Depuis plus d’un an, la justice malienne peine à partager deux promoteurs de quincaillerie: Modibo Sylla de la « Quincaillerie de la Paix », spécialisé dans la fabrication de brouettes, et Adama Dembélé de la « Quincaillerie 2002 ». Le premier a assigné le second devant le tribunal de la commune VI pour « fraude et contrefaçon de la brouette 3 caïmans », dont il détient le titre de propriété. Le tribunal de la commune VI s’est déclaré incompétent et l’affaire a été transportée devant la Cour d’appel de Bamako. Elle devait statuer le lundi 27 mai 2019, mais à la grande surprise générale, Adama Dembélé était absent et l’audience a été renvoyée au 1er juillet 2019. Nous avons décidé de rencontrer ces deux grands promoteurs de quincaillerie qui s’entredéchirent devant la justice pour voir clair dans cette affaire qui défraie la chronique.
Installé en chine, Modibo Sylla est spécialisé dans la fabrication des brouettes depuis une quinzaine d’années. Commerçant import-export, il est représenté au Mali par la « Quincaillerie la Paix ». M. Sylla a conclu avec des partenaires chinois un modèle de brouette solide pour aider les travailleurs de tous les secteurs d’activités au Mali. Il a rempli toutes les formalités administratives requises avant de lancer son projet qui est enregistré auprès du Centre malien de propriété intellectuelle (Cemapi), puis auprès de l’Organisation africaine de la propriété Intellectuelle (Oapi), basée à Douala, sous le N°110068/OAPI du 29 juillet 2011, renouvelé ensuite sous le N° 0010 du 14 août 2017. C’est après qu’il a commencé la mise en vente de son produit, « la brouette 3 caïmans ». Il nous a montré tous les documents qui les certifient ainsi que son titre de propriétaire, le dessin et le modèle industriel.
« Ma marque de brouette 3 caïmans a été très bien accueillie par les clients. Devant ce succès commercial, le promoteur de la Quincaillerie 2002, Adama Dembélé, a passé une forte commande de la marque en 2018 auprès de moi pour approvisionner ses succursales un peu partout à Bamako », nous indique M. Sylla, tout en brandissant les factures de ces achats. Avant de poursuivre : « Ma surprise fut grande quand j’ai constaté que le marché malien est inondé de ma « brouette 3 caïmans », contrefaite. Adama Dembélé qui était l’un de mes grands acheteurs est allé en Chine avec le modèle de ma « brouette 3 caïmans » pour la reproduire en grande quantité contrefaite en n’y apposant une marque ‘’star’’». Et M. Sylla d’indiquer: « Je suis formel : Adama Dembélé, promoteur de la Quincaillerie 2002, a contrefait ma brouette « 3 caïmans ».
« Faux et archifaux », rétorque le promoteur de la « Quincaillerie 2002 ». « Je suis un fervent croyant. Devant M. Sylla, j’ai mis ma main sur le courant pour jurer que je n’ai nullement contrefait ‘’sa brouette 3 caïmans’’», a juré M. Dembélé, avant de poursuivre : « Je suis parti en Chine pour commander avec une usine de renommée internationale dénommée ‘’Quigdao Xinjiang Handtruck’’ des brouettes de marque ‘’Star’’. Cette usine est spécialisée dans la fabrication des bouettes. En Chine, il y a des milliers d’usine de fabrication de brouettes. Mes brouettes sont différentes de celles de la marque ‘’3 caïmans’’». Et Dembélé d’indiquer : «Quigdao Xinjiang Handtruck, l’usine qui a fabriqué mes brouettes, est connue internationalement, tout le monde peut faire des cherches sur elle…»
La tentative de régler l’affaire à l’amiable a échoué
Une tentative de régler l’affaire a échoué. « Je suis un homme de paix. De ce fait, quand j’ai appris les échos de cette massive fraude, j’étais en Chine. A mon arrivée à Bamako, j’ai rapproché Adama afin de régler l’affaire à l’amiable. Malheureusement, cela s’est mal tourné. Présents dans le bureau d’Adama, les éléments de la police du 15ème arrondissement, sur instruction de ce dernier, sont venus m’arrêter…. J’ai été relaxé qu’après avoir montré les documents en bonne et due forme», explique M. Sylla.
