Le Colonel Assimi Goïta lors de la rentrée des cours et tribunaux 2022-2023 “D’importants efforts budgétaires ont été consentis par l’Etat pour mettre les magistrats à l’abri du besoin”

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“Il est inadmissible qu’un magistrat soit convaincu de corruption ou de comportement qui jure avec l’éthique et la déontologie de sa profession”.

Le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, a présidé le 1er décembre 2022, la rentrée des Cours et Tribunaux pour la période 2022-2023, sous le thème “Une justice plus proche du citoyen : problématique de la bonne distribution de la justice”. L’occasion était bonne pour le Chef de l’Etat de faire un état de lieu de l’appareil judiciaire avec les nombreux efforts consentis par l’Etat avec l’augmentation du budget du département. Avant de préciser que : “la justice malienne ne sera que ce que nous en ferons”. Cette rentrée judiciaire s’est déroulée à la Cour Suprême en présence de plusieurs personnalités dont le président du Conseil National de la Transition, Malick Diaw, des membres du gouvernement, des présidents des institutions, des diplomates accrédités au Mali. Voici le discours lu par le Colonel Assimi Goïta à cette occasion. 

L’Etat est un terme désignant l’ensemble des institutions politiques, juridiques, militaires, administratives et économiques organisant une société sur un territoire. La justice, quant à elle, est à la foi une vertu et une organisation harmonieuse  de la vie sociale. Il s’agit du principe qui maintient chaque instance à sa place tout en présidant à l’harmonie  de l’ensemble. La justice, dans son sens habituel, concerne exclusivement les rapports avec autrui. Elle repose en général sur un double principe : celui d’égalité (la loi est la même pour tous) et celui d’équité (on doit offrir  à chacun son dû).

L’Etat peut-il trouver un fondement ailleurs que dans la justice ?

Ces deux principes en appellent à la bonne distribution de la justice, c’est-à-dire une justice idéalement proche du citoyen, facile d’accès, rendue avec diligence, compréhensible et garantissant la stabilité, la prévisibilité de la jurisprudence et l’exécution des décisions.  Mais la réalité de la justice malienne est qu’elle est confrontée à des défis d’accès et d’incompréhension de sa mission et ses décisions.

Il est inutile de s’attarder sur les difficultés de la distribution de la Justice, si éloquemment étayées ici par le rapporteur, le Président de la Cour Suprême, le Procureur général et le Bâtonnier de l’ordre des avocats, accompagnées de suggestions et solutions pratiques. J’en prends bonne note.

En ma qualité de garant constitutionnel de l’indépendance du pouvoir judiciaire, assisté dans cette mission par le Conseil Supérieur de la Magistrature, je mesure toute l’ampleur des défis liés à la bonne distribution de la justice et l’urgente nécessité de les relever. Je rappelle, comme l’année dernière à cette même place, en cette même circonstance de rentrée solennelle des cours et tribunaux, que : “l’heure  n’est plus aux discours, mais aux actes concrets”.

A ce sujet, j’ai noté avec intérêt que la justice malienne regorge de beaucoup de potentialités qui en font une mine d’or inexploitée.

Nous allons désormais commencer ensemble l’exploitation de cette mine, pas avec des méthodes artisanales, mais par des méthodes les plus modernes et plus concrètes. Ces méthodes concrètes consisteront :

– en une prise de conscience générale que la justice doit désormais changer

– en l’augmentation progressive, déjà amorcée du budget alloué à la justice et d’un meilleur traitement salarial des acteurs de la justice ;

– en la prise d’actes concrets de bonne gouvernance des responsables de la justice ;

– en l’adoption de législations appropriées allant dans le sens de la bonne distribution de la justice ;

– en la prise de décisions de bonne qualité par les magistrats ;

– à la prise de responsabilité des organes de contrôle et de vérification de la bonne marche de l’activité judiciaire.

Je voudrais vous rassurer que les forces de défense et de sécurité, déjà fermement engagées dans la défense du territoire, des juridictions et du personnel judiciaire, continueront sur cet élan.

Je note également que la législation pénale en relecture a déjà pris en compte le souci de protection spéciale des femmes, filles, victimes et témoins.

Je rappelle, en outre, que la crise multidimensionnelle de la décennie en cours nécessite la priorisation de certains secteurs d’activités comme la défense et la sécurité.

Malgré cette priorisation budgétaire, l’Etat du Mali est conscient que le budget du secteur de la justice requiert beaucoup d’attention. Cette attention, certes, encore modeste, accordée au budget de la justice, en a porté le taux de 1, 25°/° en 2019 à 1, 34°/° en 2021. L’évolution du budget de la justice ira crescendo parce qu’elle est indispensable à son bon fonctionnement. En effet, l’augmentation progressive du budget de la justice permettra, à moyen termes :

– de rendre opérationnelles plus de juridictions déjà créées théoriquement par la loi de 2011 ;

– de recruter plus de personnel judiciaire ;

– de rendre, corollairement, plus diligente la justice malienne ;

– de renforcer la formation continue d’acteurs de la justice ;

– de créer le centre de documentation de la Cour Suprême et des autres juridictions ;

– d’opérationnaliser les bureaux d’accueil et d’orientation ;

– et même de promouvoir une meilleure connaissance du droit.

Mais certains défis liés à l’accès à la justice, à sa compréhension et à son acceptation par le citoyen ont leurs solutions entre les mains des acteurs mêmes de la justice. J’ai noté, en l’occurrence, la corruption et l’intelligibilité des décisions de justice.

En ce qui concerne l’appareil judiciaire, d’importants efforts budgétaires ont été consentis par l’Etat pour mettre les magistrats à l’abri du besoin. Ces efforts continueront certainement pour les magistrats et les autres personnels judiciaires.

En conséquence, il est inadmissible désormais qu’un magistrat soit convaincu de corruption ou de comportement que jure avec l’éthique et la déontologie de sa profession. J’engage, à ce sujet, le ministre en charge de la justice, le Conseil Supérieur de la Magistrature et l’Inspection des Services Judiciaire à prendre désormais leurs responsabilités pour une lutte plus efficace contre ces phénomènes au sein de la justice.

Je les engage également à promouvoir les plus méritants.

En matière d’intelligibilité des décisions de justice, j’ai noté que la bonne ou mauvaise qualité des décisions s’apprécie par la hiérarchie judiciaire chargée d’examiner les recours. Je voudrais, en conséquence, exhorter la hiérarchie judiciaire, à tous les niveaux, à identifier désormais les magistrats soucieux de la bonne motivation de leurs décisions, de la qualité de leurs décisions, et proposer leur promotion au Conseil Supérieur de la Magistrature que je préside. La hiérarchie est également exhortée à notifier le bon travail, documenté, des autres acteurs de la justice aux fins de promotion.

Ces mesures auront pour effet de faire valoir le mérite.

La justice malienne ne sera que ce que nous en ferons. Avec la ferme conviction que nous pouvons ensemble relever tous les défis identifiés, analysés et exposés, je déclare ouverte l’année judiciaire 2022-2023.”

 

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