La part du ministère de la Justice dans le Budget national est inférieure à 1%. De tous les magistrats sur la planète terre, ceux du Mali sont les plus mal payés. Là n’est pas le plus grave.
Le magistrat débutant (qui attend son tout premier salaire à la fin de ce mois de juillet 2016) de certains pays qui partagent les frontières avec le Mali est mieux payé que le président de la Cour suprême du Mali. Une seule de ses primes (salaire de base, indemnités et les autres primes composant son revenu mensuel mis de côté) dépasse le salaire d’un magistrat malien qui est à plus de vingt (20) ans d’exercice. Avec cette seule prime, il peut payer le revenu mensuel de deux de ses collègues maliens du même grade. Un haut magistrat d’un pays voisin du Mali perçoit un revenu mensuel équivalent à l’ensemble du revenu annuel d’un magistrat débutant au Mali, environ 5 à 6 mois de revenus d’un haut magistrat malien.
Si cela ne suffit pas, mes amis, un greffier dans un pays voisin est mieux payé qu’un magistrat malien. Quel contraste ! Comment le justifier ? Jamais, par le coût de la vie. Et si c’est pour faire de l’économie, je dis non, parce que ce serait une économie criminelle tirée de l’exploitation, sinon de l’esclavage des fonctionnaires et autres agents publics. Chez nous, chaque fois qu’il s’agit d’améliorer les conditions de vie et de travail des magistrats, les autorités sondent insidieusement l’opinion publique (qu’elles savent d’avance défavorable aux magistrats pour des raisons originelles), nous ne sommes vraiment pas sortis des ténèbres. Elles ne le font jamais à propos des autres corporations. Hélas ! L’actuel chef d’État d’un pays voisin a multiplié par 7, sinon par 10, le salaire des magistrats de son pays, sans fracas.
Dans tous les cas, chez nous, le garant constitutionnel de l’indépendance de la justice est le chef de l’État et non le gouvernement qui est d’ailleurs le premier et le plus redoutable prédateur de cette indépendance. Pour avoir un Exécutif tout puissant, qui ne connaîtrait aucune limite, quoi de plus évident que de maintenir l’appareil judiciaire dans une grave précarité ? C’est ce qui semble avoir été la politique des différents régimes qui se sont jusque-là succédé au Mali.
L’espoir d’un changement positif est-il permis avec l’actuel chef de l’État qui jure par tous les dieux du monde de lutter, sans concession, sans compromis, contre la corruption, un mal enraciné dans les mœurs au Mali ? En attendant, n’oublions pas que du président au citoyen lambda, y compris le magistrat, nous sommes tous des potentiels justiciables. À ce titre, nous devons tous exiger une justice indépendante, car, comme s’interrogeait Saint Augustin (La Cité de Dieu, Monde latin, Ve s.) : «Sans la justice, que sont les royaumes, sinon des bandes de brigands ?».
Famakan Issa KAMISSOKO