Le président de la Transition, Bah N’Daw, a présidé le jeudi 19 novembre dernier la cérémonie solennelle de la rentrée judiciaire 2020-2021 des Cours et tribunaux. C’était en présence du vice-président, le Colonel Assimi Goïta, du Premier ministre Moctar Ouane, de plusieurs membres du gouvernement de Transition, de l’ensemble des présidents des Cours et ceux des Institutions de la République.
A l’entame de ses propos, le président de la Transition a rappelé que, sans chercher à refaire l’histoire, il importe de noter qu’en 2012, la partie nord du pays a été le théâtre d’affrontements sanglants entre des groupes rebelles et les forces armées maliennes.
Pour lui, ces violences ont créé entre les différentes composantes des populations vivant dans le nord du Mali un climat délétère. Ainsi, les groupes terroristes ont profité de ce désordre pour occuper les régions de Tombouctou, Gao, Kidal ainsi qu’une partie de la région de Mopti en s’adonnant à des violations massives des Droits de l’Homme, à travers notamment des amputations de bras, des lapidations pour adultère, des coups de cravache pour avoir fumé une cigarette, écouté la musique ou joué au football, ainsi que des présomptions de viols ou de mariages forcés qui se sont multipliées.
“Il faudra attendre l’intervention conjuguée des forces armées maliennes et des forces internationales à partir de la seconde décade de janvier 2013 pour desserrer l’étreinte sur les zones occupées par les terroristes. Mais la guerre contre le terrorisme est une guerre asymétrique, comme vous le savez. Elle se gagne sur la durée et elle peut connaître des hauts et des bas. L’armée malienne se bat donc, elle monte en puissance tous les jours un peu plus. Cependant, la partie n’est pas encore gagnée. Notre crise, au demeurant, est sans précédent”, a-t-il ajouté.
Devoir sacré de protection des citoyens, la nécessité absolue
Et c’est pourquoi, poursuit-il, le Gouvernement de la République du Mali, dans son rôle régalien de défense et de sécurisation du pays a décrété, le samedi 12 janvier 2013 minuit, l’état d’urgence sur toute l’étendue du territoire national qui a été prorogé, chaque fois que dans les mois qui ont suivi, la sécurité des citoyens et de leurs biens l’a exigé. Aussi, à l’occasion des changements de régimes en 2012 et 2018, un couvre-feu a été décrété ainsi qu’au début de la propagation de la maladie à coronavirus ou Covid-19. A l’entendre, ces deux mesures exceptionnelles d’Etat d’urgence et de couvre-feu, de même que toutes les autres, non encore utilisées au Mali, mais toutes contraignantes, ne sont dictées ni par l’insouciance ni par l’amateurisme ni par l’esprit despotique.
Selon lui, ces mesures relevaient de la nécessité absolue, du devoir sacré de protection des citoyens, bien qu’il n’y ait aucun doute que l’essence même de l’Etat de Droit réside dans la pleine jouissance des libertés publiques car l’absence de sécurité et de protection publique sont les premiers ennemis de la liberté de pensée, de la liberté d’expression et de la liberté de mouvement.
De son point de vue, si le citoyen sait que l’Etat le protège, il sera plus à l’aise dans l’exercice de ses libertés fondamentales et individuelles parce qu’une surveillance rendue plus étroite, un contrôle plus resserré et une vigilance d’Etat mieux assurée, dans un contexte d’insécurité, constituent une garantie pour le peuple et pour toute la nation. “Garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire, le chef de l’Etat ne peut donc transiger, si pour assurer la protection de ses citoyens, l’Etat doit adopter des lois restrictives de certaines libertés fussent-elles fondamentales.
Je vois là une capacité d’adaptation face à de nouvelles menaces. Il en est de même pour l’application des mesures barrière et de distanciation sociales restrictives de libertés pour la bonne santé des citoyens”, a martelé le président Ba N’Daw.
A ses dires, il n’y a pas de défi plus pressant que la lutte contre le terrorisme sous toutes ces formes, le recouvrement de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale. Et aucun sacrifice n’est de trop pour tenter de faire face à un tel défi.
Mener des actions concrètes
“Vous comprendrez donc qu’à la suite de mes prédécesseurs, et plus encore en raison des tâches qui me sont assignées par la Transition, j’engage le Gouvernement dans une guerre sans merci contre l’insécurité, les fauteurs de troubles, les idéologues de la violence, les obscurantistes prétextant de l’islam pour sévir contre des citoyens”, dira-t-il.
