A l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la table ronde de deux jours sur l’aide légale au Mali, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali, Me Alhassane Sangaré, en a profité pour lever un coin de voile sur les insuffisances de l’assistance juridique aux plus pauvres et aux plus vulnérables. C’était le lundi 25 novembre 2019, à l’Hôtel Maeva Palace.
Le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali n’est pas allé avec le dos de la cuillère. Dans le discours qu’il a prononcé lors de l’ouverture de l’atelier de deux jours sur l’aide légale au Mali, l’avocat a touché du doigt les causes qui font que les plus pauvres et les plus vulnérables n’ont pas accès à l’assistance juridique.
D’entrée, Me Alhassane Sangaré a rappelé que l’atelier a comme thème « L’avenir de l’aide légale au Mali face aux enjeux du pluralisme juridique ». Partant, il dira que cette initiative est partie d’un simple constat que le conseil et l’assistance juridique sont quasi inexistants dans les postes de police, les unités d’enquêtes, devant les parquets, les cabinets d’instruction et même devant les juridictions comme au niveau des maisons d’arrêt.
A ses yeux, cet état de fait contribue à engendrer des difficultés comme la prolifération du nombre de suspects et de prisonniers souvent détenus pour de longues périodes dans des cellules surpeuplées et dans des conditions inhumaines au niveau des postes de police, dans des établissements pénitentiaires et les maisons d’arrêt.
L’interlocuteur pense aussi que les principes de base sont violés. A l’entendre, l’incarcération prolongée des suspects ou des prisonniers sans qu’ils puissent bénéficier d’une assistance juridique ou se faire entendre devant un tribunal constitue une violation des principes de base des droits de l’homme.
A titre d’exemple, il s’est référé à la déclaration de Lilongwe du 24 novembre 2004 dans ses principes et lignes directrices. De son point de vue, cette déclaration a fait l’objet de la résolution 67 187 du 20 décembre de l’Assemblée générale des Nations Unies qui réaffirme que tout gouvernement a pour responsabilité de reconnaître et de soutenir les droits de l’homme y compris la mise à disposition et l’accès à l’assistance judiciaire pour les personnes aux prises avec la justice pénale.
Pour lui, cette responsabilité doit encourager les gouvernements à adopter des mesures et allouer des fonds suffisants pour assurer que les plus pauvres et les plus vulnérables en particulier les femmes et les enfants bénéficient de façon plus transparente et efficace d’une assistance juridique qui garantisse ainsi leur accès à la justice. « L’assistance juridique prodiguée aux suspects et aux prisonniers procède au respect des droits de l’homme et est de nature à aider, à réduire les temps de garde à vue dans les postes de police, l’engorgement des tribunaux ainsi que la surpopulation carcérale, ce qui améliore les conditions de détention et réduit les coûts liés à l’administration judiciaire et pénitentiaire », a-t-il laissé entendre
L’orateur du jour n’a pas occulté la lenteur dans l’application du décret. Ainsi, dit-il, pour être conforme aux standards internationaux, l’Etat du Mali à son indépendance a mis en place un système d’assistance judiciaire suivant la loi 103 Amrm du 18 août 1961 remplacée par celle n°o1082 du 24 août 2001 dont le décret d’application n’a été pris qu’en 2006, soit 5 années après.
Il n’a pas manqué de déplorer la simple existence des lois qui restent dans les tiroirs. Ecoutons le bâtonnier Sangaré : « Force est de reconnaître aujourd’hui que ces lois ont juste eu le mérite d’exister, mais n’ont presque rien réglé dans l’amélioration de l’accès à la justice en faveur des couches défavorisées ».
L’interlocuteur du jour enchaînera que cette assistance judiciaire ne se manifeste que dans un système de commission d’office uniquement lors des sessions de Cour d’Assises. Parce que, ajoute-t-il, textuellement aucun accusé ne peut être jugé devant cette juridiction s’il n’est assisté par un avocat. « C’est en faisant participer un nombre important d’avocats au système d’assistance judiciaire que, de nos jours, l’assistance est reconnue comme faisant partie intégrante des obligations institutionnelles de l’Etat et une obligation liée aux professions juridiques », a-t-il expliqué.
Il estime que l’indemnité payée par l’Etat au titre de cette assistance judiciaire a été dérisoire voire insignifiante. En se prononçant sur la somme de cette indemnité, il précise que c’est 50.000 FCFA par personne dans les dossiers.
A l’en croire, jusqu’à la dernière minute le Garde des Sceaux et le Premier ministre ont annoncé que l’Etat est d’accord à revoir cette indemnité en multipliant le coefficient de 1 à 5. « Ce qui fait 250.000 FCFA par commission d’office. Cet effort mérite d’être souligner même si par ailleurs c’est bien en deçà des standards régionaux et sous-régionaux », a fulminé le bâtonnier Sangaré.
Bazoumana KANE