L’annonce de l’arrivée prochaine des juges traditionnels appelés « cadis » dans la ville de Kidal n’augure rien de bon pour la justice. Par ailleurs, les magistrats ont surpris tout le monde en décidant d’appeler leurs confrères se sentant en danger de se rendre en milieu sûr. Peut-il avoir pires signes annonciateurs de la faillite de l’Etat ? Les Maliens s’interrogent, tandis que le pouvoir surpris prend le temps de comprendre ce qui arrive au pays.
Les juges musulmans devront désormais trancher certains délits dans la cité contrôlée par la Coordination des mouvements de l’Azawad(CMA), le regroupement des principaux mouvements rebelles. Les délits qui feront l’objet de jugements par les cadis sont nombreux comme les infractions au code de la route, la consommation ou la vente de l’alcool et des stupéfiants dans la ville.
La CMA qui brave ainsi l’Etat central pour la énième fois transmet aux cadis le pouvoir d’avoir un regard sur le mouvement des personnes et de leurs biens dans la ville de Kidal. C’est pourquoi le défaut de la détention de l’autorisation d’entrée et de sortie dans la cité sera punissable par les juges traditionnels musulmans. De nombreux observateurs voient dans la décision de la CMA une provocation ou un chantage afin d’obtenir du gouvernement malien une faveur. La décision est d’autant plus incompréhensible que plusieurs déserteurs de l’armée au profit des groupes armés ont rejoint l’armée régulière et sont à présent cantonnés dans des camps au sud du pays dans le cadre du désarmement et de la réintégration des anciens rebelles.
Une autre interrogation est le caractère attentatoire de la décision de la CMA contre le principe de la séparation de la religion de l’Etat. En introduisant un système judiciaire basé sur la tradition musulmane, la ville de Kidal échappera en quelque sorte au pouvoir séculaire des magistrats qui sont d’ailleurs peu aimés par la population.
Au même moment, le système judiciaire laïc malien traverse la pire crise de son histoire avec l’incapacité de l’Etat à protéger les magistrats exposés à la violence. Dans un communiqué diffusé à la fin de semaine dernière, les deux syndicats des magistrats ont invité leurs camarades se sentant en danger dans les zones où ils se trouvent de venir vers des localités considérées comme étant plus sures dont Bamako et environs.
Les syndicalistes n’ont pas donné les raisons de cet appel à l’abandon des postes situés dans les zones d’insécurité élevée. L’appel intervient cependant après l’annonce de la mort d’otages maliens détenus par les islamistes au centre du pays.
En clair, la crise malienne a franchi un pas grave la semaine dernière avec deux évènements. Au moment où les cadis arrivent à Kidal, les magistrats se barrent, préférant quitter les zones dangereuses pour leur profession.
En somme, cette situation vient confirmer la thèse que la région de Kidal comme beaucoup d’autres localités ne fait pas partie du giron du Mali. A cela s’ajoute la vive tension qui sévit à Bamako entre religieux et gouvernement au point que certains prédisent des jours pas meilleurs, et cela est à craindre.