Le Comité de règlement des différends (CRD) de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS), statuant en formation contentieuse sur le recours non juridictionnel du groupement GIDI/Triumphus les résultats de l’évaluation des propositions techniques consécutives à la demande de propositions n°ML-MEN-362935-CS-QCBS relative aux services de consultants pour les études techniques et architecturales, le suivi et le contrôle des travaux de construction des lycées d’excellence de Ouenzzindougou et de Ségou, donne tort au requérant pour “irrégularités liées à un problème d’authenticité des informations”.
C’est le vendredi 7 juin 2024 que le Comité de règlement des différends s’est réuni autour de ce litige sous la présidence de son patron Alassane Ba, en présence naturellement des représentants des deux parties en conflit.
Le fond du problème
Le 7 décembre 2023, l’Unité de coordination du Projet d’amélioration de la qualité et des résultats de l’Education pour tous au Mali (MIQRA), financé par la Banque mondiale a lancé la demande de propositions n°ML-MEN-362935-CS-QCBS relative aux services de consultants pour les études techniques et architecturales, le suivi et le contrôle des travaux de construction des lycées d’excellence de Ouenzzindougou et de Ségou. Le groupement GIDI/Triumphus a soumissionné à cette procédure de sélection. Par lettre n°01319/MEF-DGMP-DSP du 7 mai 2024, la direction générale des marchés publics et des délégations de service public a donné son avis de non objection sur le rapport de dépouillement et de jugement des propositions techniques.
Par lettre n°001215/MEN-DFM du 16 mai 2024, reçue le 17 mai 2024, le directeur des finances et du matériel (DFM) du ministère de l’Education nationale a informé le mandataire du groupement GIDI/Triumphus de sa note technique obtenue à l’issue de l’évaluation des propositions techniques (62,45 points) et son élimination de la suite de la procédure en raison de la non-atteinte de la note de 80 points. Par une demande d’éclaircissement du 17 mai 2024 adressée au DFM, le mandataire du groupement a souhaité être en possession du détail des résultats de l’évaluation par critères et sous critères d’évaluation.
En réponse, le 23 mai 2024, le DFM a fourni au groupement le détail de la composition de sa note technique. Ainsi, le 27 mai 2024, le mandataire dudit groupement a exercé un recours en contestation de sa note technique en estimant en deçà des résultats de leur auto-évaluation se chiffrant à une note de 99,35 points.
Le 28 mai 2024, maintenant la note technique attribuée, le DFM a rappelé au mandataire du groupement que l’évaluation des propositions techniques a été conduite conformément aux critères indiqués dans la demande de propositions, objet de la consultation et l’a invité ce même jour à 15 h 30 pour une séance de débriefing aux fins d’une compréhension approfondie du processus de l’évaluation des propositions. Le débriefing n’a eu lieu que le 29 mai 2024.
Le 31 mai 2024, le mandataire du groupement a introduit un recours enregistré sous le numéro 006 devant le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS) pour contester la note technique qui lui a été accordée par l’Autorité contractante.
Un recours recevable…
L’article 120.1 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, portant code des marchés publics et des délégations de service public, modifié, prévoit que “tout candidat ou soumissionnaire s’estimant lésé au titre d’une procédure de passation d’un marché ou d’une délégation de service public est habilité à saisir l’autorité contractante ou l’autorité délégante d’un recours gracieux à l’encontre des procédures et décisions lui causant ou susceptibles de lui causer préjudice”.
Que l’article 120.4 du même décret dispose à son dernier paragraphe que l’autorité contractante est tenue de répondre à ce recours gracieux dans un délai de trois (3) jours ouvrables à compter de sa saisine, au-delà duquel le défaut de réponse sera constitutif d’un rejet implicite dudit recours.
Aux termes de l’article 121.1 du décret précité, “les décisions rendues au titre du recours gracieux peuvent faire l’objet d’un recours devant le Comité de règlement des différends dans un délai de deux (2) jours ouvrables à compter de la date de notification de la décision faisant grief”.
Par lettre n°C-GD-005-24 du 27 mai 2024, le mandataire du groupement GIDI/Triumphus a exercé son recours gracieux préalable auprès du DFM du ministère de l’Éducation nationale pour contester sa note technique obtenue à l’issue de l’évaluation des propositions techniques.
Ce recours gracieux a été répondu défavorablement le 28 mai 2024 et qu’un débriefing à la demande du DFM a eu lieu le 29 mai 2024. Par la suite le mandataire du groupement a saisi le 31 mai 2024 le CRD de l’ARMDS pour contester sa note technique qui a occasionné son éviction de la procédure de sélection du marché. Donc, le requérant a exercé sa contestation, auprès du CRD dans les deux (2) jours ouvrables suivant la réponse de l’autorité contractante à son recours gracieux.
Dès lors, le recours du groupement GIDI/Triumphus est déclaré recevable devant le Comité de règlement des différends.
… Mais des irrégularités fatales
Au soutien de son recours, le groupement estime qu’il mérite une note de 99,35 points selon son auto-évaluation au lieu de la note éliminatoire de 62,45 points qui lui a été accordée par la commission d’évaluation. A l’appui de ses arguments, il a fourni un tableau qui présente le détail des notes obtenues par la commission d’évaluation et de celles de l’auto-évaluation du groupement.
Le requérant dit avoir constaté que sa proposition technique a été largement sous-évaluée. Aussi que la commission d’évaluation ait jugé que l’expert n’a ni références similaires, ni expérience dans la région; les sous-critères adéquation pour la mission et l’expérience dans la région et langue ont été notés zéro (0) point. Que ce cas est valable pour d’autres experts. Qu’il en est de même pour les critères “expérience des consultants pertinente pour la mission” et “conformité du plan de travail et de la méthode proposée aux termes de référence” pour lesquels il conteste les notes.
Compte tenu de ces arguments, le groupement conteste les résultats de l’évaluation technique et demande la reprise de l’évaluation.
A son tour, la direction des finances et du matériel du ministère de l’Education nationale a apporté la riposte. Au cours de l’évaluation des offres, la sous-commission technique a constaté des insuffisances dans la proposition technique du requérant qui sont contestées par ce dernier dans son auto-évaluation, comme l’expérience de consultants pertinente pour la mission. Aussi, le groupement GIDI/Triumphus a présenté des références qui ne sont pas toutes conformes aux critères requis, c’est-à-dire des marchés similaires exécutés dans le cadre de l’enseignement secondaire. En effet, il n’a soumis que quatre (4) références conformes qui correspondent à 6points contre 10 points que le requérant s’est attribué dans son auto-évaluation. Cette insuffisance apparait également au niveau des références présentées par le personnel clé du groupement. En plus, la sous-commission a décelé un certain nombre d’irrégularités qui font l’objet de saisine du CRD par la DFM. Etc. Après analyse du recours suite aux moyens développés par les deux parties, le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public a rendu la décision suivante : “Déclare que le recours du groupement GIDI/Triumphus est recevable ; constate que la proposition technique dudit groupement comporte des irrégularités liées à un problème d’authenticité des informations y contenues ; dit que les motifs de contestation du requérant ne sont pas fondés ; ordonne la poursuite de la procédure de passation du marché en cause ; s’autosaisit du dossier en ce qui concerne les informations suspicieuses dans la proposition technique du groupement…”.
El Hadj A.B. HAIDARA