A en croire le président N’Daw, le gouvernement de la Transition qu’il préside s’engage à mener des actions concrètes, en vue du rétablissement de l’ordre et de la sécurité des personnes et des biens, à travers notamment l’organisation du retour de l’administration dans les localités abandonnées à cause de l’insécurité en élaborant et en mettant en œuvre un plan d’urgence humanitaire inclusif. Avant de souhaiter une large collaboration entre les forces de sécurité, les populations et l’administration publique dont la justice des différents pays car le caractère transnational du terrorisme implique un large partenariat.
Pour le Colonel d’aviation à la retraite, les représentants de l’Etat doivent veiller à l’application des mesures d’urgence, en matière de sécurité, mais aussi de santé. “Nul doute là-dessus, les efforts de l’Etat en vue d’une bonne gouvernance, de la lutte contre le terrorisme, contre la maladie à coronavirus et tous les autres fléaux, seront voués à l’échec sans un dialogue responsable entre gouvernants et gouvernés”, précise-t-il.
Par ailleurs, il dira qu’autant il est nécessaire d’appliquer des mesures exceptionnelles, au risque de restreindre nos libertés publiques, pour lutter contre le terrorisme, l’urgence sanitaire et l’instabilité du pays, autant il est indispensable de ne pas perdre de vue que ces mesures exceptionnelles doivent être maniées avec la plus grande minutie. En effet, elles doivent être rares, temporaires et obéir également à des exigences constitutionnelles, législatives et règlementaires strictes.
Etat d’urgence et couvre-feu ne riment pas avec les abus
A l’entendre, en tenant compte de ces exigences, les plus hautes autorités se sont rendu compte que la mise en application de l’Etat d’urgence et du couvre-feu au Mali a souvent donné lieu à des abus qu’il faut donc reconnaitre pour pouvoir conjurer demain le risque qu’ils soient répétés.
“J’en appelle alors au sens de responsabilité et au patriotisme de toutes les parties prenantes à cette délicate question. J’en appelle également à la vigilance et au sens de la justice de l’Etat pour que les droits des citoyens soient respectés, scrupuleusement et entièrement car l’Etat d’urgence et le couvre-feu ne riment pas avec les abus. Les libertés publiques sont sacrées parce qu’elles constituent l’ensemble des droits et des libertés individuelles et collectives garantis par les textes législatifs et donc par l’Etat”, a-t-il rappelé.
Aux dires du président de la Transition, il est maintenant pédagogique et plus responsable de tirer les conséquences de cette réalité. Et cela nécessite certes que les citoyens comprennent mieux leurs obligations, au-delà de leurs droits.
Mais cela nécessite également, et surtout, une autocritique rigoureuse de l’Etat, en tant que détenteur du pouvoir et normalement du monopole de la violence.
Et de poursuivre qu’un état des lieux approfondi du pays astreint également à une lutte sans abus, mais sans concession contre la corruption et l’impunité car, dit-il, le détournement des deniers publics et l’impunité plombent le développement économique, ralentissent le démarrage du Mali nouveau et entament la confiance populaire envers les gouvernants. “Pour peu qu’une lutte efficace contre ces maux nécessite des mesures exceptionnelles à l’instar de celles déployées contre l’insécurité et l’urgence sanitaire, je n’hésiterai pas, un seul instant, à inspirer, encourager et faire appliquer ces mesures”, a-t-il déclaré.
Recouvrement des fonds détournés
Il a saisi l’occasion pour saluer les efforts de relecture des différents textes législatifs et règlementaires et engager les acteurs des reformes à prioriser en amont la correction le recouvrement des fonds détournés. “J’invite conséquemment la justice à plus de rigueur et de courage, dans la lutte que nous voulons implacable contre la délinquance financière et le terrorisme. Puisse notre justice se montrer à la hauteur de cette guerre ! Puisse-t-elle être le premier soldat du Mali sur le front de la guerre totale contre la corruption et l’impunité !”, martèle-t-il.
Et de rassurer que l’Etat mettra tout en œuvre pour faciliter le traitement diligent des dossiers relatifs à ces fléaux. “L’heure n’est plus aux discours, mais aux actes concrets, j’entends dire. Je suis entièrement d’accord avec ceux qui le pensent.
Mais qu’ils le sachent, l’action a commencé, elle se poursuivra. Aucune chasse aux sorcières, mais aucun passe-droit, aucun sauf-conduit. Ensemble pour l’avancement du Mali, ensemble pour le rayonnement du Mali, ensemble pour le seul bonheur de notre peuple”, a-t-il conclu.
Boubacar PAÏTAO