Décidément l’impunité tend à devenir monnaie courante dans notre pays. Le déphasage dans le traitement et l’exécution des décisions judiciaires suffit pour s’en convaincre. Il semblerait que la rigueur ou la velléité dans l’exécution des décisions judiciaires est fonction de la situation financière du justiciable.
Le régime démocratique repose sur un certain nombre de principes qui constituent ses fondements. L’inobservation de ces principes aboutit incontestablement à une dénaturation du régime. La formule ‘’pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple’’ qui reflète tout le charme du régime, est loin d’être fortuite. La démocratie est l’incarnation du pouvoir par les citoyens mêmes qui, à travers les structures mises en place par eux-mêmes, participent à sa gestion.
Pour paraphraser la disposition de notre Constitution, selon laquelle la souveraineté appartient au peuple tout entier qui l’exerce par la voie de ses représentants. Autrement dit, dans une démocratie, chaque citoyen participe à la gestion du pouvoir, notamment à travers son suffrage. De ce fait, primo le peuple doit se reconnaître dans toutes les décisions prises par les dirigeants ; secundo, les citoyens ainsi que leurs biens, doivent être sécurisés par l’Etat. Pour mieux traduire cette réalité, la démocratie s’est dotée d’un principe fondamental, voire universel, qui est la séparation des pouvoirs. A travers ce triple pilier : le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire, la démocratie est réputée être le meilleur des régimes. Le pouvoir exécutif, représenté par le gouvernement, oriente les grands axes de la politique de l’Etat ; le pouvoir législatif, représenté par le Parlement, légifère ; le pouvoir judicaire, représenté par les cours et tribunaux, veille à l’application des normes ; au besoin, sanctionne leur inobservation. Autant cette répartition bien structurée traduit l’harmonie de la démocratie, si elle est respectée, autant son non-respect traduit l’oligarchie. Bien que les fonctions exercées par ces trois pouvoirs soient toutes stratégiques, la défaillance du pouvoir judiciaire paraît la plus grave. Car, elle engendre les germes d’une jungle, loi du talion, auto-défense, etc., pouvant générer une révolte ou un soulèvement du peuple. Si l’on analyse de près le relâchement de nos autorités judiciaires, de telles réactions sont à craindre dans notre pays où l’appareil judiciaire, même s’il existe, passe pour être un instrument destiné à opprimer les pauvres. Cette affirmation se trouve doublement confortée si l’on considère, d’une part, l’inexécution des décisions de justice et, d’autre part, les cas d’impunité et de laxisme avéré à l’endroit de certaines catégories nanties.
Dans une démocratie, la justice ne peut se faire remarquer que par l’impartialité, l’effectivité et la promptitude de l’exécution de ses décisions. L’inexécution des décisions judiciaires est, par excellence, le symbole de l’absence d’une autorité étatique. Au Mali, les cas de disfonctionnement de l’appareil judiciaire tendent à atteindre des proportions démesurées. Les nombreux cas de classement sans suite, non justifiés, et les violations de plus en plus fréquentes des procédures judiciaires témoignent d’une telle réalité. L’inexécution totale, ou parfois l’exécution tardive, des décisions judiciaires font du peuple malien un peuple encore avide de justice. Le plus souvent, l’exécution des décisions judiciaires n’intervient qu’un semestre, voire une année, après que le jugement ait été définitif. De deux choses l’une. Soit notre appareil judiciaire n’est plus que virtuel ; soit, s’il existe, il ne sert plus qu’à distraire le peuple.
A quoi sert une justice lorsque ses décisions ne sont pas exécutoires ? Ou lorsque l’exécution de ses décisions est empreinte de subjectivité ?
Malick Camara