cela va permettre d’assurer les droits de la défense. Les accusés n’ont pas eu le temps de conférer avec leurs avocats. Cette suspension va les permettre de discuter, de s’entendre sur la stratégie de défense et se partager certaines informations dans le plus grand respect de leur droit. Il n’y a pas d’inquiétudes. Le procès a commencé. Quand un procès de ce genre commence, il ya forcement des exceptions, des petits incidents. Ça fait partie du procès. J’ai confiance à la justice de mon pays. Je pense que le droit sera dit. Si je pensais le contraire, je ne serai pas venu ».
Maître Moctar Mariko, Avocat de la partie civile, président de l’AMDH
« Nous irons jusqu’au bout »
« Tout est fin prêt pour qu’on aille à ce procès. Mes impressions sont mitigées. Je suis un peu content et un peu mécontent parce que le premier jour du procès n’est pas allé aux résultats qu’on aurait souhaités. Mais nous n’avons aucune crainte. Nous irons jusqu’au bout ».
Maître Clémence Bectarte, Avocate de la partie civile, membre Coordination du Groupe d’action judiciaire.
« Nous voulons que le procès se tienne et que la responsabilité des accusés puisse être examinée par la Cour dans des conditions équitables ».
« Nous sommes très satisfaits que l’ouverture de ce procès puisse effectivement avoir lieu dans de bonnes conditions. Les déclarations du président de la Cour et de l’Avocat général étaient à la hauteur de l’importance du procès. Ils ont tous souligné l’importance du caractère historique du procès. Après la lecture de l’arrêt de renvoi, les avocats de la défense ont formulé une demande de suspension que nous analysons en réalité comme une demande de renvoi qui ne dit pas son nom. Par principe, nous ne nous sommes pas opposés, parce nous voulons aussi que le droit de la défense soit formulé et respecté. D’ailleurs le fait que la Cour ait donné droit à cette demande, prouve que ce procès prend la forme équitable. Nous craignons et nous espérons qu’il ne s’agit pas d’une demande qui ne précédera pas d’autres et qui viserait à reporter l’ouverture au fond des débats. Nous voulons que le procès se tienne et que la responsabilité des accusés puisse être examinée par la Cour dans des conditions équitables. Nous avons vu à la lecture de l’arrêt de renvoi que le dossier d’instruction est un dossier rigoureux et solide avec des éléments sérieux à charge qui ont présentés contre les accusés. Maintenant, nous voulons que les débats puissent avoir lieu afin que le procès puisse être mené à son terme ».
Maître Assane Dioma N’Diaye, Avocat de la partie Civile, membre du Bureau Pénal International de Québec, Coordonnateur de ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme
« Il est important que ce procès soit au-delà de tout soupçon »
« Je pense qu’au-delà du désarroi de la partie civile, il faut reconnaitre qu’une étape importante a été franchie en matière criminelle dans un procès pénal. Quand vous réussissez dès l’ouverture la lecture de l’arrêt de renvoi, à faire l’interrogatoire d’’identité des accusés, la liste des témoins, on peut dire qu’un grand pas a été franchi. C’est vrai que la Cour a estimé d’accepter la demande de suspension des avocats de la défense. Pour moi, cela revêt un symbole. Beaucoup disait à l’orée de ce procès, que ce ne sera pas un procès juste et équitable. Mais aujourd’hui que la Cour accepte d’accepter la demande des avocats de la défense, cela prouve que si besoin en était encore, que cette a conscience qu’elle doit inscrire sa plénitude dans l’histoire malienne. Il est important que ce procès soit au-delà de tout soupçon. Il doit être un procès exemplaire et précurseur d’autres procès dans le combat contre l’impunité que nous menons aux côtés de nos confrères et organisations sœurs maliennes. Il y a d’autres cas. Ce procès aura valeur de test. Aujourd’hui, devant cette mesure de renvoi, nous espérons simplement qu’à partir de ce vendredi, entrer dans le fond des choses. Evidemment, il ne s’agit pas de multiplier les incidents et exceptions de manière à retarder le processus de ce procès. Je pense aussi bien de la défense que de la partie civile, il faut savoir que la victime a son droit. La victime ne fera pas son deuil tant qu’elle ne saura pas ce qui s’est passé. Elle a beaucoup besoin de sa voir pourquoi son mari, ses enfants, son épouse ont été tué pour que justice soit faite. C’est la raison que nous avons espoir comme nous rappelé que nous ayons un débat loyal, serein et que tout le monde puisse faire valoir ses droits, mais que la Cour puisse trancher. Avec ces 48 heures, je pense vendredi si la défense a des moyens ou des exceptions à faire valoir, elle le fera. Nous opposerons les arguments qui sont à notre possession pour que les victimes soient très rapidement édifiées. La plupart des témoins du procureur ont comparu. Mais la défense a attendu moins de 24 heures, en violation des dispositions du code de procédure pénale pour introduire une liste de témoins sans aucune précision. Ces demandes sont devenues irrecevables. Dans un procès pénal, on n’a pas besoin d’avoir l’intégralité des témoins. La loi a tout prévu. Dans l’hypothèse où le procureur général se rendra compte de l’incontournabilité de la présence des témoins, il prendra des mesures qui s’imposent quitte à aller les rechercher. On a vu des procès où on a arrêté l’audience pendant une heure ou deux heures pour aller chercher un témoin. Tout dépend de l’opportunité que le parquet se fera de la présence d’un témoin. Si le parquet estime que les témoins présents suffisaient par rapport à son argumentaire d’accusation, ne nous on voit pas d’inconvénient. Si le parquet estime qu’il est nécessaire qu’un témoin comparaisse, il a les moyens de les faire sans que cela ne puisse être un obstacle au déroulement du procès ».
Propos recueillis par Jean Goïta, depuis Sikasso
Mr le journaleux le procès de Sanogo n’a rien a voir avec l’impunité au Mali. C’est du bruit de tam tam. Si tu dis impunité tout le monde sait là ou il faut frapper. C’est de Alpha Konaré à maintenant.
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