Comme dans presque toutes les situations post-conflits, la justice transitionnelle s’avère désormais une nécessité, un passage obligé, depuis l’heureuse expérience vécue en Afrique du Sud. Une réussite saluée par l’ensemble de la Communauté internationale dans les années 90.
La justice post-conflit constitue une étape de renforcement de la légitimité du nouveau régime mis en place après les hostilités. Au Mali, la justice transitionnelle est à sa première expérimentation. A la différence de la justice institutionnelle, elle est particulière et circonstancielle.
Sa mise en œuvre précède à des graves violations des Droits humains suite à des conflits armés. Elle obéit généralement à quatre piliers. Il s’agit du droit à la justice qui suppose le droit à l’existence d’une justice ; du doit à l’existence d’une justice juste et impartiale et celui à l’exécution des décisions d’une justice juste et impartiale ; du droit des victimes de savoir la vérité ; la réparation des préjudices subis par les victimes ; la garantie de la non répétition des faits incriminés.
C’est justement cette dernière exigence qui appel à des reformes pertinentes de l’ensemble du système sécuritaire du Mali (armée, police, garde nationale…) et qui nécessite la mise en œuvre rapide du mécanisme de démobilisation, de désarmement et de réinsertion (DDR).
Cependant, une analyse du contexte de la mise en œuvre de la justice transitionnelle en Afrique du Sud et au Mali est importante. En Afrique du Sud, la justice transitionnelle était un moment d’expression d’un Etat sud-africain fort, puissant et uni, donc soucieux de tourner une page sombre de son histoire en mettant les victimes dans leurs droits.
L’icône d’alors, le regretté Nelson Mandela, et ses compagnons avaient réussi à mettre fin à la discrimination raciale et à la domination des Blancs sur les Noirs.
Par contre, le contexte malien est caractérisé par une fragilité des institutions républicaines. Donc à la décharge des autorités maliennes, on peut aisément déceler qu’en Afrique du Sud on est allé de la division ou de la différence à l’unité. Par contre, au Mali, c’est de l’unité qu’on est allé vers la division ou à la limite de la désunion.
En plus, la conjoncture est marquée au Mali par d’autres enjeux de taille comme la sécurisation et la stabilisation du pays ; la mise en application de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation nationale. Ceux-ci (enjeux) pourraient limiter la mise en œuvre efficace ou efficiente de cette justice transitionnelle.
En tout état de cause, la mise en œuvre de la justice transitionnelle au Mali est une nécessité. Elle précède des violations graves des Droits humains dans le contexte de la crise malienne de 2012 (assassinats, déplacements, viols, destruction des édifices publiques et symboliques…).
Cette crise multiforme a entrainé la destruction du tissu social dans la mesure où, au sein d’une même famille ou encore d’une même communauté au nord du Mali, il existe des membres appartenant à des différents camps ou à de différentes tendances. Autrement dit, a cause des perceptions, la dialectique Plateforme-CMA a finalement atteint la cohésion sociale au niveau le plus profond.
Le constat est clair, c’est avec une très grande impatience que les victimes du conflit malien attendent la justice ; la vérité et la réparation des préjudices subis. A ce niveau, il faut distinguer les victimes du conflit ouvert entre Bamako et les différents groupes armés rebelles ou extrémistes violents qui ont envahi le septentrion du pays et les victimes occasionnées par les combats qui ont opposé les bérets «Rouges» et «Verts» de l’armée malienne dans le contexte du coup d’Etat de mars 2012.
S’organiser pour mieux se défendre
Cette justice est d’autant plus une nécessité que les victimes vivent dans des conditions de réelle précarité. Elles n’ont pas reçu de l’aide ni d’autres formes d’assistance en tout cas de la part de l’Etat, celles d’entre elles qui en ont reçu sont insatisfaits. C’est dans ce contexte que les victimes de la crise malienne de 2012 ont mis en place un bureau chargé de revendiquer leurs droits.
Lors d’une conférence de presse organisée à l’Institut national des recherches en santé pharmaceutique, les victimes ont fustigé le fait qu’elles ne sont pas représentées au sein de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR).
Elles demandent désormais avoir une représentation au sein de ladite commission. Cette revendication va dans le même sens qu’un récent rapport des Nations Unies sur le Mali. Une revendication légitime car on ne saurait reconnaitre la crédibilité de cet instrument si les principaux acteurs concernés, à savoir les victimes, ne sont pas associés. Autrement, cette Commission ne saurait jouer le rôle qui lui est dévolu.
La tâche s’annonce donc complexe pour la CVJR car un important travail technique reste à faire. En occurrence, la définition même du terme «Victime». La loi de 2012 portant sur la justice transitionnelle au Mali n’a, malheureusement pas défini ce terme.
Ibrahima H. Diallo