C’est après cette forfaiture, poursuit-il, que j’ai décidé de saisir la justice. Après un constat d’huissier et vérification faite auprès de la Direction générale du commerce et de la concurrence (Dgcc), le stock de brouettes contrefaites est évalué à 13 containers, dont 8 étaient dans les magasins à Bamako à l’époque des faits et 5 en attente d’être évacués de la Chine.
C’est ainsi qu’à la demande du plaignant, défendu par Me Abderahamane Baby, le tribunal de la commune VI a procédé à la saisie des brouettes ‘’star’’ du sieur Adama Dembélé. Selon les explications de M. Sylla, à la suite d’une audience restreinte, le même président décide de libérer les brouettes au motif que la saisie ordonnée par lui-même était mal faite. Il demande un rapport d’expertise avant d’ordonner la main levée sur les brouettes. A l’en croire, c’est après cela que le procureur de la République de la commune VI, Aboubacar Sidiki Samaké, a automatiquement saisi encore les mêmes brouettes contrefaites et repris le dossier en main. « La Brigade d’investigations judicaires (Bij) a été saisie pour la saisie des brouettes d’Adama. Face au refus d’obtempérer, ce dernier a été arrêté et a failli été écroué. Adama a fini par collaborer et a montré tous ces magasins contenant la marchandise incriminée qui a été saisie », indique M. Sylla, avant de poursuivre: « le jugement va attendre un an et à la fin, le tribunal s’est déclaré incompétent en son audience d’avril dernier. J’ai confiance en la justice malienne, c’est ainsi que j’ai fait appel au niveau de la Cour d’appel de Bamako qui a programmé le jugement pour le lundi 27 mai 2019 ».
L’absence d’Adama Dembélé qui complique l’affaire
Cette affaire de « fraude et contrefaçon » de la « brouette 3 caïmans » qui oppose deux richissimes opérateurs économiques devant la justice devait être tranchée définitivement par la Cour d’appel de Bamako avant-hier lundi 27 mai 2019. Mais hélas, le promoteur de la « Quincaillerie 2002 » était absent à l’audience. Mais son avocat y était. Le plaignant, M. Sylla, habillé en chemise blanche et pantalon kaki, et son avocat, Me Baby, y étaient également présents. L’absence du sieur Dembélé n’a pas du tout plu au président du tribunal qui a d’ailleurs accusé l’avocat de ce dernier : «je sais que c’est toi qui a dit à ton client de ne pas venir. J’aurai voulu que lui-même soit là pour se défendre. Je reporte l’audience au 1er juillet 2019. A cette date-là, Adama Dembélé doit être obligatoirement présent devant la Cour».
- Sylla a beau indiquer au tribunal que le 1er juillet ne le trouvera malheureusement pas à Bamako puisqu’il est installé en Chine, le président est resté strict: «Ton avocat pourra valablement te représenter…».
Joint au téléphone, Adama Dembélé nous a indiqué « qu’il était en partance pour le tribunal, mais il a été d’urgence appelé à la maison pour un cas social qui ne pouvait pas attendre. J’ai d’ailleurs appelé mon avocat pour lui dire. Je n’ai rien à me reprocher. Je sais que éperdument que je n’ai rien fait d’inégale… »
A la sortie de la salle d’audience, M. Sylla indique qu’il n’est pas surpris de l’absence d’Adama Dembélé qui a chaque fois un nouveau avocat : « Tôt ou tard le verdict sera prononcé. J’ai mes documents et toutes les preuves de la fraude et de la contrefaçon de ma brouette. J’ai confiance en la justice malienne et je suis sûr que le droit sera dit… ». Et M. Sylla de conclure : «Face aux énormes préjudices causés, j’évalue le manque à gagner à plus de 200 millions de francs…». Affaire à suivre…
La Rédaction